Premier épisode
2 | La deuxième fois
La deuxième fois que j’ai vu Seb, c’était quelques jours après la fête de mon anniversaire. J’avais tellement bu et fumé ce soir-là que j’avais fini sur mon lit, immobile, à dormir pendant 12 heures d’affilée. Au réveil, pas de Seb. Quand j’étais descendu pour me faire un café, Arnaud, mon meilleur pote, était là. Il avait dormi dans la chambre d’amis, il venait de se lever lui aussi. « Il est rentré chez sa sœur » il m’avait précisé.
Bien sûr j’étais déçu, j’aurais aimé pouvoir lui parler, et je n’avais aucun moyen d’entrer en contact avec lui. Les portables n’existaient pas encore, et j’étais tellement gêné par mon attirance pour Sébastien que je n’osais pas demander son numéro à Arnaud. Est-ce que Arnaud, mon meilleur pote, était prêt à entendre que j’avais du désir pour son pote ? Est-ce qu’il aurait compris, ou est-ce qu’il planait à dix milles concernant ma sexualité ? Et quand bien même j’aurais eu son numéro : qu’est-ce que j’aurais bien pu lui dire ? « Tu me plais je veux te revoir » ? « J’ai envie de passer ma main sur ta barbe et sur ton torse » ? Impossible, tout cela.
Finalement, c’est Arnaud qui nous a permis de nous retrouver dans un bar, quelques jours plus tard. « J’ai invité Seb, ça ne te dérange pas ? » Ah non, pas le moins du monde ! À l’intérieur de moi je hurlais ma joie mais extérieurement, je jouais les mecs taiseux : « Non non il a l’air cool, t’as eu raison. » On ne pouvait pas faire plus neutre comme réponse. Pourquoi est-ce que je n’assumais pas, putain ? J’aurais dû, ça nous aurait fait gagner du temps. Mais je ne savais pas que le sablier était enclenché. C’est bête la vie. Souvent, on se dit que « si on avait su… » mais on ne sait pas. On ne sait rien de ce qui nous attend, le pire comme le meilleur.
Avec Arnaud, nous sommes arrivés en avance. Plus on approchait de l’endroit et plus la cadence de mon cœur augmentait. Et toujours ces fourmillements dans le bas de mon ventre, cette chaleur étrange qui irradiait autour de mon sexe. J’ai même remarqué que ma peau était hyper réactive, car à un moment donné Arnaud a posé la main sur mon bras et j’ai réprimé un gémissement. Un truc de dingue. Qu’est-ce que j’avais ? Ça n’était quand même pas Sébastien qui déclenchait ça en moi, si ? Si, c’était lui. Et il ne m’avait pas encore touché. J’imaginais à peine ce que cela donnerait si jamais ses mains ou sa bouche se posaient sur moi un jour…
Quand il est apparu, son look toujours impeccable, son air de premier de la classe, ses petites lunettes cerclées et sa barbe dorée qui descendait sous sa chemise en lin écru, je pense que j’ai souri bêtement en lui serrant la main. Le contact de sa main dans la mienne… Chaude, douce mais ferme, un peu plus grande que la mienne. Elle enserrait ma main sans la broyer, c’était franc mais doux. C’était réconfortant. Autant dire que tous les poils de mon bras se sont hérissés instantanément. Choc électrique. Il a planté ses yeux bleu glacier dans les miens. Un regard un peu dur, mais aussi un peu mystérieux. J’avais même l’impression qu’il y cachait de la tendresse :
- Ça va, Max, tu t’es remis de ta soirée ? m’a-t-il lancé en rigolant.
- Ouais ça va. J’ai vraiment trop abusé, j’ai rien vu de la fin de la soirée…
- Je te confirme ! A partir d’un moment, on t’a plus vu non plus !
Seb rigolait, mais il ne se moquait pas. C’était plutôt bienveillant, je crois, il semblait content pour moi. Je sentais une sorte de connivence, comme un sous-texte qui disait « t’as eu bien raison de te foutre la tête à l’envers mec, c’était ton anniversaire ! » Arnaud nous regardait, il buvait sa bière, il se marrait lui aussi, mais ne disait rien. J’ai repris la parole :
- Je suis désolé les gars, j’aurais aimé être avec vous jusqu’au bout mais je ne sais pas ce qui s’est passé… le mélange fumette/rhum sans doute.
Et là, Arnaud qui regardait le fond de sa chope de bière, a lancé, l’air de rien :
- T’inquiète, Seb a veillé sur toi !
