A 63 ans, marié à une femme que j’aime, j’ai passé l’âge d’aller draguer les beaux mecs dans la forêt, me direz-vous ? Oui, mais voilà : j’ai encore besoin de ces escapades amoureuses et j’ai la chance de continuer à séduire, bien entretenu par une pratique sportive assidue.
Je vous livre donc ma dernière expérience, vécue à la faveur d’un entraînement de course à pied dans ce coin de forêt, au centre de la France, où la communauté gay et bi a pris l’habitude de se retrouver, depuis des décennies.
En mai, fais ce qu’il te plaît ! Certes, je suis parti courir un peu tard, mais avec l’heure d’été, je ne risque pas d’être pris par la nuit. En outre, l’endroit est mieux fréquenté en début de soirée, quand les actifs rentrent du travail.
Me voilà donc parti pour une petite boucle d’une heure qui me permet de passer à deux reprises par un parking où j’effectue mes repérages. Et là, bingo ! Adossé à son véhicule utilitaire, immatriculé en 69, cela ne s’invente pas… se tient un bel homme au regard envoûtant. Grand et mince, la cinquantaine, des cheveux poivre et sel… et surtout des yeux bleus qui illuminent son visage. Mais en bon marathonien, je m’interdis d’interrompre mon entraînement. Et j’espère que l’objet de mon désir sera encore là quand j’en aurai fini…
C’est mon jour de chance. Celui qui pourrait être un artisan n’a pas bougé de place quand je reviens vers lui, en voiture, après un brin de toilette et un changement de tee-shirt. Pour ne pas le mettre mal à l’aise, je décide de stationner un peu plus loin, lui permettant de me rejoindre, s’il le souhaite. Je n’impose pas aux autres ce que je n’apprécie pas, notamment les approches expéditives, voire agressives. Un peu de délicatesse ne nuit pas à la virilité de nos échanges, messieurs ! C’est gagné : il s’approche ; puis, le précédant de quelques mètres, je le guide vers une zone à l’abri des regards indiscrets, surtout à cette saison très verdoyante.
La prise de contact est timide : on s’échange nos prénoms, c’est déjà cela. Éric (un pseudo, pour vous) me semble stressé, car peut-être pressé de rentrer à la maison où Madame l’attend. Comme je le comprends ! Je décide donc de prendre les choses en main en ouvrant son jean et son boxer. Et là, je libère un sexe élégant, à l’image de l’homme, ouvert à ma première fellation.
Le soleil décline un peu dans le ciel, mais une douce chaleur caresse nos corps désormais dénudés. Je me relève progressivement, ma langue s’attarde dans les poils de son torse. Puis je découvre un discret bijou, à son oreille droite, en parfaite harmonie avec son charmant visage. Suivent une série de petits bisous échangés sur nos lèvres. Nous sommes comme deux ados débutants qui n’osent pas tenter le baiser amoureux. Mais je ne vais pas forcer le passage, ce n’est ni mon style ni mon intérêt.
C’est alors qu’Éric m’invite à explorer son côté face : une bonne surprise pour moi qui le croyais exclusivement actif. Toutefois, à défaut de préservatif et de gel, nous devrons nous satisfaire de tendres préliminaires. Je ne sais pas pour vous, moi souvent, quand j’oublie mon matériel de protection, sur les lieux de drague, c’est là que je fais les meilleures rencontres…
Peu importe cet aléa : Éric et moi vivons un grand moment de complicité. Mon amant, plus détendu, s’abandonne à un second plaisir buccal, jusqu’à l’orgasme, avant de me gratifier délicatement en retour. Sur un sol plus hospitalier, nous aurions pu conclure, allongés, avec un « 69 ». Mais sans regret, nous regagnons le parking en évoquant nos valeurs partagées : la discrétion, l’hygiène, le respect, la bienveillance…
Tout va pour le mieux, quand je repense à mes lunettes déposées et oubliées au pied d’un arbuste, juste avant de passer à l’acte. Solidaire, Éric m’accompagne gentiment pour les chercher, malgré l’heure tardive : quelle classe ! Pour autant, la recherche est difficile, car tous les arbustes se ressemblent et nous n’avons bien sûr laissé aucune trace de notre passage, aucun mouchoir en papier souillé… Je commence à stresser sérieusement quand Éric pose enfin ses yeux sur mes lunettes.
Au moment de nous quitter, l’envie de nous revoir est réciproque. Mais dans la précipitation, nous n’échangeons pas nos coordonnées. Une fois de plus, je devrai m’en remettre au hasard. La discrétion est à ce prix.
Ainsi s’est achevée ma délicieuse rencontre avec les beaux yeux d’Éric.
J’apprécierais les retours de mes lecteurs bienveillants, bien sûr.
Patrick
edp.36@mailo.com
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