Premier épisode | Épisode précédent
27- LA RÉUNION
Lorsque je me lève le lendemain matin à 6h30, Matthieu est déjà parti. Un mot laissé sur la table de cuisine me propose de réserver un restaurant de mon choix pour 21h00 et de lui envoyer par sms l'adresse retenue.
Je me sens un peu vexé qu'il ne m'ait pas attendu pour me dire bonjour, mais en même temps, comme il me l'a dit hier soir, il est en France pour très peu de temps et a un emploi du temps surchargé. Je ravale donc ma fierté mal placée, et prends tranquillement mon petit déjeuner en réfléchissant à l'adresse de ce soir. Aucune idée ne me venant en particulier, je remets à plus tard la recherche de l'adresse du diner.
Après un passage dans la salle de bains, je m'attarde quelque temps devant mon dressing pour choisir la tenue que je porterai à la fois pour ma 1ère réunion d'équipe, et pour le diner de ce soir. Il me faut quelque chose qui fasse sérieux, mais pas coincé non plus, dynamique sans faire jeune loup, bref un costume gris et une chemise blanche...
En arrivant au bureau, je constate que ma place de parking est prise par une magnifique Audi TT RS noire, toute neuve. Je peste contre l'importun qui a osé me prendre ma place, et en arrivant à l'accueil, demande à l'hôtesse si elle sait à qui appartient cette voiture. Elle m'avoue son ignorance, et c'est de mauvaise humeur que je regagne mon bureau.
La journée commence mal. Matthieu absent à mon réveil, pas d'idée pour le resto de ce soir, ma place prise, et Victor qui n'est pas encore arrivé. Il est 7h45, et j'espère vivement qu'il ne va pas me faire le coup de la panne de réveil, pas un jour comme aujourd'hui.
Je m'installe à mon bureau, vérifie les derniers éléments pour ma réunion quand François débarque sur le plateau commercial.
- Romain, bonjour ! Alors vous êtes prêt ? c'est bien aujourd'hui votre 1ère réunion en temps que Directeur commercial ?
- Bonjour François, tout à fait dans une grosse demi-heure.
- En tout cas, vous aurez du monde, j'ai déjà croisé les 3/4 de votre équipe au coin café, et ça fume dehors. Je dirais même que j'ai senti une certaine appréhension chez certains. Ils se demandent sans doute à quelle sauce ils vont être mangés, en particulier Martin, rajoute t'il en riant. Après Lambert, sera-t-il le prochain sur la liste ???
- Non François, il n'y aura pas de chasse aux sorcières. J'ai besoin de tout le monde et de toutes les expériences. Si Martin est prêt à adhérer au projet que je vais leur présenter ce matin, il aura sa place au sein de l'équipe. Dans le cas contraire, il nous faudra effectivement envisager de le raccompagner vers la sortie.
- Je vous reconnais bien là Romain. Au fait, vous avez changé de voiture.
- Non François, j'ai toujours ma Clio.
- Ce n'était pas une question, Romain. Mais une affirmation.
- Je ne comprends pas, j'ai toujours ma vieille Clio.
- Non Romain, vous avez une Audi TT RS noire maintenant.
- Excusez-moi mais cette voiture n'est pas à moi.
- Maintenant, si, me dit il en me remettant une pochette portant les 4 anneaux entrelacés de la marque allemande. Je pense que mon Directeur commercial, mon jeune Directeur commercial, ne peut pas aller chez les clients avec une vieille guimbarde. Vous représentez l'image de la société et son dynamisme désormais. Donc, j'ai pensé que cette voiture vous siérait parfaitement.
Je reste bouche bée en prenant la pochette des mains de François. Il affiche un large sourire, content de lui et de son effet. Il me donne une grande claque amicale dans le dos puis me prend par l'épaule.
- Vous savez Romain, je vous aime bien. Vous êtes le fils que je n'ai jamais pu avoir. Bon, j'aurais voulu qu'il soit coureur de jupons plutôt que de caleçon, mais ça c'est votre vie privée, et ça aurait été la sienne. Je n'ai pas d'héritier. Marie se moque de la société, elle a assez à faire avec les affaires de Matthieu, et quand je fermerai les yeux, je ne voudrais pas que cette boite, ma boite, tombe entre les mains d'un quelconque repreneur qui la dépècera et la détruira. Alors je vais vous faire une proposition, Romain, et je le fais volontairement avant votre réunion. Faites progresser ma société, rendez la encore plus forte, encore plus solide qu'elle ne l'a jamais été. Pour chaque bonus que je vous verserai si vos résultats sont atteints, je vous donnerai parallèlement des parts de la société. Plus les bonus seront importants, plus le nombre d'actions sera important. L'objectif, c'est que d'ici 2 ans, vous soyez le second actionnaire de la société après moi. Ainsi, le jour où je revendrai mes parts, il vous suffira juste d'acheter le complément pour être l'actionnaire à majorité absolue au conseil d'administration. Qu'est ce que vous en pensez ?
- Ce que j'en pense, Monsieur. Euh...c'est que...désolez mais je ne trouve pas les mots...dis je les larmes aux yeux. Je ne sais pas si je mérite cette confiance, Monsieur.
J'ai la gorge serrée par l'émotion et la gratitude envers ce vieux monsieur. Pour la première fois de ma vie, j'ai en face de moi un homme qui croit en moi, qui me soutient, qui me porte vers des sommets que je n'ai jamais envisagés un seul instant. Je le regarde et je vois aussi ses yeux briller. L'émotion est partagée, et ce n'est pas un patron et son collaborateur qui se font face, mais bien un père et son fils. Le mien n'a jamais eu ce genre de discours pour moi. Mon père a toujours cru que je serais juste bon à voir une petite vie planquée et peinarde. Et là, j'ai un chef d'entreprise qui me demande de lui succéder. Un homme qui a monté seul sa société, et qui, aujourd'hui, envisage sérieusement de passer la main, et cette main, c'est la mienne.
- François, j'accepte votre proposition à une condition.
- Laquelle Romain ?
- Si un jour, je deviens le patron de votre société...
- Non Romain, quand vous serez le patron de VOTRE société, dit il en appuyant bien sur le " votre ".
- Très bien, quand je serai le patron, et si vous le voulez, je souhaite que vous restiez à mes côtés aussi longtemps que vous le pourrez et le voudrez. J'aurai besoin de votre savoir, de vos connaissances, de votre expérience pour continuer à faire grandir et prospérer Wagner SA. Et si un jour vous estimez que je peux être totalement autonome, alors et seulement ce jour, vous me lâcherez la main.
- Ca me va. De toute façon, vous me connaissez Romain, je ne lâche pas le morceau si facilement...
- J'y compte bien François.
- Bien ! il est 8h10 Romain, je pense que vous devriez vous installez dans la salle de réunion avant votre équipe. Pour la 1ère, il est bon que vous soyez déjà dans la place avant qu'ils n'arrivent tous.
- Merci du conseil, François. J'attendais Victor, mais je crains qu'il n'ait eu une panne de réveil ce matin.
- Il est bien ce gamin ! manque encore d'expérience, mais le potentiel est là. Il ne faudrait pas le perdre celui là.
Je repense à la nuit dernière, et me dit que je l'ai déjà perdu, du moins sur le plan affectif. Mais François a raison. Victor, si je sais bien le former et le manager, pourrait devenir rapidement un pilier de la société, et demain, j'aurai besoin d'hommes de confiance pour m'accompagner dans le développement de Wagner SA.
Nous échangeons encore quelques mots avec François, quand je vois Victor arriver en courant, se débattant avec les manches de son manteau qu'il essaie d'enlever pour gagner du temps.
- Désolé, mais le métro avait du retard. J'ai essayé de t'appeler mais tu ne réponds pas !!! Oh pardon Monsieur Wagner, bonjour !
- Bonjour Victor. Bon Romain, bonne réunion, je passerai peut être une tête à la fin. A quelle heure est elle prévue de finir ?
- 10h00 François.
- C'est noté, alors peut être à toute à l'heure. De toute façon, on se voit cet après midi pour le plan à 3 ans ?
- Tout à fait, à 15h00.
- Bien, alors à plus tard.
François quitte le plateau en sifflotant, l'air joyeux, comme soulagé d'un poids.
- Dis donc, il a l'air bien joyeux le boss. Qu'est ce qu'il a ? me demande Victor en rassemblant les documents à distribuer ce matin à l'équipe.
- Je crois qu'il vient de voir un autre avenir pour lui et sa société ?
- Hein ?
- Victor, ne dis pas " hein " comme un âne !!! je t'expliquerai plus tard.
- Ok, ok !!!
- Bon, on y va, je veux être dans la salle avant l'équipe.
- Oui patron !!!
- Arrête, tu m'agaces quand tu dis ça.
Nous partons donc vers la salle de réunion, et en chemin, je demande à Victor :
- Comment va Rachid ?
- Bien je pense. On ne s'est pas revu depuis hier soir.
- D'accord.
- Tu étais sérieux hier pour ton appartement ?
- Bien sûr que je l'étais, pourquoi ?
- Parce que quand Matthieu va revenir en France, il te faudra un logement. Et donc tu vas reprendre ton appartement.
- Tu sais Victor, aujourd'hui, je n'envisage pas de retourner dans cet appartement. Quand Matthieu reviendra avec sa famille en France, je m'achèterai un autre appartement. Comme ça, vous pourrez, Rachid et toi, ou quelqu'un d'autre, je ne sais pas, vous pourrez rester dans mon ancien appartement.
