La colonie
1 - Le départ
J'ai vingt ans. J'ai abandonné mes études pour travailler et être indépendant ! Mal m'en a pris puisqu'aujourd'hui, je suis sans travail et sans logement ! Mon compte en banque est vide, il ne me reste que quelques pièces. Depuis ce matin, j'erre dans les rues, avec mon seul bagage : un sac à dos contenant mes dernières affaires et quelques souvenirs. Il doit être midi, le boulevard est animé, les gens se pressent dans les bars et les restaurants. Je les envie. Je commande un hot dog et dilapide ainsi mes derniers euros ! Je dois avoir une mine bien triste pour que ce dandy m'aborde ! Il s'appelle Henri. Il m'invite à déjeuner avec lui. On discute beaucoup, enfin, il parle beaucoup ! Le repas terminé, il me propose de me ramener. De me ramener ? mais où ? enfin, je monte dans sa voiture, il continue de me parler.... il m'offre même du champagne ! Et puis... c'est le trou noir
Quand je me réveille, je suis confortablement assis dans un petit jet. Un coup d'oeil par la fenêtre ne m'apprend pas grand-chose : de l'eau à perte de vue. Henri est assis en face de moi, de l'autre côté de l'allée. Il lit un journal. Devant moi, la tablette est ouverte. Je vois un copieux repas et une feuille de papier. Sans faire de mouvement brusque pour ne pas attirer l'attention de mon voisin, je prends la feuille et je reconnais immédiatement un relevé de compte. Il s'agit de MON compte bancaire. J'imagine que j'ai dû sursauter ou dire quelque chose en lisant le solde car Henri replie soigneusement son journal et se tourne vers moi.
- Comme vous pouvez le voir, nous avons tenu notre part du marché. Désolé pour le dopage, mais mon patron insiste sur le caractère secret de sa résidence.
Encore sous le choc, je relis l'état de compte. C'est bien le mien, je peux y lire les derniers chèques que j'avais faits, et le dépôt de mon nouvel employeur : un million d'euros ! Ce qui rend bien sûr mon compte positif désormais.
Je me rappelle maintenant. Je suis monté dans une BMW. C'est là qu'Henri m'a dit que son patron désirait retenir mes services pour une année entière pour un million d'euros. Je me rappelle avoir ri puis lui avoir dit " Chiche " sans vraiment y croire. Le patron ? je n'y croyais pas vraiment surtout qu'Henri était un beau jeune homme, la trentaine, très BCBG, tiré à quatre épingles. Je m'imaginais bien plus un fils-à-papa blasé qui s'était monté un jeu de rôle pour se payer un ex petit commercial. Ça n'aurait pas été le premier.
J'ai soudainement très peur -- kidnappé et retrouvé mort à vingt ans, ça faisait vraiment pas partie de mes plans d'avenir. J'imagine que ma peur est évidente, car mon voisin se détache pour venir s'asseoir à mes côté avec un air compatissant.
- Inutile d'avoir peur. Tout sera exactement comme nous l'avons discuté dans la voiture. Vous devez obéir aveuglément pour un an, et mon patron prendra bien soin de vous. Vous allez pouvoir retourner chez vous millionnaire et en bon état.
- Ouais, mais après un an de quoi?
Il sourit et posa sa main sur ma cuisse.
- Après un an d'être un des boys de mon patron. C'est une année à passer qui sera agréable, en fait, tant et aussi longtemps que vous obéissez parfaitement.
Ça ne me rassure pas plus qu'il faut, mais j'imagine que j'ai plus vraiment le choix. Je regarde un peu par le hublot en essayant en vain de me calmer, mais c'est la faim qui finit par me gagner. Le repas est excellent, même si il est servi un peu étrangement: un rôti de boeuf saignant à point, du navet bouilli et agréablement épicé, et du pain... mais le tout coupé en petit cubes et servi pêle-mêle dans une assiette creuse. C'est peut-être plus facile à préparer comme ça dans une cuisine d'avion.
Quand j'ai fini, mon voisin se lève d'à côté de moi et prend mon assiette vide pour aller la porter au-devant de l'avion, derrière un rideau. Il revient quelques instants plus tard, et se rassoit à sa place originale.
- Il reste encore près de cinq heures de vol devant nous, et je devrai vous préparer et vous enseigner les règles de base dès notre arrivée. Si j'étais vous, je profiterais du répit pour faire un somme.
- Préparé? Comment?
- Je vous expliquerai tout en temps et lieu.
Il retourna à la lecture de son journal, rendant bien en évidence son intention de clore le sujet pour l'instant. Je n'ai absolument pas l'intention de dormir, mais je suis encore affaibli par le champagne et la monotonie du vol a vite eu raison de ma détermination.
maurleo
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