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8 | Guimauve et sucre d'orge – Le récit de Julien.
Cédric a ri au récit de mon échange avec Lysandre, ce stagiaire qui s'affiche non binaire.
- "Je vois parfaitement le tableau. Ce mec s'affuble d'un prénom rare qui retient immanquabement l'attention et arbore des stigmates qui le désignent si ostensiblement que ceux qui l'approchent ne peuvent feindre de les ignorer, quelque soit le contexte. On devine sans peine l'embarras dans lequel beaucoup se voient plongés.
Celà dit, il n'a rien inventé, certains d'entre nous l'ont fait bien avant lui : s'exhiber dans des tenues provocatrices, adopter des comportements outrageux pour "emmerder le bourgeois" dans des soirées ou lors de la Marche des Fiertés. Dans cette situation, cependant, les passants peuvent, à loisir, soit en rire soit se détourner de ces extravagances faites pour heurter leurs représentations, dans le but, louable mais peu réaliste, de les voir les reconsidérer ; une atteinte narcissique est d'abord une blessure, elle n'amène que rarement à changer de point de vue.
Mais au quotidien ou dans le travail, pourquoi persister dans cette volonté d'imposer ses propres choix aux autres qui sont là pour faire des courses, gagner leur vie ou se soigner comme si cette préoccupation était LA seule, principale et universelle, qui supplante toutes les autres ?
Et encore, ces êtres qui se prétendent indéterminés adopteraient-ils une posture de médiation, la distance d'un jeu de grotesques, un sourire conciliant, tenteraient-ils une ouverture en engageant la discussion, à l'aide d'une explication ... Mais, non contents d'imposer une vision radicalement en rupture avec les usages en vigueur pour tous les autres, ils réclament, ils exigent de l'immense majorité qu'elle reconnaîsse la légitimité de leur transgression et adopte leurs codes très minoritaires.
On nage en pleine dystopie autoritaire !
Un refus de se plier à leur dickats ou un simple lapsus entraîne immanquablement un de ces lynchages d'autant plus courageux qu'il reste protégé derrière un pseudonyme, sur les réseaux sociaux où, soigneusement abritée, la haine estime légitime de se déchaîner sans limite face à l'affront jugé unanimement inacceptable. Tu t'y vois soudain ramené à ta condition d'homme blanc et adulte, accablé par un imparable héritage prétendument systémique, né de siècles de domination par le mâle, le blanc, l'oppresseur colonialiste et, pourquoi pas, l'acteur de la collusion des antidreyfusards tant qu'on y est, mais avec la volonté délibérée de tout ignorer d'un itinéraire personnel qui peut avoir été construit en opposition volontariste à ces assignations. Car ils se fichent bien de tes états de service, rien ne leur fait obstacle pour adopter ce qu'il veulent croire : que tu es bien un monstre sur lequel ils vont pouvoir se déchaîner et déverser leurs aigreurs. "
Je ris doucement.
- "Cédric, les réseaux sociaux sont le lieu de toutes les réactions épidermiques, le caniveau où, protégés par les meutes, les couards se livrent à des éructations qui ne sont en rien contenues, tout au contraire. Ces médias ne font pas appel à la réflexion et la parole ne s'y apparente que rarement à la sagesse. C'est la raison pour laquelle je ne m'y expose pas."
Mais j'ai entendu la félure dans la voix de Cédric, la trace d'une blessure, d'un ressentiment. Sans doute a-t-il été lui-même victime d'une de ces chasses aux sorcières... mais je ne veux pas pousser plus avant, je ne suis pas ici pour cela. Alors je me fais tout miel et me rapproche furtivement de lui tandis qu'il poursuit d'un ton acerbe.
- "Ils se composent un pronom, ce IEL, croisant le IL et le ELLE, se proclament différents mais ne savent user, pour se définir, que de références au masculin et au féminin que pourtant ils dénoncent, prétendent ne se reconnaitre ni comme homme, ni comme femme ...
Il faudrait qu'ils commencent par définir ce que c'est qu'être un homme, qu'être une femme ! Est-ce l'aspect physique, le volet social ou le comportement qui prime à leurs yeux ? Quoi qu'ils en disent, la répartition des tâches dans les couples d'aujourd'hui a beaucoup évoluée, les rôles sociaux ne cessent de se diversifier et, s'il subsiste des vestiges d'un passé patriarcal, on trouve des hommes en hôte de caisse au super marché et des femmes conductrices de super poids lourds ; pourtant, malgré ces mutations, chacun se voit bien reconnu dans son genre ...
Alors, QUI reconnait l'autre comme homme ou femme ? Est-ce celui qui s'autoproclame ? Est-ce qu'en France, il me suffit de porter une robe pour qu'on me dise Madame ou serai-je simplement considéré, au mieux, comme un huluberlu, un fantaisiste ? Dans toutes les formations professionnelles, on nous apprend que pour être reconnu dans une fonction, il faut adopter les codes que le commun lui attache ; ce que les trans anglo-saxons appellent le passing, c'est à dire endosser une apparence crédible pour le rôle qu'on revendique. Si on ne ressemble pas à ce qu'on prétend être, comment les autres peuvent-ils nous reconnaître, même avec la meilleure volonté ?"
Je me suis soulevé sur une épaule, tourné en partie vers lui et ma main se fait légère pour négligemment balayer son flanc. Il tourne brusquement vers moi des yeux fiévreux.
- " Moi qui aime me faire bourrer le cul, qui suis-je, hein ? Un homme puisque j'ai une bite, une femme parce que je suis pénétré ou un de ces nouveaux êtres qui se disent non-binaires?"