- C'est cool ça. Et on peut y aller quand ?
- Mais quand tu veux, Victor, il est libre. Il faudra que je débarrasse quelques effets personnels, mais les meubles et l'équipement, je vous le laisse. Je pense que vous n'avez pas encore de quoi l'équiper.
- Oh le pied !!!
- Victor !!!
- Oui ; excuse moi.
Nous pénétrons dans la salle de réunion encore vide. Victor affiche la page de garde de la présentation sur l'écran de projection, puis, pendant que je revois mes notes, distribue les documents prévus à chaque emplacement.
A 8h25, les premiers membres de l'équipe arrivent et s'installent. Je prends plaisir à observer, l'air plongé dans mes notes, le comportement de chacun. Il y a ceux qui viennent me saluer spontanément, ceux qui choisissent d'abord leur place, déposent un objet personnel comme pour marquer leur territoire, puis qui viennent me saluer, et ceux qui attendent le gros des troupes pour se fondre dans la masse et se placer, pour ne pas se faire remarquer. Martin fait partie de ceux là. Je l'observe du coin de l'oeil, et je le sens tendu, inquiet, pâle.
Je quitte ma place et vais le rejoindre. Il me remarque, et au fur et à mesure que j'avance, il passe de pâle à livide.
- Bonjour Christophe, dis-je en lui tendant la main.
- Ah, oui, bonjour Monsieur, me répond t'il nerveusement en bafouillant, et en me tendant une main tremblante et moite.
- Depuis quand m'appelles tu Monsieur, tu peux toujours m'appeler Romain et me dire " tu ".
- Ah, très bien, dit-il d'un ton saccadé.
- Tu as deux minutes ? j'aimerais voir un point avec toi avant que ne commence la réunion.
- Euh, oui, bien sûr...Ya un problème ?
- Non, pourquoi devrait il y avoir un problème ? dis-je en le guidant vers la sortie. Installez-vous, nous revenons dans un instant, dis-je au reste de l'équipe.
Nous quittons la salle et le temps que je referme la porte, j'entends s'enfler la rumeur, et des " va le virer " me parviennent même aux oreilles. Intérieurement, je souris. J'inspire une certaine crainte désormais, et ce n'est pas sans me déplaire. Un bon manager doit toujours inspiré un peu la crainte pour avoir l'attention de ses collaborateurs.
Martin transpire à grosses gouttes, et malgré ses efforts, il ne parvient pas à maitriser le tremblement qui agite ses mains.
- Bien, Christophe, si j'ai voulu te voir avant la réunion, c'est que j'ai quelque chose d'important à te dire.
- Je suis viré, c'est ça ? -Il a le regard fou en disant cela- Je le savais, j'en étais sûr. Depuis qu'on s'est engueulé juste avant d'apprendre ta nomination, je sais que je vais être viré comme Lambert. J'en dors plus la nuit, je pense à tout ce que je vais perdre parce que j'ai pas su fermé ma gueule. J'ai la maison encore à payer, ma grande fille de 20 ans à qui je dois payer ses études, mon fils de 18 ans qui voulait partir aux USA pour ses études aussi, je mange plus, je deviens fou, tu comprends ??? Mais ce n'est pas ma faute, on a trop de pression sur le dos, le chiffre à faire et qui ne se fait pas, Wagner qui nous gueule dessus en permanence, toi qui débarque et qui décroche le contrat du siècle, puis le poste de Directeur commercial en moins d'un an, j'y arrivais plus, tu comprends ?
- Christophe, calme-toi. Tu n'es pas viré, je n'en ai jamais eu l'intention. Ce que tu m'as dit ce jour là, je l'ai mis sous le coup de la colère, du stress, et c'est du passé pour moi.
- Mais...
- Laisse-moi finir Christophe. Ok, je suis maintenant ton boss, mais j'ai besoin de gars comme toi, avec ton expérience, avec ta connaissance des clients et du marché pour continuer à faire progresser cette société. Je n'ai ni le temps, ni les moyens et surtout pas l'envie de tout révolutionner en un claquement de doigts, et ce serait une grossière erreur de ma part de tout vouloir chambouler, simplement parce que je suis devenu Directeur commercial. J'ai certes des idées que je veux voir mises en oeuvre, j'ai des principes de travail sur lesquels je ne dérogerai pas, mais j'ai aussi besoin de conseils, d'avis, de critiques constructives qui vous nous permettre, nous tous, les commerciaux, mais aussi les comptables, la Rh, la logistique, bref toute l'entreprise, qui vont donc nous permettre d'être encore plus forts, faire encore plus de chiffre et du coup nous faire, nous tous encore plus d'argent. Et ça, je veux le faire avec toi, si toi tu le veux. Alors, sache que je ne suis pas ton ennemi, juste ton boss, qui saura t'écouter et te botter le derrière pour que nous progressions ensemble. Ca te va comme projet ?
- Mais pourquoi tu me ferais confiance ?
- Parce que tu mérites ma confiance. Si Wagner SA a réussi les années précédentes, c'est parce que tu as été l'un des meilleurs commerciaux et que tu as rapporté toi aussi beaucoup de belles affaires dans le portefeuille client. Je souhaite juste que tu retrouves cette niaque que tu as laissé filer au fil du temps et que tu sois l'un de mes piliers dans l'équipe. Alors, qu'en penses-tu ?
Christophe me regarde un peu hagard. Je vois à la fois le soulagement de ne pas être dégagé, mais aussi un reste de réticence à basculer du bon côté.
- Christophe, on va faire du bon boulot ensemble, j'en suis convaincu. Toi, le reste de l'équipe, nous tous, on peut décrocher la lune, il faut juste qu'on vise tous le même objectif, alors tu viens avec moi pour la lune, ou tu restes prisonnier de ta pesanteur.
En un instant, son regard s'éclaire. Son visage reprend des couleurs. Un sourire se dessine sur ses lèvres.
- Ok patron, je te suis, tu peux compter sur moi. Je vais me battre à tes côtés pour qu'on décroche la lune.
- Parfait, je suis vraiment content de ta décision. Maintenant, allons rejoindre les autres et faire taire les rumeurs de ton départ...et je souhaite que tu t'installes à côté de moi pour la réunion, pour tuer définitivement tous ces bruits de couloir.
Il me tend la main pour sceller notre pacte, et c'est maintenant une poigne ferme, avec une main sèche que je sers dans la mienne.
Je viens de gagner un allié. Me reste à convaincre tous les autres. J'entre dans la salle après un Christophe tout sourire, sous le regard interrogateur de ses collègues et vais rejoindre la place qui est désormais la mienne.
- Bien mesdames, messieurs, excusez mon léger retard, nous pouvons commencer la réunion....
26- LES RETROUVAILLES.
La réunion s'est déroulée sans problème. Si au début de mon exposé, j'ai senti quelques réticences auprès de certaines ou certains, peu à peu, j'ai vu les visages changer, les signes d'approbation silencieux se multiplier, les visages s'éclairer de sourires que je n'avais jamais vu depuis mon arrivée chez Wagner SA.
A la fin de la réunion, j'ai même eu droit à une standing ovation. Ca m'a bouleversé et en même temps mis une pression titanesque. Tous ces gens qui désormais croient en moi, qui vont se battre pour et avec moi, je n'ai pas le droit de les décevoir, j'ai plus que jamais le devoir de les satisfaire.
C'est à ce moment que François est entré dans la salle, au plus fort des applaudissements. Ceux-ci se sont très vite arrêtés, parce que le big boss était là, et avant que François n'ait eu le temps de parler, Christophe a pris la parole devant toute l'assemblée.
- Monsieur Wagner, je pense pouvoir parler au nom de toute l'équipe commerciale ici présente et je voudrais vous remercier de votre choix pour le poste de Directeur commercial de votre entreprise. Avec ce nouveau Directeur nous allons faire ensemble de grandes choses et Wagner SA va connaitre un nouvel essor. Si cela est possible, c'est parce que vous avez su choisir la bonne personne, et cette personne, c'est Romain, conclut il en me saluant d'un signe de tête.
- Martin, dit François avec sa voix de ténor, quand je vous entends et vous écoute, je surpris de voir en un seul homme autant de connerie et de clairvoyance !!!
Christophe reste interdit devant cette réaction de François, et je vois dans son regard renaitre la même lueur d'angoisse que celle vue juste avant que je ne discute avec lui. François reprend :
- Aussi con parce que gâcher autant de talent comme vous l'avez fait au cours de ces derniers mois, on est à la limite du tolérable, et aussi clairvoyant parce que vous savez aussi prononcer des paroles qui me font chaud au coeur et qui me confirment que j'ai bien fait. Bien fait de vous avoir choisi, vous, mais aussi vous, ou vous ou encore vous, fait il en désignant d'un large geste de la main l'assemblée réunie, et bien fait d'avoir renoncé à une fonction que je ne pouvais plus assurer. Romain est celui qui, avec vous toutes et tous, et parce que seul il ne pourra rien faire, est donc celui qui va nous emmener vers les sommets. J'ai créé cette entreprise, Romain sera désormais celui qui va la faire prospérer, grandir et la rendre plus forte qu'elle ne l'a jamais été. Et je vous l'annonce, parce que nous en avons parlé ce matin ensemble, j'ai non seulement choisi Romain comme mon Directeur commercial, mais aussi et surtout comme mon successeur. Voilà, maintenant, je vous remercie de retourner à vos téléphones et de faire péter les compteurs.
Il nous laisse ainsi en plan, quittant la salle aussi rapidement qu'il était entré, non sans m'avoir décocher un clin d'oeil complice que je lui rends malgré moi.
