Premier épisode | Épisode précédent
3 | Sauna
Nu, je m’éveille avec une étrange sensation : il y a une main entre mes cuisses mais ce n’est pas la mienne. Jean-Marc a dû instinctivement se rassurer sur nos mutuelles existences en tendant sa main vers nos centres vitaux. Déjà bien formé, mon organe prend de l’ampleur, et j’espère qu’il va grossir au point d’éveiller mon concubin. Oui, il ouvre les yeux et se place d’emblée sur moi pour trouver ma bouche. Nous décidons de boire nos semences sous la douche.
Nous y sommes, l’eau ajoutant une caresse à celles que nous nous donnons : à tour de rôle nos bouches explorent le cou, le cul, la poitrine, la pine, les tétons, les roustons. Aïe c’est fanatique, frénétique, fantastique. Tandis que nos quatre mains balaient tout ce qui peut être réceptacle de jouissance, nos bouches, l’une après l’autre, font déborder la semence, hélas vite balayée par l’eau qui veut tout effacer. Mais nous en voulons davantage. Peut-on comme deux bourges nous rendre au petit déjeuner, prendre quelques toasts et nous saluer poliment ?
Le réel reprend pourtant le dessus sur le rêve éveillé. Jean-Marc a une dernière réunion à 10h30 et moi je devrais prendre le train pour Grenoble, Gare de Lyon, à 9h57. Cet engrenage n’est pas possible. Je vais m’habiller, en remettant d’abord mon slip d’hier, puis j’irai discrètement acheter le journal et je reviens pour mon rendez-vous avec Monsieur Jean-Marc avec qui je prendrai le petit déjeuner. Ainsi fait : tu prépares ta valise et je te rejoins à la salle à manger.
Il y est. Mi coquin, mi hypocrite, je m’approche et lui tends la main « Bonjour Monsieur ». Il s’en amuse, avant de passer aux choses sérieuses. Non, je ne prendrai pas mon train. Je laisse chez moi un message sur le répondeur pour annoncer une réunion supplémentaire. Pour la sienne, Jean-Marc n’y coupe pas, mais il va se libérer pour 13 heures. J’aurai tout le temps de déposer mes bagages Gare de Lyon. Et quand on se retrouvera – le besoin en est impérieux - on ne va pas fréquenter les parcs ou les sexshops, ni reprendre un hôtel de baise, même gay friendly. On discute d’un sauna. On ne pratique pas les mêmes. On convient de celui du Faubourg Montmartre. Le premier qui s’y trouve attend l’autre dans une alcôve.
Je suis le premier, à jeun en tout. Seul, en ce début d’après-midi, après une douche rapide et discrète, je trouve rapidement à me loger, la porte ouverte. Les yeux mi-clos, je sens une main qui explore ma peau sous ma serviette. Qu’il est beau ce garçon, et quelle surprise pour lui de me voir le repousser. Je referme les yeux, en me laissant saisir par l’inquiétude. Et s’il ne venait pas ? Une autre main s’en vient. Cette fois, c’est un sexagénaire plutôt sexygénaire. Je lui souris et soupire « Navré, j’attends mon ami ». Il rebrousse chemin, en laissant la porte grande ouverte. De longues minutes passent encore, et soudain je capte un revers de main sur ma joue et sur ma bouche. Jean-Marc repousse la porte pour que l’intimité nous autorise de nouveaux bonheurs. On est assis, côte à côte, avec une caractéristique virile inexorable. On n’a rien à se raconter, sinon à se goûter à tour de rôle. Puis les yeux dans les yeux, nous nous masturbons doucement, surveillant les inflexions du visage pour parvenir à jouir ensemble. Le plaisir inondant de Jean-Marc déclenche le mien.
Il est temps de reprendre des forces. Le bar nous accueille, avec nos confidences jamais dites à qui que ce soit. J’ai le sentiment qu’on nous voit comme des amoureux. Le sommes-nous, ou seule la joie sauvage de l’orgasme nous a-t-elle rendus complices ? On décide de montrer cette proximité dans le jacuzzi. Nous y sommes installés tout proches, grâce à un espace que laissent libres les autres convives. Mais ils n’auront pas droit à un dessert de notre part. A l’air libre, en surface, nous nous jetons sur nos bouches, tandis que sous l’eau sa cuisse chevauche la mienne. Il nous faut retrouver une alcôve pour les deux bonnes heures que nous laissent nos train.
