Premier épisode | Épisode précédent
Cette semaine était celle de la rentrée ; l'été touchait à sa fin, et depuis la dispute avec Thibaut, la vie avait repris son cours normalement.
Les choses allaient pourtant changer...
D'abord au boulot, mon patron voulait me voir :
- Sébastien, vous pouvez venir dans mon bureau ?
- Oui, monsieur.
- Installez-vous.
- Merci.
- Je vous ai fait venir, comme vous le savez, votre collègue Maria est en arrêt puisqu'elle est enceinte. Je voulais vous faire une proposition.
- Oui, je vous écoute, monsieur.
- Si vous êtes d'accord, j'aimerai vous proposer un temps complet, cela vous ferait 3 fois douze heures.
J'étais plutôt excité, je demandais alors :
- J'ai deux choses à vous demander avant d'accepter.
- Je vous écoute, mais vous êtes plutôt favorable à mon offre...
- Oui plutôt favorable. La première chose que je veux vous demander, c'est de pouvoir faire découvrir l'établissement à la personne qui partage ma vie. J'ai découvert son travail et il était convenu que j'en fasse autant, mais je n'ai jamais osé vous le demander jusqu'à présent.
- Vous avez eu tort Sébastien, soyez juste discrets, nous sommes un hôtel avec des clients.
- Merci monsieur, nous passerons inaperçus.
- Bien, et cette deuxième demande ?
- Monsieur, j'aimerais, si j'accepte votre proposition, j'aimerais ne pas travailler les 3 jours consécutifs, deux maximum.
- Alors Thibaut, l'un des avantages pour mes salariés ici, c'est que lorsqu'ils sont à temps plein, ils ne travaillent qu'un jour sur deux. Vous ne ferez plus de jours consécutifs, sauf cas vraiment exceptionnel, auquel cas, une prime vous est versée pour vous remercier.
- Alors, je dois signer où ?
- Je vous imprime les contrats, je vous les glisse dans votre casier, je dois partir tôt ce soir, mais vous les signez ce soir et les ramènerez demain, pour votre dernier jour de mi-temps.
- Merci Monsieur.
- Merci Sébastien pour votre engagement et votre sérieux. Longue route encore avec nous.
- Bonne soirée.
J'avais pris évidemment du retard sur mon travail, mais boosté par cette nouvelle, je comblai facilement mon retard. Un temps plein, en CDI évidement, Thibaut allait être content pour moi aussi. Je ne pouvais pas lui annoncer avant ce soir. Un temps plein, ça voulait dire aussi un salaire plus important, donc pouvoir réaliser des rêves. On n'était pas dans le besoin, mais réaliser des rêves a un prix.
En sortant de l'hôtel, je ne rentrais pas, ce soir avait lieu aussi la rentrée du groupe littéraire.
J'embrassais Thibaut, et sans lui parler de quoi que ce soit, je retrouvais la plupart des " vieux ", Henriette n'avait pas poursuivi l'aventure, mais des plus jeunes, bon, la quarantaine quand même étaient là.
Antoine présenta les nouveaux, et par petits groupes, nous nous mettions au travail, livre préféré, livre le moins aimé et pourquoi. Martine, j'étais à nouveau à sa table, avait adoré l'histoire le La fée Carabine de D. Pennac, mais n'avait pas aimé Au bonheur des dames de Zola puisque trop de pages se concentraient à n'être que de la description. Pour Pierre, le livre le moins apprécié était le même pour la même raison, tout comme moi. Il avait aimé Les vieilles de P. Gautier. Thibaut s'était mis avec nous et son livre préféré était celui que j'avais proposé, j'étais le seul à savoir que j'en étais l'initiateur. Il n'avait pas aimé le premier livre de l'année, parce que les romans " Harlequin " se sont pas réels. Le livre que j'avais préféré cette année était Le parfum de P. Süskind, le suivi d'un psychopathe meurtrier en quête d'odeur pour devenir unique.
Chacun inscrivait un livre de son choix, et l'année était presque repartie. Il ne restait qu'à prendre un livre choisi par Antoine pour commencer la semaine prochaine. On eût droit à L'élégance du Hérisson de M. Barbery que je venais d'inscrire pour la lecture de l'année... loupé !
Sur le chemin du retour, main dans la main avec Thibaut, il me dit :
- Tu sais, j'ai des choses à t'annoncer...
- Ah, et bien moi aussi...
- On n'est pas couché alors !
- Pas grave, je suis du soir demain, je dormirai demain matin.
- Pff, toujours les mêmes qui profitent des grasses mat'.
- Oh il va me la jouer jaloux... ?
- Oui, très jaloux...
Alors qu'on chahutait, on entendit quelqu'un appeler Thibaut.
- Excuse-moi, t'es bien le responsable de la salle de sport " Maxiform' " ?
- Oui, que puis-je pour vous ?
- Et lui c'est qui ?
- Vie privée, ça ne vous regarde pas.
- Ah oui... t'es gay en fait ?
- Vie privée je vous ai dit.
Il cracha, et ajouta :
- Sale gay, ta salle, j'y remettrai jamais les pieds, j'vais la faire fermer.
- ...
- Tu réponds rien sale gay ?
- Bonne soirée.
Et la simplicité du bonne nuit de Thibaut suffit au mec à rentrer chez lui.
Arrivé à l'appart, alors que Thibaut se détendait, je finis par dire :
- Sale gay et tu n'as rien dit ?
- J'ai tellement de joie à t'annoncer que je n'avais pas de temps à perdre avec un mec mécontent de son manque de motivation pour venir travailler à la salle.
- Ak ok...
- Bon, justement, ce que j'ai à t'annoncer, c'est en rapport avec la salle...
- Ah bon ?
