Cyrillo

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RÊVES DE CHAIR

"Alors, c'est là, la chambre du maître ? "
me dit Cyrillo,en me regardant avec cet air complice et amical qui d'ordinaire me va droit au coeur.

- C'est là, confirmai-je en désignant l'espace où j'avais entraîné l'icône gay. C'est ce que j'appelle la chambre jaune, à cause du papier peint... Sais-tu qu'il y a un mystère, ici ?
- Le mystère de la chambre jaune ?
- Oui...Tu veux le connaître ? ...
- J'adore les mystères...
- Alors, reste avec moi cette nuit... On va le guetter sous les draps,tous les deux..."

Le gaillard ne peut retenir un petit rire, en plissant imperceptiblement ses yeux noisettes, ce qui a le don de me liquéfier sur place...
Fébrilement, je m'empare de sa main et je le tourne vers moi... Il y a sur les traits magnifiques de ce beau visage cette allure de défi tranquille auquel il me faut répondre... Comment résister à l'appel poignant du désir qui, déjà, fait gonfler une boule dans ma gorge et battre le sang dans mes tempes ?...
Avec violence, j'enlace cette taille parfaite contre mon imparfaite silhouette... J'applique mes mains le long de son corps tant désiré, me gorgeant de cette chaleur humaine qui m'enivre davantage encore qu'un contact purement sexuel...
C'est précisément cela qui me fascine le plus : d'ordinaire, je suis plus porté vers la pornographie que vers l'érotisme... Ici, les tendances sont inversées... Le sexe passe à l'arrière plan,et c'est la sensualité qui prime... L'ineffable bonheur d'enlacer Cyrillo en une étreinte complice et chaude me détache de la réalité, semble me transporter dans une autre dimension,à l'abri des contingences de la vie quotidienne,de ses contraintes et soucis divers...

Je saisis son visage entre mes mains, et je contemple ce front large,dont j'ai remarqué naguère qu'il contribue à l'attraction que j'éprouve pour ce beau garçon...
Je regarde la lueur danser au fond des prunelles sombres : j'ai toujours succombé au charme des mecs aux yeux marrons... Quand je pense qu'il aurait préféré avoir des yeux verts... Quel sacrilège !
Je promène mes doigts sur ce nez qu'il avait affirmé trop gros autrefois sur son forum... Des imperfections comme ça, je m'en serais bien contenté, moi...
Je fais glisser ma main le long de son cou et écarte légèrement son polo... Me rapprochant, je dépose mes lèvres au creux de son épaule... Je reconnais son parfum : "Mâle" de Gautier... L'animal doit capter ainsi ses proies...

Je desserre mon étreinte, tel le reptile retirant ses anneaux... Et, sans temps mort, je m'applique à enlever les tissus qui me séparent de cette chair merveilleuse tant convoitée... Je découvre ce torse que je n'avais pu jusqu'ici admirer que sur un écran plat... Je parsème de baisers les espaces de peau découverts au fur et à mesure, comme on plante un drapeau sur un territoire conquis...

Accroupi, je déboucle la ceinture du pantalon... Quelques boutons à enlever,et le jean tombe à ses pieds... Je saisis mon partenaire par les hanches,et je quête son regard scintillant d'une lubricité croissante... Le slip est tendu par la promesse d'une triomphale virilité, à laquelle je m'apprête à rendre un culte passionné, moi qui d'ordinaire pourfend les Dieux en mécréant endurci que je suis...

J'entame mon propre effeuillage... Cyrillo me laisse mener le jeu et s'étend sur le lit dans une pose impudique... Je le rejoins bientôt et je lui ouvre les draps... Il s'installe sans mot dire,fixant ses yeux sur moi avec ce petit sourire énigmatique qui me met en confiance...

Les draps sont parfumés : j'ai prévu à l'avance le confort de mon invité et je veux le mettre à l'aise... Nos deux corps se cherchent et s'enlacent... Dieu du ciel ! Quel pic d'adrénaline - ou de dopamine plutôt, le neuromédiateur du plaisir - quelle onde de bonheur délicat et subtil me submerge soudain...

Joie suprême... Flash inouï illuminant des sphères inconnues, des domaines nouveaux... Cette chair-là est surnaturelle : son contact me hérisse au delà de toute description... Mes doigts parcourent la surface de cette peau tant désirée,explorent centimètre carré par centimètre carré... Mes yeux recensent les nombreux grains de beauté qui constellent la surface de ce corps d'exception...

Je saisis les doigts de mon amant,entrecroise les miens avec les siens,les porte à mes lèvres... Je joue avec les phalanges,je promène sa main sur mon visage...

Cyrillo me regarde avec l'expression du sphinx... Il y a dans sa nature une souplesse féline qui participe puissamment de son charme... C'est bien là la clé de l'attraction magnétique qu'il exerce sur moi... Ce garçon équilibre à la perfection la lubricité la plus débridée et le sérieux le plus recueilli... Cette alliance étrange des extrêmes, cette superposition d'un calme posé et d'une libido exacerbée me fascine et m'empoigne sans que je puisse m'y soustraire...

Mes mains palpent le torse presque glabre du bel étalon... Nos lèvres se cherchent, se joignent et s'unissent en une chorégraphie parfaitement orchestrée... Je quitte sa bouche pour son épaule, cependant que son souffle résonne à mon oreille... Le bougre me chuchote d'audacieuses invites et je sens qu'il est temps d'honorer Priape en proportion du mérite que son rang lui confère...