Je reste scotché sur ma chaise. Ca va trop vite, beaucoup trop vite pour moi. Je sers machinalement des mains, encore abasourdi que François ait déjà annoncé sa décision.
J'entends au loin la voix de Victor, comme à travers un nuage de coton, mais je ne réagis pas. J'ai la tête qui tourne, des flashs devant les yeux.
- Romain ?
Je reste comme prostré sur mon fauteuil.
- Oh, oh Romain ?
Je sens qu'on me prend par l'épaule, et je reprends mes esprits.
- Romain, ca va ?
Je tourne la tête vers Victor, et je lis une certaine inquiétude sur son visage.
- Ca va Romain ? Tu es tout pâle !!!
- Oui, oui, ça va Victor, ça va bien...
Je réussis à m'extirper de mon siège et rassemble mes notes.
- C'est ça tout à l'heure que tu voulais me dire à propos du nouvel avenir de François.
- Oui, je ne pensais pas qu'il en parlerait dès ce matin. Ca m'a un peu séché sur place.
- Tu m'étonnes !!! avant-hier Directeur commercial, aujourd'hui dauphin désigné, demain, tu te présentes aux Présidentielles de 2012 ???
J'éclate de rire.
- Non Victor, demain, je déloge le Pape du Vatican !!!
- Et bien comme ça, les gays pourront peut-être être acceptés par l'Eglise...
- Chut, pas ici Victor.
- Un jour, ça se saura.
- Oui, mais je déciderai de ce jour si tu le veux bien...
- Bien sûr.
- Bon allez, c'est pas tout ça mais on doit maintenant atteindre la lune.
Nous allons rejoindre nos bureaux, et je ressens une sorte d'euphorie sur le plateau. Tout le monde est en ligne, chacun réactive son portefeuille de clients ou de prospects et déjà j'entends tomber les 1ers rendez vous. La machine est en marche, à moi de la conduire vers les succès promis.
Je passe l'après midi avec François, d'abord en tête à tête, puis avec le reste de l'équipe de Direction, pour échanger et construire notre plan à 3 ans. Les idées fusent de toute part, toutes plus bonnes les unes que les autres. Le temps passe trop vite et François demande à Anne en fin de journée d'organiser une journée de travail à l'extérieur la semaine prochaine pour que nous puissions affiner notre stratégie d'entreprise.
Je réalise d'un coup que je n'ai rien réservé pour ce soir. En échangeant avec Anne, elle me suggère d'aller chez Thiou, un thaïlandais haut gamme dans le 7ème. Je consulte rapidement le site du restaurant qu'elle a affiché sur son écran, et valide ce choix. Anne réserve deux places pour 21h00, et je communique immédiatement l'information sur le portable de Matthieu. La réponse arrive quelques instants plus tard, confirmant que Matthieu est ok pour ce choix.
Ayant un peu e temps devant moi, je règle quelques dossiers laissés par mes commerciaux sur mon bureau, appelle deux bons clients pour les informer de mon changement de statut au sein de la société, et traite mes mails. Vers 19h00, Victor vient me rejoindre à mon bureau, le regard fixé sur ses chaussures.
- Ca va Victor ?
- Oui, on peut dire ça.
- Non, ça ne va pas. Tu as un problème ? quelque chose en quoi je puis t'aider ?
- Non, tu as déjà tant fait.
- Et bien alors, pourquoi cette moue ?
- J'ai honte Romain.
- Comment cela ?
- J'ai honte de ce que je fais avec Rachid envers toi...
- Je ne comprends rien Victor.
- Tu m'as tant donné, tu as cru en moi, tu m'as appris tant de choses en si peu de temps, et moi, tout ce que je sais faire, c'est de partir avec Rachid et te laisser en plan comme ça.
- Eh, Victor ! on en a déjà parlé je crois. Tu ne me dois rien, tu ne m'appartiens pas, et ce que je t'ai donné c'est à toi. Après, tu fais tes choix, tu es presqu'un adulte responsable maintenant. Tu assumes.
- Bah justement j'assume pas.
- Ca te passera, et puis je vais être franc avec toi. J'ai pris énormément de plaisir avec toi, à te découvrir et te faire découvrir les plaisirs masculins. Mais désormais, la donne a changé. Ma situation n'est plus la même qu'à ton arrivée, pour toi comme pour moi. Nous pouvons rester complices, proches dans le travail, mais je ne pense pas que ce soit une bonne chose que nous soyons amants en plus de travailler ensemble.
- Tu me jettes ???demande t'il inquiet.
- Pas du tout, mais je crois qu'on difficilement mélanger amour et travail, et dans les semaines et mois à venir, je vais devoir consacrer mon énergie au travail plus qu'à l'amour. Rachid arrive donc à point nommé pour me remplacer dans ton coeur et que tu continues à vivre à la fois une belle aventure professionnelle avec moi, et une belle histoire d'amour avec lui. Et pour conclure en toute franchise, Matthieu est à Paris pour deux semaines depuis hier soir, et ce soir, je sors avec lui.
- Ah, il est rentré, dit-il avec une pointe de jalousie dans la voix.
- Oui, et je vais passer un peu de temps avec lui. Tu auras ainsi tout le temps de te consacrer à Rachid et à votre emménagement. Au fait, tu en as parlé à ta mère ?
- De quoi ?
- De ton départ !
- Non, je vais lui annoncer ce soir. Ca aussi, ça m'angoisse.
- T'inquiète !!! Elle doit s'y attendre, même si elle ne dit rien, et après la surprise, je suis certain qu'elle sera ravie pour toi.
- Tu penses vraiment ?
- Oui, je ne l'ai vu qu'une seule fois, mais ta mère est quelqu'un de formidable et qui ne veut qu'une chose : ton bonheur.
- Alors, tu ne m'en veux pas pour Rachid ?
- Victor, tu me gonfles !!! c'est clair ?
- Ok, ok...au moins ça c'est clair....
- File maintenant, tu vas être en retard pour ta mère. Et je serais toi, je l'inviterais au restaurant ce soir.
- Ca va être difficile, les restos par chez moi, c'est Flunch ou Mac Do, et sinon, je dois prendre le bus, et à cette heure là, pas question.
- Prends ma voiture.
- Et toi ? tu rentre comment ?
- J'ai ce qu'il faut.
- Comment ça ?
- François a fait livrer hier ma nouvelle voiture de fonction.
- Quoi ? l'Audi dehors ? je me demandais qui t'avait piqué ta place ce matin en arrivant !!!
- Exactement, la TT en bas est maintenant ma voiture, dis-je avec un grand sourire.
- Eh bah mon salaud !!!
- Victor !!!
- Excuse-moi, en tout cas, il ne s'est pas foutu de toi. Elle est somptueuse.
- Je ne sais pas, avec cette journée de dingue, je n'ai même pas eu le temps de l'essayer. Je l'inaugure ce soir, en allant chercher Matthieu. Tiens, voila les papiers et les clefs de ma Clio. Tu fais gaffe quand même avec. Alors tu vas l'emmener où ?
- Il y a un restaurant qu'elle aime bien, et même s'il coûte cher, je vais appeler pour réserver.
- Cher comment ?
- Bah, au moins 50 euros par personne. On y était allé quand j'avais eu mon bac et je sais que Maman avait dû casser sa tirelire pour payer.
- Tiens, dis-je en sortant trois billets de 50 euros de mon portefeuille, comme ça tu pourras vraiment lui faire plaisir.
- Non arrête, je ne peux pas accepter !!! se récrie-t-il.
- Arrête, ça me fait plaisir pour toi et ta mère. Allez prends les.
- Je ne comprends pas pourquoi tu fais tout ça, Romain...
- J'ai beaucoup de chance en ce moment Victor. Presque trop, et ça me fait parfois un peu peur. Alors je me dis que si je partage un peu de mon bonheur, il sera plus difficile à reprendre...C'est sans doute très égoïste, mais ça me fait du bien.
- Je saurai moi aussi un jour te remercier de ton partage.
- On a encore le temps d'y penser. Allez, file, tu dois sortir avec une dame de qualité ce soir.
- Merci, on se voit demain ?
- Oui bien sûr. Bonne soirée.
- Toi aussi... avec Matthieu, me fait-il un sourire en coin.
Victor ramasse ses affaires et quitte le plateau. Je sors deux minutes pour aller fumer une cigarette, et en profite à la fois pour appeler Matthieu et admirer ma nouvelle voiture.
- Matthieu ? oui c'est Romain.
- Salut Romain. Y a un souci pour ce soir ?
- Non du tout. Je voulais juste entendre ta voix.
- C'est gentil. J'aurai terminé mon rendez vous vers 20h- 20h15, tu peux passer me prendre ?
- Oui bien sûr.
- Tu as toujours une Clio ?
- Euh non, plus vraiment, dis je en pensant au bolide qui je vais étrenner ce soir.
- Tu as quoi alors ?
- Tu verras. Attends-moi devant ton bureau. 20h15.
- Soit, je ne comprends pas le mystère, mais je t'attends. Et je fais comment pour savoir si tu arrives ?
- Je ferai le galant et viendrai t'ouvrir la portière...
- Ok. Alors à tout à l'heure.
- A tout'...
