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- Putain ça va faire 6 mois qu'on est ensemble et t'es toujours pas venu chez moi !
Je tente vainement de lui expliquer que chez moi j'ai mes dossiers, mes bouquins, mes habitudes quoi, l'animal ne démord pas.
Ce vendredi soir je me prépare donc à ma première nuit chez Kader. Ces 6 mois ont passé à une vitesse folle. J'ai repris le taf, je devais recommencer en douceur, mais la masse colossale de travail qui s'était accumulée pendant mon absence en a décidé autrement. Du côté de ma famille, je crois pouvoir dire que nos liens se sont encore resserrés. Kad est très apprécié de tous, comme quoi son charme de dingue n'opère pas que sur ma personne.
Me voici donc avec mon sac à dos, dans le métro pour Stalingrad. J'arrive dans la rue où vit Kad et c'est pire que ce à quoi je m'attendais. C'est mal entretenu, sale, bruyant. Je crois que c'est aussi pour ça que je ne voulais pas quitter mon bon XVIème, sa tranquillité, sa vue sur le bois et la Tour Eiffel, bref avouons nous le : sa bourgeoisie !!
- Ça a été le métro ?
- Mouais...
Il éclate de rire.
- Le p'tit bourge qui quitte ses beaux quartiers !!!
Je ne me suis toujours pas détendu.
- En même temps je crois que tu les kiffes plutôt non ?? Mes beaux quartiers...
Plutôt que d'enchérir notre pseudo " bagarre des classes " il me prend dans ses bras et m'embrasse.
- Bon tu m'fais visiter ?
C'est un trois-pièces plutôt pas mal agencé, mais qui aurait bien besoin d'un bon coup de jeune et surtout d'une bonne nouvelle déco.
En entrant dans la chambre, je me fige sur place. Elle est exactement telle que celle dans laquelle m'a amené Lucie lors de mon coma. Je n'ai jamais évoqué cet épisode avec qui que ce soit d'autre que ma mère.
- C'est moche à ce point ??
Je me reprends, et chasse vite fait la boule qui tentait de me vriller la gorge.
- La vérité ?
Il acquiesce et j'éclate de rire.
- C'est pire que ce que je croyais !!!
Il semble un peu gêné et je m'en veux aussitôt.
- Arrête ça fait longtemps que j'vis là et c'est vrai qu'la déco j'm'en branle un peu...
Son naturel joueur revient.
- Et du coup c'est pour ça que j'me tape un p'tit bourg' doué pour ça...
- Attends tu manques pas de tunes pour améliorer tout ça... pour ce qui est du gout...
Je kiffe trop quand on se taquine comme ça, comme 2 sales gosses.
- Bon tu joueras ta Valérie Damidot plus tard, viens manger !
Je le suis à la cuisine.
- Alors comme ça tu cuisines ??
Il s'esclaffe.
- Nan toujours pas ! Mais ma mère elle cuisine de ouf ! Elle t'a préparé son couscous, tu m'en diras des nouvelles !
Je crois ne pas avoir compris.
- Elle " m'a " préparé ??
Sa tête se tourne vers moi, avec un sourire mutin et sur de lui.
- Ouais !
Je me rends compte qu'on n'a jamais parlé de ses parents. Enfin si, bien sûr, mais jamais nous n'avons abordé le fait que ses parents puissent être au courant de sa sexualité. Bourré d'apriori, il m'est naturellement apparu comme évident qu'ils ne pouvaient pas l'être, et encore moins l'accepter...
- Tu veux dire qu'ils sont au courant pour... moi ?!!
- Bah ouais.
- Non, mais attends, là je découvre un truc !! Explique !
- Expliquer quoi ? Que des parents rebeu ne rejettent pas leur fils pédé ?
- Oui c'est con... désolé. Un peu plus et je te demandais de t'excuser d'avoir des parents normaux...
Sans rancune il enchaine.