- Ah bon ?
Je regardais Arnaud et Seb l’un après l’autre, interrogatif. Seb s’est mis à expliquer :
- Bah disons que j’ai vite capté que t’avais pas trop l’habitude de boire autant. Quand t’as disparu, ça m’a un peu inquiété et je t’ai cherché un peu partout. Et puis j’ai eu l’idée que tu pouvais être dans ta chambre. Alors je suis monté à l’étage et je t’ai trouvé éclaté sur ton lit. Tu dormais comme un prince, les quatre fers en l’air !
Je n’avais, bien entendu, aucun souvenir de ça. J’étais gêné et un peu troublé par l’attention de Sébastien à mon égard. Arnaud a coupé court au sentimentalisme :
- Eh voilà ! Encore une fois, nous avons Sebastien-ange-gardien devant nous ! Ah lala ! Tu peux pas t’en empêcher, hein ?
- Disons que j’ai l’habitude de veiller sur les gens… Dans ma famille, ils sont tellement déglingués que je fais ça depuis tout petit. J’ai toujours eu peur qu’ils arrêtent de respirer ou qu’ils s’étouffent dans leur gerbe quand ils sont bourrés ou défoncés. C’est ma hantise… C’est pareil pour mes potes.
Tout à coup, j’étais fier et heureux qu’il me compte parmi ses potes. On ne se connaissait pas, finalement.
- J’espère que j’ai pas dégueulé ?! Merci d’avoir veillé sur moi, alors. Je suis touché.
Touché et franchement gêné. Je réalisais que Seb m’associait maintenant à ses parents foutraques… Mon capital séduction venait de chuter dramatiquement. Quel con je faisais ! Tant pis pour moi, je m’en voulais d’avoir été aussi inconséquent.
Arnaud est parti aux toilettes –la bière–, et on s’est retrouvés tous les deux, Seb et moi.
- Faut pas t’en vouloir pour l’autre soir, Max, franchement ça m’a pas dérangé de veiller sur toi.
- Mais t’es pas resté à mon chevet toute la soirée quand même ?
- Non, bien sûr que non. Je suis venu plusieurs fois pour vérifier que tout allait bien. Et que tu respirais. Il a rigolé en prononçant ces mots.
- Et ça va, je respirais ?
- Oui, je crois même que tu rêvais parce que tu prononçais des sons et tu bougeais pas mal.
- Ah bon ? ai-je répondu en écarquillant les yeux. J’étais de plus en plus gêné et intrigué.
- Oui, disons que t’étais assez tactile dans ton petit coma, là.
Seb a terminé sa phrase en me faisant un clin d’œil et Arnaud a déboulé, coupant court à la conversation. J’avais du mal à saisir l’allusion de Seb, je voulais qu’il précise. Tactile ? Moi ?
Arnaud a commencé à parler de la fac, de la rentrée à venir, du choix des majeures et des mineures, de son départ pour une autre ville. Moi, je n’écoutais plus rien. J’étais obsédé par l’image de moi bourré, un déchet sur mon lit, et soi-disant « tactile » avec Seb. Qu’est-ce que j’avais fait ? Apparemment, rien qui l’ait vexé ou dégoûté, puisqu’il était là, avec nous, et qu’il me parlait encore. Je voyais qu’il avait remarqué mon trouble. Il me regardait par intermittence, et je ne percevais plus la dureté de ses yeux bleus. Plutôt quelque chose de gentil, d’enveloppant. Il voyait que je ne suivais plus la conversation, que j’étais ailleurs, perdu dans mes pensées. Alors, très doucement, il s’est rapproché de moi et il a passé son bras dans mon dos, sa main entre mes omoplates, chaude sur mon t-shirt.
- Ca va Max ? m’a-t-il demandé à mi-voix.
- Oui oui…
Tout de suite, les fourmillements chauds ont envahi mon ventre et j’ai senti mon sexe tressaillir, emprisonné dans la toile. A ce rythme-là, mon short en lin n’allait pas couvrir longtemps l’érection qui se préparait. Je me remerciais intérieurement d’avoir mis un slip ce matin-là. J’aurais choisi un caleçon, c’était bon, j’étais cramé. Arnaud parlait avec une fille, et Seb n’enlevait pas sa main de mon dos. Et puis, il s’est penché vers mon oreille et, très discrètement, il m’a glissé :
- Même bourré et à moitié endormi, t’embrasse vachement bien.
Mixmax
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