Je raccroche, regarde ma montre, il me reste 1h00 pour finir mon boulot. Je remonte et expédie donc les affaires courantes. Je quitte le bureau vers 20h00 et à 20h10, arrive devant les bureaux de Matthieu. Je trouve miraculeusement une place juste devant l'entrée, m'y gare et je sors de la voiture pour attendre Matthieu en fumant une cigarette. Je me pose sur le capot encore chaud de mon nouveau joujou, et quelques instants après, je vois Matthieu dans le hall qui salue le vigile avant de sortir dans la rue.
Il me voit appuyé sur la voiture et me fait un grand sourire. Il me fait la bise sur les deux joues, puis me lance un regard réprobateur.
- Tu ne devrais pas te poser comme ça sur cette voiture, si le propriétaire débarque et te voit, tu risques de passer un sale 1/4 d'heure.
- Ah bon pourquoi ? Dis-je l'air innocent.
- Parce que les propriétaires de ce genre de voiture sont souvent des branleurs qui ne réfléchissent pas et qui voient rouge dès qu'on touche à leur bagnole.
- Ce ne sont pas nécessairement des branleurs !!! enfin, ça dépend de ce qu'il y a à branler... et si mes souvenirs sont exacts, tu as de quoi faire...dis je avec un sourire salace...
- Parce que...non...c'est à toi cette voiture ?dit il incrédule.
- Depuis ce matin, oui...réponds je fièrement. C'est ma voiture de fonction.
- Ah bah mon salaud !!!
- Matthieu !!!
- Non, mais t'es sérieux !!! tu as touché le gros lot ou quoi ?
- Non, c'est François qui m'a fait la surprise ce matin.
- Mais depuis quand tu appelles mon beau père par son prénom toi ?
- Il ne t'a rien dit ?
- Mais sur quoi ?
- Bon monte, je vais t'expliquer en route, sinon on va être en retard.
Nous démarrons et, pendant que nous allons vers le restaurant, j'explique à Matthieu tout ce qui s'est passé pour moi au sein de la société. Passée la surprise et l'étonnement, Matthieu se montre ravi de mon évolution et de ma réussite et me félicite chaleureusement.
La circulation étant relativement fluide, nous mettons peu de temps à rejoindre le lieu de notre diner. Je vois qu'un voiturier est en faction devant le restaurant, mais Matthieu me dit avant que je n'arrive à sa hauteur :
- Va te mettre au parking de la Tour Maubourg s'il te plait.
- Mais pourquoi ? il y a un...
- S'il te plait...insiste-t-il.
- Bon, si tu veux.
J'obtempère donc à ce souhait un peu bizarre, et dans le parking, alors que je cherche une place la plus poste de la sortie piétons, Matthieu formule le souhait de m'en éloigner le plus possible.
- Là regarde, on sera bien.
- Qu'est ce qu'il te prend Matthieu ?
- Gare-toi là, et coupe le moteur.
Je m'exécute de plus en plus perplexe, et coupe le moteur.
Malgré l'exigüité de l'habitat, Matthieu m'attire alors vers lui et m'embrasse avec fougue sur la bouche. Je m'abandonne à son baiser, redécouvre le gout de ses lèvres, le parfum de sa langue. Ma main se pose sur sa cuisse, remonte à l'entrejambe et trouve son paquet moulé dans son pantalon de costume. Je malaxe les deux boules comprimées dans le tissu et pars à la recherche du fut de chair que j'ai tant aimé. J'entrouvre la braguette et glisse ma main dans le pantalon, rencontre l'objet de mon désir bien bandé et l'extirpe de son boxer.
Je me penche sur le gland luisant de Matthieu et, renonçant à son baiser fougueux, me penche pour sucer son sexe à pleine bouche. Malgré le manque de place, j'arrive à gober l'ensemble du sexe en bouche et entame une fellation endiablée. Le sexe de Matthieu m'avait manqué, et je le réalise maintenant.
Matthieu se contorsionne pour faire glisser son pantalon et le baisser sur ses mollets. Je retrouve avec bonheur ses deux grosses couilles lourdes et pleines, et les malaxe à pleine main tandis que son chibre coulisse dans ma gorge.
Sans doute poussé par l'excitation, sa jouissance est rapide et son gland crache 4 longs jets de foutre chaud et crémeux dans ma gorge. J'avale sa sève et nettoie son gland avec application, et tandis qu'il se rhabille, j'efface d'un coup de langue gourmand les dernières traces de sa jouissance.
- Ce n'était pas prévu d'aller jusque là... me dit il en finissant de glisser sa chemise dans son pantalon. Je voulais juste un baiser.
- Je n'ai pas résisté, dis je le regard brillant. J'avais trop envie.
- C'est une entrée en matière sympathique pour cette soirée, me répond-il avec le même feu dans le regard.
- Allons diner, comme ça nous pourrons rentrer plus vite !!!
- Tu as raison, allons y.
Nous sortons de la voiture et nous rendons vers le restaurant. Une rapide inspection avant de quitter le parking nous permet de vérifier qu'il ne subsiste aucune trace de notre câlin imprévu.
Nous pénétrons dans le restaurant à l'heure prévue, et le maître d'hôtel nous installe à notre table. L'ambiance feutrée et les lumières tamisées semblent propices à un repas de retrouvailles, et je remercie intérieurement Anne de son conseil.
Nous passons commande rapidement, et en attendant nos plats, nous dégustons une coupe de champagne pour fêter son retour.
Le repas se déroule au fil des plats tous plus succulents les uns que les autres et de nos échanges sur le développement de la société de Matthieu, sur mon évolution, et divers sujets d'actualité. Vers 23h00, nous regagnons ma voiture.
- Ca me fait un bien fou d'être avec toi, tu sais, me dit Matthieu
- Merci, moi aussi, même si je sais que ce n'est que pour quelques jours hélas, lui dis je avec une pointe de tristesse dans la voix.
- Rentrons, veux-tu ?
- Bien sûr.
Le retour vers l'appartement se fait en silence, chacun perdu dans ses pensées. Après avoir garé mon Audi dans le parking, nous regagnons enfin notre " chez nous ".
Nous déposons chacun nos affaires dans nos chambres respectives. Matthieu n'a pas hésité un instant et s'est naturellement dirigé vers la chambre d'amis. Je suis presque gêné de ne pas lui avoir rendu sa chambre.
Il me rejoint au salon, et me propose un verre d'alcool fin. Je refuse, ayant assez bu pendant le repas. Il se sert, s'installe dans le canapé.
Je m'installe à ses côtés, le regard flottant dans l'appartement. Je sais ce qu'il va se passer, mais je retarde le moment pour une raison que je n'arrive pas à m'expliquer. Je ressens toujours cette gêne qui inhibe l'élan qui pourtant agite mon coeur et mon corps.
Un silence pesant s'installe, ne faisant qu'accentuer le malaise que je ressens. Matthieu est le 1er à le rompre :
- C'est vraiment fini avec Victor ? dit-il en faisant tournant lentement l'élixir contenu dans son verre.
- Oui. Victor aime Rachid, ils vont s'installer ensemble, et c'est mieux ainsi.
- Pourquoi cela ?
- Parce que !!! Victor est jeune, beau. Je n'ai été que le révélateur de ses pulsions et ses attirances. Mais je sais pertinemment que cela n'aurait pas duré. Même si nous n'avons que 8 ans d'écart, je suis déjà sur un autre rythme que lui. Je ne dis pas qu'il ne se passera plus rien entre nous, je pense juste que ce sera épisodique, comme ça, juste par amitié et par envie passagère.
- Je te trouve bien philosophe.
- J'ai mûri depuis quelques mois, tu sais. Je ne vois plus la vie, ma vie de la façon. J'ai des responsabilités, des gens qui comptent sur moi, François qui place beaucoup d'espoir en moi. Je ne suis plus aussi frivole et insouciant que lorsque je t'ai rencontré, Matthieu.
- Je vois, et je suis impressionné par ce changement. J'ai quitté un jeune homme et je retrouve un homme. Et moi, dans ta nouvelle vie, je suis où ?
La question me prend presque au dépourvu. En même temps, je connais la réponse. Elle est évidente, elle ne peut être autrement que :
- Tu es au centre, Matthieu. Tu es et sera toujours là, lui dis j'en montrant mon coeur.
- Romain, tu sais bien que toi et moi, ce ne sera jamais officiel...
- Peu m'importe ! Tu es l'homme dont j'ai toujours rêvé, même si nous serons toujours des clandestins du coeur. C'est ainsi. Je le sais, je le sens. Je sais depuis notre 1ère nuit ensemble que je serai toujours à toi.
- Mais Romain, je n'ai pas le droit de te retenir, tu dois vivre ta vie, te construire un avenir affectif avec un autre que moi. Nous deux, ce ne sera toujours que de l'épisodique. Et tu as toute une vie pour aimer un autre que moi. Ce que tu as dit pour Victor, c'est la même chose pour nous.
- Je sais, j'en suis parfaitement conscient, Matthieu. Mais tu demandes où tu es dans ma vie, et je te réponds : tu es dans mon coeur. Peut être qu'un jour, je rencontrerai un autre homme avec qui je vivrai, que j'aimerai aussi, mais tu seras toujours là, toujours en moi.
Matthieu me fixe avec une force qui me fait baisser les yeux. Il pose son verre sur la table basse, me prend la main, et se lève.
- Viens, dit il doucement en m'entrainant vers ma chambre.
Nous nous faisons face. Doucement, il me caresse les cheveux. Je me rapproche de lui, et pose mes lèvres sur les siennes. Je sens le parfum délicat du cognac sur ses lèvres qui s'ouvrent et s'unissent aux miennes.
De sa main, il me prend par la nuque et m'embrasse tendrement. Nos langues se mêlent dans une lente et douce joute, tandis que mes mains se posent sur ses hanches.
