Premier épisode | Épisode précédent
11 | Je n’ai jamais – Le récit de Cédric.
- « Et toi, Cédric, tu vis seul ? »
Il a un rire bref.
- « C’est une demande en mariage ? »
Je me soulève sur un coude et rabat la couette qui nous recouvrait pour le considérer. Ses yeux viennent dans les miens puis s’en écartent et vont se fixer au plafond.
Le récit de Cédric :
- « Ado puis jeune adulte, j’ai occulté la sexualité. Je ne me voyais partager aucun des élans ni des enthousiasmes de mes copains ni pour les courbes ni pour les minauderies féminines et crois bien que ça me désespérait. D’autres choses me troublaient confusément que je refusais de regarder, comme si mon détachement dédaigneux avait le pouvoir de les effacer. Je ne consentais qu’à de rapides branlettes hygiéniques qui libéraient mes tensions et me permettaient d’afficher une indifférence désinvolte sur ces sujets, en toutes circonstances.
Sans être brillant, j’étais plutôt bon élève et j’ai été reçu dés ma première tentative au concours d’entrée en IFSI*. Comme beaucoup de ceux qui désespèrent de voir clair en eux pour trouver leur propre voie, j’aspirais à me dévouer pour prendre soin des autres.
C’est lors de ma dernière année que je l’ai rencontré. Il a reçu trois étudiants infirmiers dans son bureau de médecin spécialiste à l’hôpital. Quand il plante ses yeux clairs dans les miens, je frémis et immédiatement je sais que je ne pourrai pas lui échapper non plus que lui dire « non » en rien. Lui aussi le comprend et c’est à grand peine qu’il retient un sourire de loup. Aussi, à la fin de l’entretien, me rappelle-t-il d’un « jeune homme » impérieux ; au prétexte qu’il cherche un assistant, il me donne rendez-vous le soir même à son cabinet privé en ville. J’ai le réflexe d’endormir la curiosité de mes deux collègues féminines en leur expliquant qu’il voulait évoquer mes parents dont il s’avère qu’il est une vague connaissance de jeunesse.
Avec grand soin, je me suis fait beau comme un sou neuf ; à l’heure dite, je sonne et j’entre. J’accède à la salle d’attente sans croiser âme qui vive. Rapidement, une porte s’ouvre et il apparaît, sa blouse blanche ouverte sur ses vêtements de ville laisse deviner un corps souple et athlétique, il me sourit, chaleureux, écarte un bras pour m’inviter à franchir le seuil.
- « Entre, Cédric. »
Ce détail ! Le simple fait qu’il se souvienne de mon prénom témoigne à mes yeux de l’attention qu’il me porte, suffit à réduire la distance entre nous et me rassure. Son bras enveloppe mes épaules dans un geste de familiarité et il m’entraîne dans son cabinet qui n’est éclairé que par la lampe du bureau. Il referme la porte et revient auprès de moi, il ne me propose pas de m’asseoir, alors je reste planté tel un nigaud. Il tourne autour de moi, ses mains, ses bras, nus car ses manches sont enroulées, viennent sans cesse à mon contact tandis qu’il m’interroge aimablement sur mon âge, mon domicile, mes origines scolaires, mes matières de prédilection … C’est comme un brouhaha, un bavardage que nous savons superflu, qui détourne l’attention du monde environnant de ce que me demandent silencieusement ses yeux inquisiteurs et pressants, de plus en plus pressants auxquels je ne sais comment répondre.
Soudain, son index crochète et soulève mon menton, le rapproche de lui. Il incline lentement sa tête vers moi, se rapproche de moi. Je crois devoir alors lui préciser en bafouillant :
- « Je n’ai jamais ... »
Il a un éclat de sourire mais se rapproche encore. Ses lèvres sur les miennes sont si douces que j’en ferme les yeux, sa langue qui s’aventure et rejoint la mienne est si souple, si fraîche … que je suis sidéré par la révélation de ces voluptés qui m’ouvrent à un inconnu … époustouflant.
Son doigt reste accroché à mon menton mais il se retire, le temps d’un large sourire de ses belles dents blanches et régulières.
- « Mais dis-moi, il semble que tu n’aies JAMAIS ? Vraiment RIEN ? … C’est bien ça ? »
Je cligne des paupières puis baisse la tête, soudain accablé par mon innocence qui m’apparaît alors coupable quand tout me semble soudain pourtant si … facile. Mon analphabétisme crasse en la matière n’est que la conséquence de ma volonté farouche d’absolument ignorer … que je suis un pédé. Puisque mon désir, évident, me soulève, me transporte, que l’occasion m’est donnée de me rattraper … Je relève alors vers lui des yeux déterminés et, à nouveau, il me sourit, ce bel homme qui me fait la grâce de s’intéresser à un attardé tel que moi. Je me dois de me racheter !