Le tissu qui me sépare encore des trésors virils est tendu à craquer... Je m'empare à pleine main de cette masse que l'on dit être la meilleure part de l'homme... Je caresse l'organe durci à travers le slip, et la pensée me vient soudain que je dois être dans un monde virtuel, tant l'émotion et le plaisir me soulèvent...

Et je renverse le dernier rempart... Est-ce que ce n'est pas l'un des meilleurs moments du sexe, celui où on abaisse le slip du partenaire,et où la verge apparaît ?
Je ne sais plus si j'ai encore du sang dans les veines,ou si c'est de la lave... Je ne crois pas que je pourrais parler... Les dix-huit centimètres (et demi) sont là,éclatants,devant moi...

Jamais je n'ai vu une verge aussi magnifique... Epaisse et surmontée d'un gland admirablement dessiné, elle est animée de petites saccades... Le sang coule à flots dans l'artère pénienne (quand je pense qu'on dit l'artère honteuse!) et le membre se dresse, triomphal, orgueilleux, provocateur, devant mes yeux ébahis mais ne pouvant se rassasier...

"Elle s'offre à toi,chuchote Cyrillo doucement.
Tu as bien un petit mot à lui dire ?"
Plutôt deux fois qu'une, oui !... Délicatement,j'enferme entre mes doigts cette fabuleuse colonne de chair... Je ne me lasse pas d'en apprécier la chaleur et la fermeté... D'ordinaire, j'aime faire coulisser le prépuce sur le gland,décalotter et recalotter alternativement mes partenaires... Ici,l'exercice est à peine possible,tant le gland de Cyrillo est volumineux...
Je me contente de le contenir dans la paume de ma main, d'apprécier le velouté de cette peau, de lisser le frein de la verge avec la pulpe d'un doigt... Mes lèvres enserrent ce fruit délicat à saveur salée et je recueille sur mes papilles les sucs délicieux de ce sexe offert...

Des spasmes de plaisir me secouent, cependant que j'englobe ce membre superbe plus avant dans ma bouche... Ma langue suit le contour de la couronne, s'égare sur la hampe fièrement tendue, remonte vers l'extrémité ou descend vers la base...
Pas un seul des dix huit centimètres n'échappe à ma passion dévorante, à ma soif inextinguible de donner du plaisir... Je sors le pénis de ma bouche, pour le contempler comme si je tenais entre mes doigts le Saint Graal ou un sceptre divin...

Le rythme s'accélère fiévreusement... J'exerce une pression à la base du sexe, je masse les testicules, j'égare mes doigts dans la touffe pubienne... Le périnée suinte de liquides subtils... Le gland se colore de rose violacé,enfle encore et encore... Cyrillo halète et pousse des gémissements plaintifs...

J'enlace mes doigts avec les siens...
Soudain, saisi de pulsations, le corps de mon idole se cabre et la verge atteint l'apogée de sa raideur, de sa splendeur... En un éclair,les vannes du plaisir s'ouvrent et un déluge de semence m'éclabousse... Le sperme jaillit, en longs jets blancs et odorants... Les gouttelettes s'étalent sur le papier peint,coulent sur le montant du lit, s'échouent sur le torse de mon beau partenaire... Le plus beau que j'aie eu... Le plus beau que je n'aurais jamais...

Cette crue soudaine a humecté mes draps d'une marée abondante... L'idée de ne plus laver ma lingerie me vient à l'esprit... Ainsi,je pourrais me gorger du souvenir parfumé de l'être cher... Monica Lewinski n'a-t-elle pas gardé la robe sur laquelle Bill Clinton a déposé sa griffe liquide ?

Je m'allonge près de Cyrillo... Mon propre plaisir physique passe à l'arrière plan... Il me semble que l'enlacement de nos deux corps, l'étreinte physique et charnelle me font gravir quatre à quatre tous les échelons du nirvana...
Jamais je n'ai mieux compris les vers de Lamartine : Ô temps,suspends ton vol,et vous heures suspendez votre cours... Si nous pouvions nous pétrifier pour l'éternité,comme les amants du film "Les visiteurs du soir"...

Mais soudain, ma pensée se fixe sur Patrick, le compagnon de Cyrillo... Et une ombre s'étend sur moi, à l'idée que je pourrais le blesser...

Allons ! Cyrillo m'a donné sa chair et son âme a vibré en harmonie avec la mienne l'espace d'une nuit, mais cette âme est indissolublement liée à celle de Patrick...
Loin de concevoir une pensée malveillante,je regrette brutalement que Patrick me soit pas là... Je voudrais prévenir sa méfiance, déraciner sa jalousie, toucher son coeur, lui tendre la main, nous réunir tous trois en une fraternelle, chaude et mâle accolade...

Rêves de chair... Fantasmes et pulsions de vie... Moteur exaltant de nos existences qui sans cela, seraient si mornes...

Libido, tu nous mènes et nous diriges... Tu nous soutiens de ton emprise puissante... Tu entrebailles les portes du paradis sur des trésors à peine entrevus... Dans la grisaille de ce purgatoire terrestre,tu jaillis comme l'éclair pour illuminer nos vies...

Et cet éclair, j'ai pu le voir cette nuit dans les prunelles de Cyrillo... Il s'est propagé dans toutes mes fibres... Il a réuni nos pauvres existences dans une étreinte ineffaçable, dont le souvenir me soutiendra dans les multiples épreuves qui m'attendent... Je me sens fort... Un sang neuf coule en moi...

Lagardère peut tirer son épée du fourreau sans crainte... Je peux mourir,sourire aux lèvres : Cyrillo a croisé ma vie...

Lagardere

27 Décembre 2003

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