Pour réprimer le sourire railleur qui crispe soudain mes joues en deux fossettes, ma langue se pose sur la pointe de l'accolade que dessine ma lèvre supérieure, ma main se glisse sous la couette pour décrire des ronds apaisants sur son confortable bidou qui s'agite sous l'expression de sa colère, je soulève mes sourcils comme si j'étais la proie d'une interrogation existentielle, je hoche pensivement la tête, je ...
Enfin ! Les prémices d'un sourire renaissent sur son visage. D'un vif mouvement du bras, je rejette la couette pour m'assurer d'un coup d'oeil des dispositions de ce qu'elle masquait.
- "Moi, par goût, il n'y a que la bite des garçons pour m'inspirer des pensées grivoises ; je crois que tu peux considérer qu'il s'agit d'un critère de détermination."
Sans plus tergiverser, d'une rapide pirouette, je me rue sur l'objet de ma convoitise que j'engloutis avec appétit puis suçote avec conviction. D'un seul mouvement, il cambre son rein, relève les genoux, enfonce ses fesses dans le matelas et éructe ... mais je ne lache pas prise et m'applique à savourer un bâton qui, rapidement, passe des promesses d'une souple guimauve à la conviction d'un raide sucre d'orge alors que son propriétaire se détend et, enfin, soupire d'aise. Ses deux mains viennent épouser mes épaules, accompagnant mes mouvements, se perdent dans mes cheveux qu'elles agrippent comme pour me retenir ou encourager mes initiatives.
Mais, si "ventre affamé n'a pas d'oreille" nous ne sommes, heureusement, plus ces chiens efflanqués qui se ruent sur leur écuelle par nécessité pour l'engloutir gloutonnement de peur qu'elle ne leur soit dérobée ; précédemment, nous nous sommes déjà sustentés, copieusement, et notre appétit ne cède en rien à la précipitation vitale. Non !
Ce qui nous mène, tout aussi impérieusement d'ailleurs, est une sorte de jubilation intérieure, la quête d'un état plus que d'une rudimentaire satisfaction supplémentaire éphémère ; c'est un transport grisant qui outrepasse la sensation de satiété, qui la prolonge en ouvrant à un territoire infini, celui d'un plaisir renouvelé qui n'est pas dicté par la nécessité atavique mais participe pleinement de notre humanité.
Alors, sa jolie quèquette, je m'applique à la régaler tout autant que je m'en délecte ! Je la pipe, je la suce, je la lèche, je la mordille, je l'aspire, je l'irrite de ma barbe avant de l'engloutir dans un enveloppement que je souhaite sidérant de douceur ; je gobe une couille, comme on avale une huître, d'une seule aspiration, sonore et magistrale. Je la roule, la presse contre mon palais, la détrempe, la relâche ... pour mieux m'emparer de sa jumelle que j'abandonne vite pour aller cueillir d'une large langue de limace les humeurs visqueuses que son gland cramoisi laisse sourdre.
Je le sens qui, tour à tour, sursaute, se raidit puis se détend, laxe et abandonné, je l'entends geindre puis soudain crier en se tétanisant, sa respiration se précipite avant qu'il ne vide ses poumons dans une longue expiration qui les siphonne jusqu'à ce qu'asphyxié, il regonfle sa poitrine d'une vigoureuse bouffée ...
Quand je considère qu'il a courageusement surmonté les épreuves surhumaines que je lui inflige, je me tourne vers lui et lui tends les lèvres. Ce que j'aime chez ce garçon, c'est qu'il ne s'embarrasse pas de délicatesses de princesse à chichis, il ne fronce pas le nez, vaguement dégoûté par les vestiges de ma pipe. Il me galoche goulument, rit du poil que ma langue abandonne dans sa bouche, revient hardiment pour une deuxième salade de museau, vorace et joyeux.
Puis il relève la tête, la soutient de son bras replié et me lance :
- "Et ensuite, ton ... Cassandre, là ... Il t'a sucé sous le hangar ? Allez, dis-moi, tu l'as bien niqué lui aussi?"
Je le regarde rire mais sans répondre. Je sais qu'à mots couverts, il me parle de l'instant présent, de nos propres ébats, de son désir qui le tenaille et qu'ainsi, il interroge le mien. Alors, je prolonge mon silence équivoque pour le maintenir dans l'inconfort stimulant de son incertitude.
Gagné ! Il me harcelle, me bousculant du geste.
- "Allez, dis-moi! Il l'a aimée, ta queue?"
Non, mais quel gourmand ! Sa pupille luit d'un éclat égrillard ... qui me ravit.
Je ricane, me hausse jusqu'à son oreille.
- "Penses-tu ! Il s'est tiré, sans même venir me saluer. Il est rentré au lycée et a démissionné."
- "Non ?"
Il a l'air sincèrement estomaqué par ce dénouement en queue de poisson. Alors je poursuis.
- "J'ai été horriblement blessé de le découvrir aussi insensible à mon charme."
Je secoue la tête d'un côté à l'autre, prenant mon air de cocker le plus convaincant avant d'ajouter.
- "Alors si tu voulais bien me réconforter ..."
Il a sursauté comme piqué.
Aussitôt, il referme ses bras sur moi, nous fait rouler sur le lit, applique sa bouche sur la mienne, l'enfonce sauvagement de sa langue qui se noue étroitement à la mienne, la retourne, la renverse, l'étrangle, l'assèche.
D'un coup, il se détache, l'oeil sombre, la mine sérieuse.
- "Bouffe-moi le cul !"
C'est reparti.
« Et quand vers minuit passaient les notaires / Qui sortaient de l’hôtel des trois faisans / On leur montrait not’cul et nos bonnes manières/ En leur chantant/ les bourgeois, c’est comme les cochons ».
Amical72
amical072@gmail.com
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