Premier épisode
2 | Hôtel clandestin
Deux hommes assis sur un sofa dans une chambre d’hôtel parisien. Ils n’ont même pas enclenché la TV, ce qui aurait justifié qu’ils soient côte à côte. Mais peut-être ont-ils des choses passionnantes à se raconter ? Mais tout s’envole. Plus d’architecture ni de musique, même pas le souvenir de leur vie d’hétéros de la bonne société. Ils sont dans le stress de l’inattendu, peut-être de l’inespéré.
Pour détendre l’atmosphère, Jean-Marc, dans l’élégance de son short blanc me dit d’une voix un peu rauque, enjouée mais fausse : « Mets-toi à l’aise ». Comment se met-on à l’aise quand on porte un pantalon beige et un polo bleu ciel ? On ôte l’un des deux ? Jean-Marc saisit mon embarras. Il ne m’a pas demandé de me dévêtir, mais juste de me sentir relax. Facile à dire, nous sommes hypertendus, moi avec le souffle court, lui avec une cambrure particulière sur son short. Je m’accroche à mon whisky que j’avale machinalement. « Tu en reveux ? » - « C’est toi que je veux » : ça m’a giclé de la bouche sans préméditation.
Enfin, on se regarde pour de vrai, si proches, avec le sentiment d’avoir besoin de partager nos corps, et donc nos fluides. Jean-Marc me donne une caresse sur la nuque et s’approche de ma joue. Il m’a donné un bisou, plus fraternel que sensuel. Impossible d’en rester là. J’avance ma main sur sa cuisse et la fait remonter sur le short, doucement jusqu’à l’entre-jambe, sans aucune pression. J’ose dire dans un murmure « Je verrai comment elle est ». En réalité, c’est tout lui que je veux serrer contre mon corps. Dans toutes les années de ma vie je n’ai jamais ressenti un appel aussi puissant, même pas aux meilleures heures avec ma femme. Avec elle on s’embrassait. Vais-je dire que ma langue ce soir n’est pas destinée à la bouche de Jean-Marc ? Les prétendus hétéros n’embrassent pas. Mais il y a d’autres infinis à explorer.
J’adopte l’expression de Jean-Marc : « Je me mets à l’aise ». Il me reverse une rasade de whisky pendant que je décroche ma ceinture, puis il me regarde tout droit dans une sorte d’impatience à découvrir la couleur de mon sous-vêtement. Je porte un aussiebum jaune canari, avec une ceinture à bordures rouges. Pourquoi ai-je fait ce choix sous-vestimentaire ridicule, alors que d’ordinaire personne ne le voit ? Jean-Marc ne peut s’empêcher d’y plaquer sa main et de sentir l’effet qu’il me produit. Alors, avec une certaine frénésie, on se découvre mutuellement, complétement. On a le souffle coupé à admirer nos nudités. Nous sommes de beaux mâles.
« Sous la douche ensemble », c’est un fantasme classique, mais en l’occurrence on veut partir à la découverte de nos odeurs viriles naturelles sans les poussières du jour. On se frotte mutuellement, avec douceur, on s’étonne de notre connivence, on se déclare mutuellement cleans. Nous n’avons jamais pris de risques barebacks. On va donc tout se permettre et s’accorder.
Dans le ruissèlement de la douche, je m’abaisse de sa poitrine jusqu’à hauteur de son pubis. Ce qu’elle est fière cette verge presque verticale. Je contemple ce cœur du mâle qui pulse appuyé sur deux glandes que je soupèse. J’ouvre ma bouche avec dans les yeux la totale envie de saisir cette chair. Pour la première fois de ma vie, je ne taille pas une pipe mais j’honore le sexe de mon ami avec une sorte de respect terrifié. Je me relève brusquement en chuchotant : « Jean-Marc allons sur ton lit ».
On bâcle l’essuyage, dans l’urgence de gagner la couche, un lit pour deux, pour coucher, on s’effondre. Jean-Marc s’efforce d’approcher mon sexe. Jaloux d’en faire autant, je me retrouve en position dite si agréablement de 69. De sa fine barbe, il a caressé ma verge avant de l’approcher par ses lèvres. De mon côté, je suis en position de voir son anus. Un prof de latin d’autrefois aimait appeler ses élèves par leur prénom latin. Pour moi : Alanus. J’ai souvent traduit par le mystère qu’il y a à aller voir « à l’anus ». Maintenant, j’y suis totalement, dans une lumière qui rosit la rosette. Je glisse un peu mes épaules pour pousser ma langue vers ce trou mystérieux. Sait-il ce qui l’attend et ce qu’il attend ? Sans doute car ma langue crée des soupirs comme si je composais une partition de jouissance. Entretemps il a fait mûrir ma verge pour qu’elle lui donne un autre bonheur.
Maintenant sur le dos, il a relevé ses cuisses pour que mon serpent amoureux trouve un orifice bien chaud. Il s’y loge avec une scandaleuse facilité. Comme tous les amants, on en arrive à être soudés. Soudés par une zone de contact somme toute minime : quelques centimètres de chair intime dans le conduit qu’il m’offre, mais par là tous nos corps irradient. L’ai-je si bien pénétré que son plaisir grimpe à travers sa prostate, inexorablement ! Il veut que je laisse ma trace en lui. Oui, ce sera inévitable, le moindre mouvement nous met en point de non-retour. Les spasmes dont je suis saisi déclenchent chez lui l’éjaculation. Nous sommes hébétés devant notre jouissance commune venue aussi vite que chez des garçons nouvellement pubères.
On s’affaisse côte à côte, je fais des dessins imaginaires avec la semence sur son torse pendant qu’il me caresse l’intérieur de la cuisse. L’appel à la jouissance renouvelée s’en vient. Nous sommes pour l’égalité des sexes et des verges. La sienne a aussi droit à s’épanouir dans une loge confinée. Je lui offre la mienne et l’invite à l’explorer, mieux à la perforer. Car déjà son membre a durci dangereusement. « Viens Jean-Marc » - « Merci Alain ». Avec une infinie douceur, il s’approche, frappe à la porte et la pousse. Le voici chez lui pour tous les saccages. Ses mouvements de va et vient d’une violence inattendue font se rassembler en lui tout le sperme possible. Je souffle « Laisse-le-moi ». Quand je sens sa semence chaude se déverser en flots successifs, je tressaille et sens qu’il me faut encore offrir quelque chose : « Veux-tu que j’inonde ton visage ? ». Je n’ai jamais fait cela, mais c’est une sorte d’évidence. Je me place et je zèbre ses joues puis embrasse ses yeux et sa bouche.
Nous sommes comme ces guerriers aborigènes qui s’enduisent de fluides mystérieux avant de partir au combat et de gagner. Nous restons ainsi, un peu collés l’un à l’autre. Notre victoire est totale. Nous avons le reste de la nuit pour savoir ce que nous ferons à l’aube.
Alanus
cori745@yahoo.fr
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