Il s’agit de ces rencontres où l’on remarque quelqu’un sans qu’un contact ne s’établisse vraiment. Il était dans le salon d’attente, moi je revenais de la photocopieuse située en plein milieu de l’agence bancaire dans laquelle je suis responsable.
Je suis très discret au bureau et je m’attache à ce que mon attitude ne puisse éveiller aucun soupçon à l’égard des visiteurs, comme de mes collègues. Je lui adresse, comme à chaque client, un « bonjour monsieur » poli. Il lève furtivement la tête de son MacBook pour me répondre tout aussi poliment, le tout accompagné d’un léger sourire. Il se replonge rapidement dans son travail, je repars rejoindre mon bureau fermé.
La moyenne d’âge de nos clients est assez élevée car notre clientèle est plutôt haut de gamme. Voir un jeune homme dans la trentaine, bien que visiblement très banal, me fait plaisir. Mais happé par mes tâches administratives, mon cerveau chasse l’image m’ayant divertie.
L’après-midi passe à toute vitesse, happé par la charge de travail. Mon collaborateur Thibault (fort bien fait de sa personne au passage) passe sa frimousse à travers l’encadrement de la porte pour m’indiquer qu’il partait et que j'étais le dernier à l’agence. Il va fermer la porte principale, je sortirai par l’arrière lorsque je serai arrivé au bout de mes dossiers. J’aime partir en week-end le bureau vide de dossiers, ça donne du baume au cœur quand il faut reprendre le lundi matin ! Je lui souhaite un bon week-end, non sans loucher discrètement sur son joli cul moulé dans un chino à la coupe parfaite !
Une demi-heure environ se passe quand j’entends soudain un bruit sourd et fort émanant de la rue toute proche, je regarde rapidement par la fenêtre, je ne vois rien. Une minute plus tard, quelqu’un tambourine avec insistance à la porte de l’agence, je me lève donc pour aller voir ce qui se passe et là, quelle n’est pas ma surprise de voir le jeune homme du salon d’attente. Je déverrouille la porte principale et le fait entrer. Son visage paisible de début d’après-midi a laissé place à une inquiétude marquée, il est pâle, essoufflé. Je m’inquiète aussi, le fais assoir sur la première chaise que je trouve. Il me raconte alors qu’il vient d’avoir un accident de voiture, qu’un chauffeur livreur a grillé le feu à l’angle de la rue avec son fourgon et qu’il n’a pas de constat. Le choc a été violent. Quelle poisse, à peine une heure après avoir récupéré sa voiture flambant neuve dont il avait fait établir un chèque de banque chez nous quelques heures auparavant…
Mon premier réflexe est de lui demander comment il va, s’il y a besoin d’appeler les secours. Il me répond que les airbags ont parfaitement fait leur travail. Pas de problème physique donc mais de fortes émotions ! Nous appelons cependant ensemble la police car le conducteur du fourgon n’avait pas l’air « en possession de tous ses moyens » comme l’indique mon client infortuné. La police refuse de venir pour un banal accident de la route s’il n’y a pas de blessés. L’activité semble intense pour eux ce vendredi soir pluvieux. Je me décide alors de l’accompagner faire le constat que j’attrape dans le bureau d’un conseiller en banque et assurances. J’enfile un manteau et sort mon petit parapluie, tout juste assez large pour nous abriter, épaule contre épaule.
Une fois le choc des événements passé pour moi, je me rends compte que la situation a bien changé. En effet, ce jeune homme qui semblait bien banal il y a quelques heures dans le salon d’attente est devenu subitement intéressant. Il est devenu vulnérable, il est venu chercher mon soutien. Même si son physique est bien banal et n’avait fait naître en moi aucune émotion, sa fragilité passagère le rend charmant, la situation créée une soudaine complicité, par delà la proximité physique imposée par la pluie bâtante.
Jimno31
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