Ses doigts font crisser mes cheveux, les miens caressent ses reins à travers sa chemise.
Je ferme les yeux, me concentrant sur son baiser. Tandis que nos lèvres et nos langues continuent leur union sensuelle, les mains parcourent mutuellement le corps de l'autre. Aucun de nous n'ose encore passer la barrière textile qui sépare nos doigts de nos épidermes.
Notre baiser est de plus en plus appuyé. Nos langues s'emballent peu à peu. De tendre, le baiser devient passionné, puis fougueux. De temps en temps, je sens le bas ventre de Matthieu contre le mien. Son sexe est encore au repos malgré la passion qui attise notre baiser et les caresses qui exacerbent nos sens. Le mien commence peu à peu à tendre le coton de mon boxer et l'excitation monte inexorablement en moi.
Tout en m'embrassant, Matthieu commence lentement à ôter les boutons de ma chemise. Petit à petit, les pans dévoilent mon torse, dans lequel mon coeur bat de plus en plus fort.
Matthieu passe ses mains sur mes pectoraux lentement, jouant avec la pointe dardée de mes tétons. Il les pince avec délicatesse, fait tourner son majeur sur la rosace brune, stimule la pointe dure de son doigt.
Je gémis de plaisir, toujours uni à ses lèvres. Ma respiration s'accélère petit à petit. Je sors la chemise du pantalon de Matthieu et, à mon tour, je dénude son torse musclé. La lumière tamisée de la chambre donne à sa peau lisse une teinte ambrée. Mes doigts courent à leur tour sur les muscles fermes de sa poitrine, ses épaules carrées que je dénude lentement.
Matthieu sépare ses lèvres des miennes, et laisse choir sa chemise au sol. Il m'apparait encore plus fort et désirable que dans mes plus beaux souvenirs. Il me débarrasse de ma chemise à mon tour, et, doucement, m'allonge sur le lit. Il se penche sur moi, dépose un baiser sur mes lèvres encore chaudes de notre précédent baiser, puis, descend sa bouche sur mes joues, lèche mon menton, ma gorge et mon cou de la pointe de sa langue.
Je me sens électrisé par cette caresse et mon corps tout entier se tend tandis qu'il embrasse mes épaules, respire ma peau à plein nez, et pose sa langue en pointe sur mon téton. Il la fait tournoyer autour du petit pic de chair brune tendue à l'extrême, pendant que mes mains caressent son dos puissant et courent sur ses reins.
Il me mordille le sein, aspire mes tétons l'un après l'autre, puis fait glisser sa bouche sur mon torse, descend lentement sur mon ventre, fouille de la langue mon nombril.
Mon sexe est désormais tendu au maximum dans mon pantalon et malgré la double couche de tissus formée par mon boxer et mon pantalon, se dresse dans mon sous vêtement et déforme la braguette de mon pantalon.
Matthieu effleure ma proéminence de la main, m'arrachant un soupir de plaisir. Il ôte la boucle de ma ceinture, dégrafe les boutons de mon pantalon, fait doucement glisser la fermeture éclair pour ouvrir les pans qui retiennent captif l'ascension de mon sexe bandé.
Mon boxer blanc apparait alors, distendu, les mailles subissant la pression de mon fut dur. Matthieu caresse ma colonne à travers le coton, glisse sa main dans mon pantalon et vient flatter de ses doigts mes testicules comprimés dans l'étoffe chaude.
Je meure d'envie de me débarrasser de ce pantalon qui désormais m'entrave les jambes, mais Matthieu a décidé de faire durer le délicieux supplice de ses caresses. Tandis qu'une main continue de jouer avec mes boules, l'autre repart à l'assaut de mes pectoraux et mes tétons. Il pose de nouveau sa bouche sur la mienne, et m'embrasse à pleine bouche. Je subis bien volontiers ce triple assaut de mon amant, tandis que je dégrafe son pantalon tant bien que mal et le fais glisser sur ses fesses fermes. Il s'en débarrasse promptement et finit enfin par faire de même avec le mien.
Nos deux corps juste vêtus d'un sous vêtement se plaquent l'un contre l'autre. Ses pectoraux viennent appuyer sur les miens, ses abdos s'encastrent dans les miens, et son sexe raide vient se caler contre le mien. Je relève mes jambes, les enroulent autour de ses reins, et le bloque ainsi tout contre moi. Il fait onduler son bassin contre le mien et je sens son sexe raide qui frotte à travers le tissu contre le mien.
Nos baisers sont de plus en plus fous, nos mains courent sur nos corps chauds de plus en plus vite. Je glisse mes doigts sous la ceinture élastique de son boxer et pars explorer les lobes de son fessier, pendant qu'il me caresse les cuisses.
Toujours unis par nos lèvres, nous roulons l'un sur l'autre, manquant de chavirer hors du lit plusieurs fois. La dernière roulade me met sur le dos, tout le buste dans le vide, et je bascule lentement vers le sol. Matthieu me retient doucement, se libère de l'emprise de mes jambes et pose sa bouche sur la barre raide de mon boxer.
Lentement, sensuellement, et pendant que je prends appui comme je peux sur le sol, tête en bas, il m'ouvre les cuisses, glisse son visage entre et pose sa bouche sur la bosse formée par mes testicules. De ses lèvres, il pince le tissu, puis gobe une après l'autre mes deux boules. Une main me caresse le ventre, l'autre flatte ma queue par des effleurements qui m'arrachent des petits cris et des sursauts de plaisir, tandis qu'il me dévore l'entrejambe avec gourmandise.
Il glisse ensuite, un, puis deux doigts sous le tissu le long de ma cuisse, les fait pénétrer dans mon boxer et vient me chatouiller la zone entre mes couilles et ma rondelle. Il remonte ensuite sur mes burnes brulantes, joue avec en les faisant rouler entre ses doigts.
Sa main toute entière pénètre dans mon boxer et, d'une poigne à la fois douce et ferme, il remonte alors le long de mon sexe et s'en empare. Il entame une lente masturbation intra boxer. Et, de sa main libre, il s'en prend de nouveau à mes tétons. La double caresse, en plus de la position de total abandon, me fait gémir de plus en plus fort. Je sens que sa main se macule de mon precum, qui coule abondamment de mon gland.
Matthieu me redresse et replace sur le lit, et se glisse à nouveau entre mes cuisses. Il replonge sa main dans mon boxer à l'entrejambe, s'empare de mon sexe et par la jambe, le sort de sa prison de coton. Il le libère de ses doigts, et pose ses lèvres sur mon gland décalotté par la tension extrême de mon érection.
Du bout de la langue, il vient laper mon jus clair, et ce contact me fait cambrer les reins dans un angle que je n'aurais jamais pensé pouvoir atteindre un jour !!!! Puis sa pointe court sur toute la longueur de mon chibre, allant et venant d'abord lentement, puis de plus en plus rapidement.
Je m'empare de sa tête, pour faire cesser ce supplice infernal et trop excitant à la fois. Je plonge mon regard plein de désir dans le sien juste avant qu'il ne plonge à nouveau sur mon sexe et gobe mon gland devenu le centre de mon être et de mon plaisir.
Il referme ses lèvres et commence à faire tournoyer sa langue sur la couronne de mon gland. Puis il la plaque sur la surface à vif du gland et lape avec gourmandise le gros bonbon rouge. Je vois mon sexe disparaitre peu à peu dans sa bouche, et il finit par tout avaler dans une sublime gorge profonde et chaude.
Bien que tétanisé par sa fellation, j'essaie malgré tout d'atteindre son boxer, mais Matthieu a décidé que je ne devais manifestement me concentrer que sur le plaisir qu'il m'offrait.
Ma verge coulisse entre ses lèvres doucement, puis je subis une brusque accélération qui risque de me faire défaillir à chaque instant. D'un doigt curieux, il s'immisce entre mes fesses et part à la recherche de mon anus. Pour lui faciliter l'accès, et bien que redoutant d'avoir un second point de plaisir difficile à gérer simultanément avec celui procuré par sa pipe, j'ouvre mes cuisses. Le tissu du boxer se plaque contre sa main et son doigt inquisiteur atteint la zone visée.
Du bout de la phalange, il caresse ma rondelle encore serrée. Une fois de plus, mes reins se cambrent, enfonçant du coup ma bite au fond de sa gorge. Il relâche mon sexe luisant de sa salive, et se concentre sur mon trou fermé. A l'aveugle, il explore la rosette, la pousse, cherche la pénétrer, contourne les anneaux, vise au centre et repousse son majeur. Je ne cède pas encore, bien que l'envie de le sentir explorer mon ventre me taraude.
Voyant que je ne veux pas encore céder à ses avances digitales, il extrait sa main de mon boxer et se redresse à genoux sur lit.
Son corps luit d'excitation. Son regard brille, plein de désir. Tendue par un sexe qui me parait plus désirable et plus gros que jamais, la ceinture de son boxer laisse dépasser l'extrémité de son gland. Je me redresse et à quatre pattes, me place devant son bas ventre et, à mon tout, lèche du bout de la langue le bout de son gland.
Matthieu tressaille sous la caresse et son méat libère une grosse goutte de precum dont je me délecte aussitôt. Ma caresse a pour effet de tendre un peu plus encore son sexe et je vois sortir le gland entier, tel un bourgeon émergeant de la terre promise. Je lui lèche alors le frein, la couronne et tout ce qui m'est accessible hors de son boxer.
