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Nous sommes jeudi. Je rentre à l'appart plus par obligation qu'autre chose. Il est tôt, mais mon humeur de chien combinée à une bonne journée de merde a eu raison de ma conscience professionnelle.
J'ouvre la porte et je me fige sur place quand je vois sa paire de Gazelle dans l'entrée.
- Kader ?
Il sort de la chambre comme pris sur le fait.
- J'suis désolé... j'pensais pas t'croiser à cette heure là...
- OK !
Je fais volteface, et voyant que je m'apprête à repartir, il accourt et me retient par le bras. Enfin il me touche...
- Arrête Cèd t'sais qu'c'est pas s'que j'voulais dire...
- C'est là que tu te plantes, je sais plus rien du tout !
Pris dans sa témérité il retire brusquement sa main. Il semble gêné. Je voudrais l'insulter et le frapper, mais le putain d'amour que j'ai pour lui me donne plus envie de le prendre dans mes bras qu'autre chose.
- J'ai bientôt fini...
- Fais ce que t'as à faire...
Je vais à la cuisine, je ne suis pas près d'arrêter de fumer...
Il me dit quelques minutes plus tard qu'il a terminé.
- Tu veux rester un peu ?
- Nan j'ai pas l'temps...
- Ah ouais... pas le temps pour moi ou pour juste être chez toi ?
Je m'avance vers lui et lui arrache son sac des mains.
- T'es chez toi Kad !! Alors maintenant tu vas arrêter tes putains de conneries !! et on va oublier tout ça c'est bon...
- Cédric s'te plait...
Mes mains enserrent sa taille et je me colle contre lui.
- Embrasse-moi Kad...
- Cèd... s'te plait...
- Je t'aime... Kader s'il te plait reste avec moi...
- Arrête bébé...
Je me rapproche encore et je réussis à toucher ses lèvres avec les miennes. Il hésite, puis en une seconde ses mains se fixent de chaque côté de mon visage, nos bouches se retrouvent, fiévreusement, nos souffles sont immédiatement courts, mes mains glissent sous son sweat pour enfin pouvoir apprécier sa peau, sa chaleur, sa force... Nos langues fêtent délicieusement leurs retrouvailles. On se bouffe littéralement la gueule. Puis il s'écarte et colle son front contre le mien.
- Je suis désolé bébé on peut pas faire ça...
- Arrête maintenant Kad... embrasse-moi...
J'ai beau frotter mon corps contre le sien, sentir sa queue raide dans son fut, il reste inflexible.
- On va rendre les choses encore plus difficiles Cèd arrête...
- " On " ??? " On va rendre les choses plus difficiles " ??? Moi je ne fais rien Kad ! C'est ton délire tout ça pas le mien !!
Aussi vite qu'il s'est allumé, le feu est soufflé en une seconde. Douche froide.
- Je dois y aller Cèd...
- Tu veux te casser ? Allez tiens !
Je ramasse son sac et le lui balance de toutes mes forces. Bien que plutôt lourd mon manque d'élan lui permet de le prendre au vol.
Il se tourne, et alors qu'il sort de la cuisine :
- Tes clés !!
Il tourne sa tête. Je remarque ses sourcils froncés.
- Balance tes clés !
- T'es sérieux là ?
- Ce soir tu pars avec tes affaires là ? Donc t'as plus rien à foutre ici !
Il se tourne vers moi. Les yeux noirs n'ont jamais été aussi terrifiants.
- T'es sérieux là Cédric ?
- Tu crois quoi ? Que tu vas jouer avec moi ? Tu veux que ce soit fini ? Tu veux que je t'oublie ? Qu'on passe à autre chose ? Très bien ! Alors on a plus aucune raison de se voir ! Alors tu me rends les clés tout de suite !!
Je le vois se mordre la lèvre inférieure, ses joues ont rosi. Puis il sort son trousseau de sa poche. Il atterrira avec force dans l'évier, non sans avoir flingué un carreau de ciment de la crédence au passage... le temps que je cherche du regard l'endroit où elles sont, je ne verrai que son dos et la porte se claquer.