Cependant, c’est lui qui précise.
- « Je vais t’apprendre. »
Je suis soulagé qu’avec ses directives qui ne souffrent aucune discussion et ne s’encombrent pas de recueillir préalablement un quelconque consentement, il m’épargne la honte d’avoir à exposer à nouveau ma totale inexpérience de quiche, de godiche. Aussi je veux faire démonstration de la plus grande bonne volonté. Qui le fait pouffer ! Alors il reprend, calmement, en pédagogue, m’invitant à répéter sur lui les caresses dont il me gratifie.
Les baisers, tout d’abord.
Ils m’étourdissent tant qu’il s’en amuse, s’inquiétant à nouveau de l’étendue de mon ignorance. Comme je fronce les sourcils, le suppliant silencieusement de cesser de me harceler sur le sujet, il m’enserre dans ses bras et me glisse à l’oreille « mon petit puceau » par lequel il me désignera longtemps dans l’intimité, par jeu. Il me déshabille, se régalant de ma peau douce d’incorrigible grassouillet quand je le découvre incroyablement poilu, une toison souple et douce qui m’émerveille.
La suite s’habille d’une forme ludique, celle d’une révision de mon cours de morphologie quand, après qu’il a nommé et décrit chacun des endroits qu’il caresse, lèche ou embrasse, il attend que je répète en lui rendant la pareille. Christophe Colomb découvrant l’Amérique n’est pas mon cousin car, pour moi, la caverne d’Ali Baba vient de s’ouvrir et me révéler ses trésors. Je ne cesse de m’en ébaudir, suffoqué, et lui de se réjouir d’éveiller son « petit puceau » aux plaisirs.
A sa suite, je plonge, je mordille, je lape, je renifle, je suçote, je m’enivre et rien n’est épargné dans la réciprocité. Je pense qu’il me teste pour savoir jusqu’où je le suivrai. Mais, j’irai au bout du monde ! Pourtant, d’un coup, le ton change. Il me maintient le torse au mur d’une épaule pressée entre mes omoplates, ses mains s’arrondissent sur mes fesses que bat sa queue suintante, ses lèvres se portent des miennes à mon oreille et il siffle, soudain cassant.
- « Jure-moi que tu n’as JAMAIS été pénétré, que tu n’as même JAMAIS sucé une bite avant la mienne, mon petit puceau. »
Moi qui flottais sur la vague des voluptés, d’autant plus éblouissantes qu’elles me sont une complète découverte, je me vois brutalement ramené à un enjeu vital, décisif et je ne peux que bredouiller vaguement mes assurances. Il reprend d’une voix adoucie.
- « Alors ce sera notre contrat, notre secret mais tu dois me promettre l’exclusivité et ne fauter avec d’autres qu’exceptionnellement et toujours sous protection. »
La gravité solennelle de l’instant s’est gravée en moi, tout comme cet accord reste scellé entre nous. Après avoir obtenu mon acquiescement, il va chercher un pot de lubrifiant et me doigte longuement, tant et si bien que je crois tourner de l’œil et éjaculer. Ensuite, quand il m’embroche avec mille précautions, rassuré, je le reçois d’abord comme le messie tant espéré.
Avant d’être, soudain, déchiré.
Il m’entoure alors de ses bras, me serre, me berce, me cajole, me chantonne « Pauvre petit ! Tu ne sera bientôt plus tout à fait puceau » Il m’endort, en fait. Je ne m’aperçois pas qu’il poursuit subrepticement sa patiente intromission, jusqu’à ce qu’une chaude euphorie m’envahisse et me suffoque.
Je gémis de défaillir ainsi. Il rit.
Mais je suis libéré, joyeux. Ensuite, nous avons baisé comme des fous, je ne me tenais pas de réclamer, débordé par un nouvel appétit, une frénésie, une boulimie qui le réjouissait.
Quand, enfin, nous retombons côte à côte, épuisés, il se penche sur moi, me câline.
- « Je vais te confier une adresse, un code d’entrée, une clé. On s’y retrouve après demain à dix-huit heures, ce sera plus confortable qu’ici. »
C’est ainsi que tout a commencé pour moi, presque malgré moi.
IFSI : Institut de Formation en Soins Infirmiers qui, après un cursus de trois ans, permet d’obtenir le DEI Diplôme d’État d’Infirmier.
"Aujourd'hui, j'ai rencontré l'homme de ma vie" la folie Diane Dufresne
Amical72
amical072@gmail.com
Autres histoires de l'auteur :