Matthieu bascule son torse en arrière, ramène ses pieds sous ses fesses et prend appui sur ses bras pour tendre un peu plus ses abdos et m'offrir un peu plus de son sexe.
Lentement, je fais glisser le boxer. Je dévoile peu à peu le sexe de Matthieu. Au fur et à mesure de sa libération, l'énorme chibre s'écarte du ventre, se libère du tapis de poils pubien et se dresse fièrement comme un obélisque palpitant vers le ciel.
Son boxer glisse sur ses fesses, se plisse lentement. La ceinture se cale sous les bourses lourdes et pendantes et dans le pli formé entre ses fesses et ses cuisses.
Son sexe fier est là devant moi, vibrant, palpitant. Les 20 cm de bonheur s'offrent à mes yeux sans aucun artifice. Je me saisis de son pénis et le caresse d'une main, tandis que l'autre flatte ses boules poilues.
Matthieu soupire d'aise. Je le masturbe doucement, serrant son sexe entre le pouce et l'index, jouant avec le prépuce sur le gland. Lubrifié par son precum, mes doigts glissent sans heurt le long de sa verge.
Je me penche vers le mandrin et l'embouche. Matthieu pose sa main sur ma tête et j'entame une fellation au rythme de ses appuis. Il gémit, soupire, crie parfois de surprise ou de plaisir.
Le temps semble suspendu, les seuls bruits qui habitent la chambre sont les gémissements de Matthieu, les draps qui se froissent sous nos corps, ma bouche qui coulisse sur son piston.
Matthieu se redresse, m'allonge sur le dos et vient se positionner tête bêche contre mon corps.
Je reprends son sexe en bouche, tandis qu'il s'empare du mien et le suce à son tour.
Nous entamons un long 69, sans brusquerie, cherchant chacun à donner le plus de plaisir possible à l'autre. De notre main libre, nous nous prodiguons les mêmes caresses. Nos reins, nos fesses, nos dos, nos hanches, nos épaules, aucune parcelle accessible de nos épidermes n'est oubliée.
Nous ne sommes qu'un, chacun offrant le meilleur de ses caresses à l'autre.
Je pars explorer la raie de mon amant. Mes doigts se glissent dans le canyon de ses fesses, et descendent lentement vers son puits d'amour. Il entrouvre ses jambes pour me libérer l'accès, et je fais de même quand je sens ses doigts taper à la porte secrète.
Je sens sous la pression de mes doigts que Matthieu est disposé à me laisser entrer. Doucement, mon majeur le pénètre quand le sien s'enfonce dans mon ventre. Nous sentons l'un et l'autre une chaleur nous envahir et nos caresses buccales trahissent ce nouveau plaisir.
Nos doigts coulissent dans nos trous respectifs au même rythme que la verge de l'un dans la bouche de l'autre. La souplesse de nos rondelles nous autorise à inviter un 2ème doigt dans nos entrailles, et les grognements de plaisirs qui succèdent à nos gémissements initiaux indiquent clairement que nous avons franchi un nouveau palier dans l'excitation.
Alors que je continue de sucer amoureusement son sexe et poursuis mon exploration anale, Matthieu abandonne ses caresses pour glisser sa bouche entre mes cuisses et venir me lécher la rondelle.
Il me travaille l'anus avec minutie, délectation, et sachant que je suis fou de ces feuilles de rose, il enfonce sa langue autant que possible. Il me prépare le ventre comme jamais cela ne m'avait été fait, et je m'applique à lubrifier au maximum le sexe qui va m'honorer.
L'anulingus est divin et j'en oublierais presque la fellation en cours. Je dois reprendre mes esprits à plusieurs reprises pour poursuivre, mais les attentions de Matthieu me chavirent de bonheur à chaque coup de langue.
Délicatement, Matthieu extrait son sexe de ma bouche. Il m'installe confortablement sur le dos, et tout en douceur, relève mes cuisses pour pouvoir accéder à mon anus détendu par ses soins.
Dressé face à moi, le sexe triomphant, Matthieu me sourit. Il se penche sur moi, dépose un baiser sur mes lèvres tandis que son gland brûlant se pose sur ma rondelle.
Lentement, son bassin bascule et son gland pénètre en moi. Mes anneaux s'écartent doucement, laissant entrer son sexe dans mon ventre. Matthieu enfonce son gland jusqu'à la couronne, et s'arrête une fois celle-ci passée. Mes deux anneaux se contractent autour de sa verge. Il reste ainsi pendant quelques instants, laissant mon ventre se préparer à sa saillie, puis reprend sa pénétration.
J'ai l'impression qu'un bâton de miel chaud m'envahit. Son gland frotte mon boyau avec une douceur insoutenable. Mon sexe se dresse violemment sous l'effet de l'excitation que je ressens durant cette pénétration.
Tranquillement, avec attention, Matthieu entre de plus en plus profond. J'avais oublié combien son sexe était volumineux en moi. Il me remplit entièrement et je le sens s'appuyer au fond de mon ventre et pousser plus avant encore.
Je sens au bout de quelques minutes la toison pubienne de Matthieu se poser sur ma peau. Tout son sexe est en moi, et je ressens un instant de pur bonheur.
Matthieu est de nouveau en moi, Matthieu me fait de nouveau l'amour.
27- CATACLYSME
Après une nuit d'amour fou entre Matthieu et moi, le réveil est un peu difficile. Encore sous le charme des assauts répétés de mon amant, je m'étire dans le lit comme un chat et constate avec surprise que la place à mes côtés est vide.
J'enfile un slip rapidement et me dirige vers la cuisine. Matthieu est face à la fenêtre et me tourne le dos. Il est en chemise et pantalon de costume, buvant son café dans un mug.
- Salut, lui dis-je en caressant ses épaules.
- Salut, me répond-il en se retournant.
- Tu as bien dormi ? Tu es levé depuis longtemps ?
- Une heure environ...
Il y a dans le regard de Matthieu comme un voile de tristesse, et sa voix trahit une certaine émotion.
- Il y a un problème, Matthieu ?
- Hein...non, non, répond-il rapidement.
- Arrête, je commence a te connaitre et tu as ta tête des mauvaises nouvelles.
- Non je t'assure...
- Alors, si tout va bien, souris !
J'ai droit à un sourire forcé, qui ne fait que renforcer mon inquiétude. Matthieu a quelque chose à me dire, mais il ne sait manifestement pas comment commencer...
Je vais me faire un café à la Nespresso, allume la télé dans le salon pour regarder les dernières infos, quand je vois apparaitre Matthieu dans l'encoignure de la porte, les yeux rouges.
- Bon, Matthieu, maintenant tu me dis ce que tu as à me dire !!! dis-je en me levant pour me diriger vers lui.
- Assieds-toi s'il te plait.
- Et pourquoi ça ?
- Assieds-toi, ça vaudra mieux.
Je regagne le canapé, le ventre serré par l'inquiétude grandissante que l'attitude de Matthieu fait grandir en moi.
- Alors, c'est quoi ce grand mystère ? tu me quittes ? c'était notre dernière nuit ensemble ? tu as rencontré un mec aux USA et tu ne sais pas comment le dire ???
Je croise bras et jambes, la moue agacée par tant de cinéma.
- Arrête, Romain. Il ne s'agit pas de ça du tout.
- Alors vas-tu enfin daigner m'honorer de ton savoir ?
- Il s'agit de François, dit-il avec une voix étranglée par un hoquet de chagrin.
En un fragment de seconde, je comprends immédiatement que quelque chose de grave s'est passé.
- Quoi François ? qu'est ce qui lui est arrivé ? PARLE BORDEL !!!!
- Cette nuit, pendant que tu dormais, mon téléphone a vibré. C'était Marie qui m'appelait depuis New York. Son père a eu une attaque hier soir...
- Et ?
- Il ne s'en est pas sorti. François est mort cette nuit, dit-il avant de fondre en larmes.
Ma tasse glisse lentement de mes mains, et vient se briser sur le parquet, m'éclaboussant de café. Le regard hagard, les bras ballants, je reçois cette terrible nouvelle comme un coup de poing magistral en plein ventre. Je réalise d'un seul coup que dès ce matin, je ne verrai plus François, que dès maintenant, je ne pourrai plus être à ses côtés, l'écouter, apprendre de lui. Je comprends que tout ce que j'avais échafaudé comme plan pour sa société n'était plus que vaine futilité vis-à-vis de cette tragédie qui frappait une famille toute entière mais aussi une entreprise avec tous ceux et toutes celles qui comptaient sur leur capitaine pour les mener à bon port.
Je voudrais crier mon chagrin, laisser sortir mes larmes, mais rien ne se passe. Je ramasse machinalement les morceaux de porcelaine sur le sol, me lève pour aller les jeter dans la cuisine. Je passe devant Matthieu, qui pleure silencieusement la perte de son beau-père, sans même le regarder, agissant comme un automate.
Puis je vais dans la salle de bains, ouvre le robinet de la douche et me glisse dessous encore vêtu de mon slip. Et comme si l'eau de la douche appelait l'eau de mes yeux, je me mets à pleurer, d'abord avec retenue, puis, ne pouvant plus maitriser mon chagrin et mon émotion, c'est un torrent de larmes qui m'inonde le visage. Je m'appuie contre la paroi de verre de la douche pour y chercher le soutien que mes jambes ne me donnent plus, mais mon dos glisse peu à peu, mes genoux ploient sous l'émotion et je me retrouve assis sur le sol de la douche, la tête dans les cuisses à pleurer toutes les larmes de mon corps.
Je reste ainsi prostré pendant 20 minutes quand je sens une main me secouer l'épaule.