C'est ouf comme le corps peut prendre conscience des choses avant même le cerveau. Ouais... ma tête est en black-out, le vide total, plus aucun signal, et pourtant mon corps tremble de partout, mon coeur bat à un rythme de dingue, il cogne comme un malade contre mes côtes, mes poumons travaillent beaucoup trop vite, mon visage est inondé de larmes, des sanglots pitoyables sortent de ma bouche que je ne peux même pas fermer, mon poing gauche se ferme, se serre, et mon bras le projette contre le mur.
Mon cerveau tentera de reprendre le contrôle quand mon corps vidé n'aura plus de force pour extérioriser quoi que ce soit. Cette fois j'ai bien conscience de la douleur de ma gorge paralysée par les sanglots, de mes yeux défoncés de trop chialer, bien conscience qu'au delà de tout ça c'est fini, que je vais devoir continuer sans lui. Les questions que cela fait naitre dans ma tête, la peur, la détresse, deviennent vite insupportables... l'avantage avec le cerveau, c'est qu'aussi incroyable et fascinant soit-il, il ne fera jamais le poids face à une bonne bouteille de vodka...
Un mois. Un mois sans nouvelles de Kader. Un mois que c'est " terminé ". Et pour fêter ça j'ai appris par son frère qu'il a retrouvé quelqu'un. Je lui donne des cours dans les matières où il galère. J'avoue avoir voulu tout arrêter quand ça s'est fini avec Kader, et j'avoue aussi avoir trouvé comme rassurant de continuer à avoir un lien avec lui, même indirect... Ali a eu beau me dire qu'il ne croyait pas que c'était sérieux, il n'en reste pas moins douloureux de savoir qu'un certain Jérémy à droit à tout ce que j'ai perdu, sans même savoir pourquoi, sans même avoir eu la possibilité de me battre pour le garder...
La recette de ce soir est simple : vodka, appli de rencontre, vodka, rencard dans la soirée, et surement une petite vodka pour la route. Je reçois un gars, un rebeu, parce que je me suis dit que c'est ce qui le ferait le plus chier. Le mec est pas mal, sûr de lui, et tout et tout. Ça ne fait pas 5 minutes qu'il est là que je m'emmerde déjà. Sans compter ce putain de sentiment de culpabilité qui me noue le ventre. Il veut qu'on aille dans la chambre, mais non, ce sera canapé, parce que j'ai trop l'impression que je peux pas faire ça dans " notre " lit... le gars est chaud, je suis le mouvement, mécaniquement, un peu absent, avec Kad en fond d'écran dans ma tête. Soit il le voit pas, soit il s'en branle. Il s'excite limite tout seul. Une pipe expresse plus tard, il essaie de me chauffer le cul. Je craque quand je sens qu'il essaie de me rentrer sa bite de merde.
- Nan nan on arrête laisse tomber.
Le keum se la joue caillera, à me dire qu'il n'y a pas moyen, que je l'ai chauffé et tout... sauf qu'il est trop abruti pour voir qu'il s'est chauffé seul tout. Je vrille au moment où il me sort un " tu vas me donner ton cul maintenant ". Bah non, mon cul je peux pas te le donner mon gars, parce qu'il appartient à un gros enfoiré de Kader qui me fait bien me sentir comme une grosse merde là alors que lui doit être en train de fourrer sa pute bien tranquille ! Cette réflexion personnelle et intérieure se traduit par une gauche dans son gros nez. Le gars n'en revient pas. Il est en teeshirt et chaussettes, il pisse le sang dans le salon d'un inconnu, alors que sa teub n'a même pas encore débandé. Un instant je veux continuer pour l'intimider et lui passer l'envie de se rebiffer, mais je mesure à quel point c'est moi le bâtard dans l'histoire, ce mec n'a rien demandé, et donc je me dispose à le laisser m'en coller une. Sauf que le mec se rhabille, peut-être craint-il un plan chelou ou tordu, il se tire rapidement en me traitant entre autres de malade.
Le temps que je vais passer à nettoyer le sang sur le parquet ciré va me permettre de bien culpabiliser, tout comme la douche où je vais me laver à 3 reprises pour être certain que l'odeur de ce mec ait bien disparue, et que le territoire de Kader reste inviolé.
Cedric-T