Épisode précédent
La colonie
5 - L'animal de compagnie
Il ouvre la portière et reprend ma chaine, m'emmenant vers l'immeuble. J'entends des jappements de chiens venant de l'intérieur, et dès qu'il ouvre la porte je comprends la nature de l'endroit. Un chenil !
Il me tire vers l'intérieur, et m'amène vers une cage dans laquelle se trouvent un énorme coussin et un gros bol en acier brossé plein d'eau. Il en ouvre la porte et m'enlève la chaine qu'il accroche à un clou.
- Entre.
Je suis comme assommé. C'est sans vraiment penser que j'obéis et j'entre dans la cage et me couche, tant bien que mal, sur le coussin qui s'y trouve. Une fois trouvé une façon confortable de m'y installer, je regarde Henri alors qu'il ferme la cage avec un lourd "clang".
Je n'étais pas un jouet, mais un animal de compagnie.
Quand je me réveille, le jour s'était levé et était visible à travers une fenêtre haute que je pouvais apercevoir. J'ai voulu m'asseoir dans la cage, mais elle n'est assez haute que pour me tenir debout à quatre pattes. La cage est adossée sur un mur, et je partage les côtés avec ceux de mes deux nouveaux voisins: un berger allemand couché qui me regarde sans bouger et ce qui semble être un labrador noir qui ronfle.
J'essaie de prendre le bol d'eau avec mes mains pour y boire, mais il était fixé au sol. De toute évidence, je dois m'habituer à boire de la sorte. J'ai dû passer une bonne minute à me refuser à m'abaisser de la sorte avant de décider que mourir de soif n'est pas une solution à quoi que ce soit. L'eau est fraîche, probablement grâce au bol en inox, et a un goût légèrement citronnée qui la rend bonne et désaltérante.
Après avoir bu, je replie mes jambes et mes bras sous moi pour être plus confortable, et je me mets à observer les alentours. Rien de bien extraordinaire, le mur sur lequel est adossé ma cage est longé de cages soient vides, soient contenant d'autres chiens. Le mur d'en face est couvert d'un nombre d'armoires fermées et d'une table sur laquelle je peux entrapercevoir une poche de nourriture pour chien. Accroché au haut des cages, il y a des laisses, chaînes et autres machins du genre qui sont parfaitement normaux dans un chenil.
C'est dur à expliquer, mais je me sens pas particulièrement prisonnier ou même simplement mal d'être dans une cage comme ici. J'ai comme un sentiment de liberté, même, que je m'explique mal.
Soudainement, la porte du chenil s'ouvre et j'y vois un grand blond ne portant qu'un tablier et une paire de bottes. Il entre avec une laisse à laquelle est attaché un superbe gars, lui aussi à quatre pattes comme moi. Ils passent devant ma cage sans un mot, mais le gars en laisse me fait un clin d'oeil et un sourire en coin en passant.
Le grand blond au tablier ouvre la porte d'une cage un peu plus loin que la mienne et y fait entrer l'autre, puis la referme derrière lui. Puis, il revient dans ma direction pour s'affairer à la table en face de ma cage. Pendant qu'il me fait dos de la sorte, j'en profite pour le regarder comme il faut, en m'attardant à son beau petit cul laissé complètement à découvert par son très sommaire habillement, et à la forme de ses couilles que je ne peux qu'entrevoir dans l'ombre derrière ses cuisses. Je remarque alors, à ma grande surprise, que lui aussi porte un collier comme le mien, auquel est attaché un anneau.
Il se retourne enfin vers moi, tenant un pichet d'eau et un autre bol d'acier. Il dépose le bol sur le dessus de la cage et ouvre celle-ci, remplit mon bol d'eau et dépose l'autre bol à côté. Il contient des oeufs brouillés et des morceaux de bacon. Au moins, je n'ai pas été mis sur un régime de chien. Le blond referme la cage, et redépose le pichet sur la table.
Je regarde le bol placé devant moi avec un air songeur. J'ai l'impression que je pourrais bien le prendre, mais je n'arrive pas à deviner ce que j'y gagnerais. Avec un soupir et un haussement d'épaule, je m'y dirige pour en dévorer le contenu avec appétit. Le bol est assez grand pour que je puisse bien en rejoindre le fond sans avoir à faire d'acrobaties, et les oeufs sont vraiment bons.
Pendant ce temps, j'observe le blond au tablier, qui ouvre la cage de mon voisin berger allemand, lui retire un bol vide comme le mien, et lui attache sa laisse. Celui-ci de toute évidence bien content de ce qui arrive, sort de sa cage et court au-devant du blond vers la porte de sortie. Un instant plus tard, ils sont partis tous les deux.
Ça fait un bon dix minutes que je suis seul devant mon bol maintenant vide quand la porte s'ouvre de nouveau. Mais plutôt que le grand blond en tablier, c'est un homme en complet qui s'y découpe. Je le reconnais alors qu'il fait un pas vers l'intérieur: c'est Henri. Il se dirige vers ma cage et s'arrête devant elle.
- Bien dormi et mangé ? Bien. Viens, on va faire un tour.
Il décroche ma chaîne et ouvre ma porte. Ne le voyant pas faire de mouvement vers moi, je fais quelque pas pour sortir de la cage. Il attache la chaîne à mon collier et me gratte doucement le crâne.
- Bon chien.
Le compliment me tord les tripes. Je sens que je devrais m'insurger, riposter à l'insulte, mais en même temps je me sens étrangement fier d'y avoir eu droit.
maurleo
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