- Romain...
Je redresse la tête, me protégeant les yeux de l'eau qui tombe de la douche, pour réaliser que l'eau ne coule plus.
Matthieu est accroupi devant moi, les yeux gonflés, et doucement, il me secoue l'épaule.
- Romain, sors de cette douche et viens te sécher, tu vas prendre froid.
Il m'aide à me relever. Je reste debout, dégoulinant, planté comme un con au milieu de la salle de bains. Matthieu m'ôte mon slip détrempé, puis avec infiniment de douceur, m'essuie le corps tout entier. Il quitte ensuite la salle de bains et revient quelques instants après avec un sous vêtement sec, ma chemise et mon costume et une cravate noire.
- Prépare-toi, tu es attendu au travail, me dit-il avec une voix pleine de retenue, de douceur et de tristesse.
Obéissant à sa demande, je me prépare machinalement, et ressors 5 minutes plus tard de la salle de bains.
- Passe-moi les clefs de ta voiture, tu n'es pas en état de conduire.
J'ai l'impression de vivre entouré de brouillard. Plus le temps passe, et plus je prends conscience de l'horreur de la disparition de François. Et peu à peu, pendant le trajet qui me sépare de mon bureau, je réalise que nous allons devoir faire face à cette disparition et assurer la gestion puis la pérennité de l'entreprise de François, et la peur de l'inconnu m'écrase encore plus.
Nous arrivons devant nos bureaux et en nous garant, je remarque sur le parking la place vide réservée à François. Un brusque sanglot me fait tressaillir, et Matthieu pose sa main sur ma cuisse et me dit :
- Ressaisis toi, Romain, tu es le Directeur Commercial de Wagner SA. Il faut que tes collaborateurs voient en toi un point d'appui, une base solide. Essuie tes yeux et ressaisis-toi.
- Je ne peux pas, Matthieu, je ne peux pas... Le savent-ils ?
- Non, dit-il d'une voix ferme. Personne ne le sait encore, tu es le seul en dehors du cercle familial.
- Mais qui va leur dire ? dis-je en pressentant que la réponse sera :
- Toi Romain !!! tu as été désigné comme le successeur de François, c'est donc à toi que revient cette pénible responsabilité.
- Oh non, dis-je la voix implorante, non, je ne pourrai jamais tenir !!!
- Romain, et Matthieu plante son regard dans le mien, un regard dur, froid, où plus aucune trace d'émotion ne transparait, Romain, tu-dois-assumer-cette-responsabilité, me dit-il en martelant chaque syllabe de chaque mot, est-ce bien clair ? Tu dois le faire, et tu vas le faire. Tu n'as pas le choix, ou alors fuis maintenant et pour toujours. Tu es le patron maintenant.
- Mais non, je ne suis pas le patron, je ne suis qu'un employé, je ne possède rien, je ne connais rien, je...
Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'une monumentale gifle explose sur ma joue.
Interloqué, un peu sonné, je regarde incrédule la main de Matthieu qui redescend peu à peu sur le volant de l'Audi.
- Maintenant, ça suffit tes jérémiades, Romain. François t'a fait confiance, il a cru en toi, et il t'aimait. Alors montre-toi digne de sa confiance et de son amour, et comporte-toi en homme bordel !!! maintenant, tu sors de cette caisse, tu remets ta cravate droite, tu salues tout le monde en passant et tu vas voir Anne pour convoquer l'ensemble du comité de direction. Tu leur annonces le décès de François, et vous élaborez ensemble la stratégie de communication en interne et en externe pour informer le personnel, les clients, les fournisseurs et tous ceux qui doivent être mis au courant de cette nouvelle.
L'autorité de Matthieu, le bien fondé de son discours et la gifle me remettent les idées en place. J'acquiesce sans dire un mot, d'un signe de la tête, remets mes cheveux et ma cravate en place et sors de la voiture en même temps que Matthieu. Il me remet les clefs de ma voiture et je lui glisse un simple " merci " avant de me diriger du pas le plus assuré possible vers le hall de l'immeuble.
Je croise les fumeurs, mes commerciaux et des autres services, essayant de paraitre le plus détendu et serein possible, puis gagne les bureaux de François pour y retrouver Anne, déjà en poste depuis 8h00 ce matin.
- Bonjour Romain, ça va ? me dit-elle avec un grand sourire.
Elle ne sait rien, me dis-je, et je vais devoir lui annoncer la terrible nouvelle.
- Dis-moi, me demande-t-elle avec sa bonne humeur habituelle, tu sais si Mr Wagner avait un rendez-vous imprévu ce matin, parce que ça fait plus d'une heure qu'il devrait être là ?
- Anne, viens avec moi dans le bureau de François s'il te plait, dis-je avec une voix blanche qui dissimule mal mon émotion.
- Que se passe-t-il Romain, quelque chose ne va pas ? s'inquiète-t-elle en rentrant dans le bureau présidentiel.
- Anne, j'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer : François est décédé cette nuit d'une crise cardiaque.
- Oh mon Dieu, non !!! s'écrie Anne en plongeant son visage dans ses mains. Non Romain, pas Mr Wagner, non, non !!! dit-elle en éclatant en sanglots.
Je prends Anne sur mon épaule et essaie de la consoler. Peu à peu les sanglots s'espacent, et elle se redresse, reprend contenance et essuie ses larmes.
- Qui d'autre le sait au sein de la société ?
- Personne, hormis toi. Il faudrait que tu fasses venir les autres directeurs dans la salle du conseil.
- Oui, bien sûr, tout de suite. Et je leur dis quoi comme motif ?
- Simplement que j'ai une annonce à leur faire et que leur présence est indispensable.
- Très bien, ils seront là dans quelques instants. Mais qu'est-ce qu'on va devenir Romain ?
- On va continuer, pour François, pour tous nos employés, pour tous nos clients. Wagner SA n'est pas morte, elle vient de perdre son fondateur, mais son fondateur ne part pas avec sa société dans son dernier voyage, et nous allons la faire vivre pour que vive encore et toujours François à travers elle.
- Très bien Romain, je te crois, je te soutiens et je serai avec toi pour cette nouvelle étape.
- Tu peux les faire venir s'il te plait, il va falloir maintenant agir vite pour que nous gardions la main sur la communication, car dès que la nouvelle se sera répandue, il faudra essayer d'anticiper un maximum pour que tout continue de fonctionner.
- Tout de suite, va t'installer, je les appelle, dit-elle en essuyant une dernière larme.
- Et viens me rejoindre avec eux dans la salle. Ta place est parmi nous.
- Merci de ta confiance Romain.
Tandis qu'Anne prend le téléphone sur le bureau de François pour convoquer chacun de mes collègues, je me dirige vers la porte qui sépare le bureau de François de la salle du conseil. En passant devant le fauteuil désormais privé de son occupant, j'ai le coeur qui se serre et je ne peux étouffer un sanglot qu'Anne entend. Elle m'adresse un sourire forcé tout en parlant avec son interlocuteur et sa force me redonne le courage d'aller de l'avant.
Je vais installer à ma place autour de la grande table de réunion, et m'abandonne quelques instants, la tête entre les mains, à soulager un chagrin que je n'ai plus le droit d'exprimer publiquement désormais. Et déjà, les premiers directeurs arrivent et s'installent autour de la table après m'avoir salué chaleureusement.
Je souris à chacun et chacune, échange quelques banalités. J'arrive à faire bonne figure malgré l'écrasante responsabilité qui va être la mienne dans quelques instants, et seule Sophie, la DRH me regarde avec insistance et vient me dire :
- Pourquoi tu nous as appelé Romain ? Tu ne vas pas nous annoncer que tu nous quittes ?
- Non, ce n'est pas du tout d'actualité dis-je en essayant de sourire le plus possible.
Anne pénètre dans la salle les bras chargés d'un plateau avec des cafés ou thés pour chacune et chacun.
Après un léger toussotement pour demander l'attention de mes collègues, je me lève et attends le silence complet. Les voix se taisent peu à peu, les regards se tournent vers moi. Les tasses sont reposées dans leur sous tasse, et un silence de mort tombe sur la salle. Avant de m'exprimer, je ne peux empêcher un hoquet de tristesse jaillir de ma gorge, puis je prends la parole :
Mesdames, Messieurs, si je vous ai demandé de venir ce matin à cette réunion imprévue, c'est que j'ai à vous annoncer une douloureuse et terrible nouvelle pour nous toutes et tous, mais aussi pour Wagner SA, tous ses membres, ses clients et partenaires. Notre président et fondateur, François Wagner, a succombé cette nuit à une crise cardiaque.
Une chape de plomb s'abat sur la salle et je vois les visages de mes collègues se décomposer sous le choc de la nouvelle. Anne ne peut s'empêcher de laisser couler ses larmes, tandis que chacun commence à réaliser les conséquences de cette disparition.
Après quelques instants, je reprends la parole.
- Je pense qu'il faut réunir l'ensemble du personnel rapidement pour les informer de ce décès. Mais avant, il nous faut élaborer la communication vis-à-vis de l'extérieur, prévoir qui assurera l'intérim de François en attendant que ses héritiers décident de la suite à donner. Pour l'intérim, je propose que Martin, de par sa connaissance de l'entreprise, de sa situation financière et son ancienneté auprès de François soit celui qui assurera la direction de l'entreprise.