Mais tous les logements de l’amour à deux ou trois sont occupés à cette heure. On entre alors dans la salle vidéo qui débite en série les sucées et enfilades. Nous n’avons rien prémédité, mais Jean-Marc se place au fond à gauche, et je m’assieds à l’avant à droite. Quelques juniors et séniors manœuvrent plus ou moins discrètement sous leur pagne. Je vois qu’un assez beau garçon s’approche de mon amant, mais Jean-Marc passe s’avance ostensiblement d’un rang. A cause d’un voisin un peu lourd, je reculte à mon tour. Au gré des tentatives et même des obscénités de nos voisins, nous gagnons petit à petit le centre, jusqu’à nous trouver côte à côte. Peut-être les uns comprennent-ils notre jeu, et leur difficulté à nous capturer. Je ne sais pas si la passion ou l’impudeur nous guident, mais nous devenons très directs au regard de tous. Sa verge est dressée pour ma bouche. Plus personne ne regarde l’écran où pourtant ça bande de partout. Sur ces misérables sièges, j’ai l’impression qu’il y a de moins en moins de places. On fait salle comble : il y a les voyeurs, mais d’autres – provoqués par notre zèle - s’enhardissent à former des couples destinés à jouir. Quant à nous, de toutes nos mains, verges et bouches, nous durons pour faire durer le plaisir, et non parce que la perspective d’une cinquième jouissance mutuelle en moins de 24 heures retarderait une nouvelle finale orgasmique.
A l’oreille Jean-Marc me dit : « Tu veux finir ici ? » - « Comme tu veux, je suis prêt à te pénétrer sur ces marches, malgré mon peu d’habitude à l’exhibition ». - « Alors viens plutôt dans une cabine, on la trouvera puisqu’on a deux petites heures devant nous ». Et nous trouvons à quelques pas une belle couche, encore propre bien qu’elle a dû faire le bonheur d’autres mâles. Ce qui s’y passera, c’est comme dans tant d’histoires de ce site, lorsque deux mecs se câlinent, s’embrochent ou s’enfourchent. Les détails ne comptent pas : le nombre de doigts, la longueur des verges, l’ampleur des saccades. Ce fut doux et violent, sauvage et amoureux, et comme sans fin.
Tu vas prendre le 18h47 pour Bordeaux. On a juste le temps de nous rendre à la Gare Montparnasse. Je partirai moins d’une heure plus tard de la Gare de Lyon. Au vestiaire, tu observes avec un sourire mon slip Calvin Klein. Donc je vais t’accompagner jusqu’à ton train. En ces heures de fins de labeur, il y a foule. Le temps de récupérer tes bagages et on se fraie le passage jusqu’au quai. Le train va partir dans trois minutes. Le temps de repérer ta voiture et c’est l’heure de se quitter. Un moment qui me secoue. Près de la porte du train, je t’embrasse. Non je te donne un baiser sur les lèvres. 5 à 7 secondes, il n’en faut pas plus pour que puisses t’infiltrer dans ma bouche. C’est vraiment la première fois que j’aurai été baisé ainsi par un homme, et en public. Le temps presse. Tu dis merci, et je vois tes yeux humides.
Je te sais bien monté. Mais là tu es tragiquement monté, et le train claque ses portes. J’ai un hoquet, et comme une madeleine, je chiale. Un peu hébété, je prends mon métro. A peine entré, une rage me prend, désespérée, incommensurable : on s’est tout dit, nos jobs, Bordeaux et Grenoble, nos passions, notre double vie, nos préférences qui sont si proches. Tout, tout sauf nos numéros de portable. L’as-tu fait exprès ? Est-ce que j’ai disjoncté ? On s’était dit hier soir qu’on avait encore des occasions dans l’année de nous revoir à Paris, et même de forcer les dates de réunions professionnelles… Après avoir fait au sauna le plaisir des mateurs, on s’est comportés comme des amateurs. Je me suis promis d’écrire à Cyrillo. Parmi tant de récits, tu me reconnaîtras entre tous.
Alanus
cori745@yahoo.fr
Autres histoires de l'auteur :