- En fait mes soeurs s'en foutent, mon p'tit frère a trouvé ça chelou au début, mais maintenant c'est cool, ma mère a fait le deuil des p'tits enfants m'concernant, et mon père bah, j'suis son fils, il est évident qu'il aurait préféré m'voir marié et tout, mais il s'en accommode.
- J'avoue Kad je suis quand même sur le cul...
- Après j'te dis pas qu'c'est facile comme ça pourrait l'être chez toi, zehma j'ai 32 ans et t'seras l'premier qu'ils rencontreront.
- Woh Woh Woh !! Attends je ne suis pas préparé là !!
Comment il me donne chaud là. Trop d'infos, trop de nouveauté, trop !
- Bah faut t'y faire ils nous attendent tous, demain midi...
Une clope... il me faut une clope...
- T'es sérieux ??!
Il éclate de rire comme un débile.
- Mais nan t'inquiète !! Par contre ils veulent t'rencontrer, ça c'est sérieux. Mais on attendra qu'tu sois prêt...
Il pose au milieu de la petite table un plat débordant de merguez, morceaux d'agneau, légumes divers et autre semoule.
- Ça t'dérange pas d'manger dans la même assiette que moi ?
- Je crois qu'on a fait pire...
Il sourit.
- Pour tes parents Kad je suis désolé si je me suis montré grossier ou déplacé. C'est juste que je m'y attendais pas c'est tout..
- T'inquiète y a rien...
- Et franchement je suis super touché que tu envisages de me présenter à eux... et que je sois le premier...
- Quand j'te dis que j't'aime comme un dingue t'crois qu'ça veut dire quoi ??
Il a dit ça très calmement, de sa voix profonde et posée.
- Je t'aime aussi Kad...
- Alors, mange !
La soirée s'est passée tranquillement, on a joué à la Play, non que ce soit mon fort, mais bon, je me suis bien amusé à partager ce " loisir " avec lui...
Nous nous installons dans son lit, et je ne peux m'empêcher de penser que le mien est plus confortable, les draps plus doux... mais bon, c'est le sien alors immédiatement je me dis que ce sera parfait...
- On ira quand tu voudras...
- Quoi ?
- Chez tes parents. J'ai pas besoin de me préparer en fait.
Son visage se fend d'un sourire radieux. Il saisit ma nuque, me donne un bisou très appuyé et bruyant sur le coin de la bouche.
- Ça veut dire que si j'veux t'y emmener dans le weekend t'es open ?
- Bien sûr.
- J'te kiffe trop la vérité !!
- Par contre j'aurais un truc à te proposer...
Il prend un air faussement déconfit.
- Ah oui... ça m'étonnait aussi que tu dises oui comme ça...
Je garde mon sérieux.
- Je vais pas te mentir en te disant que j'y pense depuis longtemps parce que ça m'est venu ce soir... et si je t'en parle c'est qu'en fait ça me semble tellement évident que...
- Quoi ??
Son sourcil droit froncé, les yeux noirs vissés dans les miens, j'ai toute son attention.
- Pourquoi on vivrait pas ensemble ?
- T'es sérieux ?
Je ne sais pas s'il est incrédule, amusé, intéressé ou totalement terrifié.
- En fait t'es quasiment tous les soirs chez moi, t'as presque autant d'affaires là-bas qu'ici... et pour ça aussi je me sens prêt.
Dans un mouvement rapide et fluide, tel un félin, il s'allonge sur moi.
- J'vais t'faire l'amour comme jamais on te l'a fait...
- C'est un " oui " ?
- T'es ouf ou quoi ??!! Évidemment qu'c'est oui !!
Et il m'embrasse comme rarement il m'a embrassé, et je pense, comme jamais on m'a embrassé.
- Par contre juste un dernier truc... je crois qu'il est évident que c'est toi qui déménages...
Nos rires éclatent en même temps, vite étouffés par des baisers, des caresses, et une nuit d'une intensité rare...
Cedric-T