Martin, le Directeur financier se lève alors et nous dit :
- Romain, je te remercie de ta confiance et de ta proposition. Elle est à ton image, digne et désintéressée. Cependant, je ne souhaite pas assumer cette lourde responsabilité. Je pense plutôt que c'est à toi d'assurer cette direction. Tu es certes le plus jeune d'entre nous tous, tu viens d'accéder à tes fonctions depuis peu de temps, mais tu représentes l'avenir de Wagner SA. François t'a choisi comme dauphin, et je sais que cette décision, il l'avait prise après nous avoir tous consulter individuellement. Tu ne le sais sans doute pas, mais les circonstances actuelles m'obligent à te le révéler, mais tous autour de cette table avions conforté François dans ce choix et tous ici pensons que tu es et sera l'homme du renouveau de Wagner SA. Sache, Romain, que nous serons à tes côtés pour t'accompagner et t'aider du mieux que nous pourrons dans tes nouvelles responsabilités, et pour entériner cette proposition, je propose, chers collègues, que nous votions à main levée pour confirmer ou non ma proposition.
Martin, se rassied et lève sa main. Tour à tour, chaque membre de l'assistance lève sa main et je me retrouve devant une assemblée où toutes les mains sans exception se sont levées.
L'émotion m'étreint le coeur et je ne peux pas m'empêcher de pleurer devant cette marque de confiance absolue de tous mes collègues. Je me lève difficilement de mon siège, car je n'ai plus de force dans les jambes, et le visage baigné de larmes, j'arrive malgré tout à esquisser un sourire pour les remercier de cette marque de confiance absolue.
- Chers amis, dis-je avec une voix éraillée, chers amis, je ne sais pas comment vous remercier de votre estime et de votre confiance. Je ne sais pas si je suis digne de l'honneur que vous me faites, ni si j'aurai les capacités d'être à la hauteur de cette direction. Mais sachez que fort de votre appui et de vos connaissances, nous ferons tous ensemble le nécessaire pour que François soit fier de nous, là où il est maintenant, et qu'il voit que l'équipe qu'il a construit tout au long de ces années est soudée dans un seul et même but.
Je me rassieds, écrasé par l'émotion du décès de François, par la confiance de mes collègues et par le poids des responsabilités que je viens d'accepter.
Nous échangeons encore quelques minutes pour décider de notre communication en interne et vers l'extérieur, puis chacun repart dans son service respectif afin de rassembler ses équipes dans le hall de l'entreprise.
Après être passé me rafraichir le visage, je rejoins mon plateau commercial et invite mes commerciaux et les assistantes à descendre. Christophe, devenu mon bras droit depuis que j'ai été nommé Directeur commercial, s'approche de moi et me dit doucement :
- Ça n'a pas l'air d'aller, tu as des problèmes ?
- Viens dans le hall, tu vas comprendre, dis-je en essayant de dissimuler ma tristesse.
- Mais c'est grave ?
- Oui, Christophe, viens. Nous ne devons pas faire attendre les autres.
En descendant l'escalier principal, je vois l'ensemble du personnel rassemblé dans le hall, seuls ou en petits groupes, spéculant sur les raisons de ce rassemblement imprévu.
Je prends conscience d'un seul coup, que désormais, chaque acte, chaque décision que je prendrai engagera l'avenir de tous ces hommes et de toutes ces femmes, et que ma vie ne m'appartient plus, mais qu'elle devra leur être consacrée.
Je rejoins Martin, le DAF et Sophie, la DRH et nous remontons ensemble 3 marches pour prendre un peu de hauteur et être audibles et visibles de toute l'assemblée.
Sophie demande le silence, se recule, puis Martin prend la parole.
- Mesdames, messieurs, je vous remercie de vous être rendu disponibles. Romain, notre directeur commercial, a une annonce à vous faire, et je reprendrai la parole ensuite.
A son tour, il se met en retrait, et en passant à côté de moi, me glisse à l'oreille :
- Courage Romain, nous sommes tous avec toi
Puis pose sa main sur mon épaule et la serre d'une façon presque paternelle.
Je m'avance, embrasse l'assemblée du regard, conscient que tous les yeux sont braqués sur moi. Je prends une large inspiration pour m'aider à retrouver un peu de sérénité puis leur dis :
- Chers collègues, à vous toutes et tous, j'ai la douloureuse mission de vous informer que notre président, Mr François Wagner, est décédé cette nuit d'une crise cardiaque...
Des cris d'effrois jaillissent de l'assemblée, des sanglots éclatent, des visages plongent dans les mains, certains restent stoïques mais ce n'est que pour mieux dissimuler une profonde et sincère peine.
Moi-même, je peine à retenir mes larmes, mais je me dis que je dois montrer désormais un visage calme et assuré.
Martin s'avance et se place à mes côtés. Le hall s'est rempli d'un brouhaha général, et d'une voix ferme, il fait revenir le silence.
- Nous savons que cette terrible nouvelle vous touche toutes et tous particulièrement, car chacune et chacun d'entre vous connaissait bien François, l'appréciait en tant que patron et en tant qu'homme. Nous pleurons tous sa disparition, et pour ceux ou celles qui le souhaiteront, vous aurez la possibilité de lui rendre un dernier hommage lors de ses obsèques. Cependant, si notre président n'est plus, son entreprise, elle, est toujours vivante grâce à vous tous, et pour la mémoire de François, elle doit rester plus vivante que jamais.
Des murmures d'approbation parcourent la salle, au milieu des sanglots sourds qui agitent les gorges.
Martin reprend la parole :
- Nous ne savons pas encore ce que la famille de François décidera dans les jours et les semaines qui viennent à propos de cette entreprise, il est trop tôt pour le dire. Néanmoins, l'ensemble du comité de Direction a décidé, à l'unanimité, que l'intérim de la direction générale de l'entreprise sera confié, avec notre soutien inconditionnel, et le vôtre nous l'espérons et l'appelons de tous nos voeux, à notre Directeur Commercial, Romain Dupuis.
Sur ce, il se recule d'un pas, me laissant seul en avant devant l'ensemble des collaborateurs. Je me sens transpercé par 150 paires d'yeux, comme s'ils me scannaient pour voir si j'étais capable d'assumer cette lourde mission.
Le silence est total dans le hall quand venant de je ne sais où dans l'assemblée, un applaudissement jaillit et claque, et qui me semble incongru dans ces circonstances. Puis un deuxième le rejoint, suivi d'autres et la salve d'applaudissements gonfle, prend de l'ampleur, comme une vague qui se soulève peu à peu et qui gronde de plus en plus fort Et en quelques secondes, c'est tout le hall qui résonne de dizaines d'applaudissements et je vois à travers mes yeux embués de larmes d'émotion et de reconnaissance, que c'est l'ensemble du personnel qui applaudit la mémoire de François.
Comme elle est venue, la vague d'applaudissements d'éteint peu à peu et je m'adresse à l'assemblée.
- Merci à tous pour cet hommage spontané à notre regretté président. Je vais avoir besoin de vous tous pour accompagner dans la mission que le comité de direction vient de me confier, et je veux que vous soyez assuré que chaque décision se fera avec l'accord de tous les membres de ce comité. En attendant d'avoir plus d'information sur les cérémonies organisées pour François, je vous invite maintenant à regagner vos postes et avertir, selon les éléments que vont vous fournir vos managers, les personnes ou partenaires qui doivent être informés de la situation. Je vous remercie et vous souhaite, malgré tout, une bonne journée.
La foule se disperse alors peu à peu et le hall se vide. Je reste quelques instants dans les escaliers, quand Anne vient me rejoindre et m'invite à regagner le bureau de François.
- C'est ta place maintenant, Romain, et je suis à tes côtés pour t'aider autant que je pourrai.
- Merci Anne, mais je ne peux pas m'assoir dans ce fauteuil...
- Il le faut, Romain, nous comptons tous sur toi maintenant.
Alors, avec une certaine hésitation, je prends place dans le fauteuil, et m'assieds en essayant de rester le plus léger possible, comme si j'avais peur d'être avalé par l'assise.
Percevant mon malaise, discrètement, Anne s'éclipse, me laissant seul dans le grand bureau. Je réfléchis à tout ce qui m'arrive, à mes responsabilités, aux décisions que je serai amené à prendre, et profitant de ma solitude, mes nerfs lâchent et un immense chagrin me submerge. Mais cette fois ci, je le laisse s'exprimer et pleure à chaude larme.
Mais j'ai aussi conscience que le devoir m'appelle, et je finis par me ressaisir. Martin entre à ce moment dans le bureau et ensemble, nous appelons tous les partenaires majeurs de l'entreprise pour les avertir de la situation.
La journée s'écoule rapidement, entre appels, échanges avec les différents directeurs et les affaires courantes à traiter. Sur le coup des 19h30, Anne m'indique qu'elle va devoir quitter le bureau pour rentrer chez elle, et me salue, en me souhaitant une bonne soirée " malgré tout ".
Je réalise alors que je n'ai pas vu Victor de la journée, et me rappelle soudainement que je lui avais donné sa journée pour qu'il puisse emménager à sa nouvelle adresse avec Rachid.
Je prends mon portable pour l'appeler puis me ravise. Je me dis qu'il vaut mieux le laisser à sa joie d'être dans son nouveau domicile avec Rachid et que j'aurai bien le temps de lui annoncer la mort de François demain.
Au moment où je vais ranger mon téléphone dans ma poche, il se met à vibrer et je vois s'afficher le numéro de Matthieu...
Romain
Autres histoires de l'auteur : Marc | Tokyo
Cette histoire est celle de mon premier amour | Arnaud | Un soir de grève (l'intégrale) | JEAN -1 | Kamel