- La fédération a statué sur la salle, et elle devient la salle officielle reconnue par la fédération pour l'entrainement en vue des concours. Cela fait des années que j'espère cette reconnaissance, et enfin, elle est là.
- Humm mon Thibaut, trop bien, tu vois, ton travail est reconnu, même si des idiots comme on vient de croiser ne le comprendront jamais.
- En effet. Et toi, qu'avais-tu donc à me dire ?
- Pour moi, les choses changent aussi. Regarde cette enveloppe, dedans, il y a mon nouveau contrat avec l'hôtel, j'ai enfin un temps plein.
- Non ?
- Si ! un 36 heures, et pas de journées consécutives, et si toutefois, ça venait à arriver, j'ai une prime pour compenser en partie. Trop bien non ?
- Grave ! On fêtera cela ce week-end.
- Oui, en attendant, il faudrait aller se coucher, sinon, demain, tu ne pourras pas aller soulever la fonte...
- Donc je resterais avec toi.
- Ah j'aimerai bien Thibaut, mais qu'en dira la fédération ?
- Oh le rabat-joie !!!!
- Embrasse-moi.
On se coucha.
- Thibaut, merci pour ce que tu as dit sur le livre que tu as le plus aimé l'an dernier. Le reste de leur vie, c'est moi qui l'avait inscrit.
- Tu aurais pu me le dire...
- Non, ton avis était honnête ainsi. Et toi, qu'avais-tu inscrit ?
- Un clafoutis aux tomates cerises ...
- Ah oui, je me souviens... l'histoire de cette vieille dame qui écrit son journal intime...
- Oui, c'est cela !
- Jolie histoire en effet.
- ...
- Tu dors ?
- Non... tu parles trop pour ça !
- Oui, mais je ne suis pas dans tes bras, alors...
Je n'ai pas pu finir ma phrase qu'il me plaquait contre lui.
Alors qu'on allait trinquer pour toutes les choses qui avançaient dans notre vie, l'interphone sonna. C'était Julie et Laurence.
- Salut les filles, comment allez-vous ?
- Bien et vous ? On arrive juste au bon moment... dit Julie.
- Oui, je vous sers quoi ? répondit Thibaut.
- De l'eau pour moi, fit Laurence.
- De l'eau, mais tu es malade ? lui demandai-je.
- Mon Séb, et toi aussi Thibaut, on est là, on a une super nouvelle à vous annoncer... je vais être maman !
J'embrassais mes meilleures amies, et demandai-je si elles avaient plus de détails...
Julie me dit :
- C'est pour avril, mais ne pose pas plus de question, il est trop tôt pour en savoir plus.
- Avril... dit Thibaut.
- Oui avril, redit Laurence.
Prenant la parole à mon tour, je leur annonçais ma promotion et la récompense de Thibaut pour la salle.
- Séb, on a un service à te demander...
- Ah, je me doutais qu'il y avait un loup là-dessous... Je vous écoute les filles.
- On va avoir besoin d'un parrain pour ce petit... tu veux bien faire ça pour lui ?
- Parrain... mais vous êtes folles... bien sûr que j'accepte !
On passa plusieurs heures ensemble.
On fit la grasse mat' dont Thibaut avait envie cette semaine, et moi je travaillais du soir.
En me rendant à l'hôtel sur une devanture de magasin, je vis cette affiche " Le 15 octobre, au palais des congrès, spectacle exceptionnel de Chantal Ladesou " ainsi que le numéro pour réserver ; j'appelais de suite. J'avais déjà surpris Thibaut regarder des sketchs en replay sur internet.
De retour du taf, Thibaut dormait et moi j'avais la pêche, impossible de dormir maintenant. Je me suis donc installé devant l'ordi, à naviguer de site en site pour finalement ne rien regarder. Lire, le livre à lire, je le connais déjà par coeur, l'histoire de cette concierge et de son chat...
Finalement, c'est Thibaut qui me réveilla sur le canapé lorsque son réveil sonna.
- Tu fais lit à part ?
- Bonjour mon coeur, tu dormais si bien et moi j'avais pas du tout sommeil, je n'ai pas voulu te déranger.
- Me déranger... style, le mec que j'aime me dérange !
- Tu n'as pas ronflé de la nuit...
- Ah bon ?
- Non, pas le moindre petit bruit.
- Ok... et tu dors avec l'ordi ??
- J'ai tué le temps avant d'être fatigué.
- Humm...
- Et au lieu de me chercher je ne sais quoi, viens plutôt m'embrasser.
Thibaut m'embrassa et je ne sais pour quelle raison, j'avais l'impression que les bonnes choses n'étaient pas terminées.
La journée se déroula tranquillement, je récupérais de ma nuit très courte. De retour de la salle, Thibaut rapporta le courrier.
Une lettre attira mon oeil, plus épaisse que les autres...
Je l'ai mise de côté, je me doutais de qu'elle contentait...
Mon téléphone se mit à sonner, et c'est Antoine qui m'appelait.
- Séb, c'est Antoine.
- Oui, tu vas bien ?
- Oui, et toi ?
- Oui aussi.
- Séb, écoute-moi, mais surtout, dans tes réponses, tu ne dis que oui ou non. T'as compris ?
- Oui.
- Alors Séb, voilà, tu sais pour Thibaut, et que ses efforts pour la salle ont été récompensés ?
- Oui.
- Le comité de la fédération viendra donc inaugurer la salle dans un mois.
- Oui ?
- Et j'aimerai que tu nous aides. On cherche un culturiste qui accepterai d'être là à l'inauguration.
- Oui... et ?
- Et il faut que tu fasses le maximum pour nous aider... on ne connait personne, dans ce milieu.
- Moi non plus...
- Ok, cherche et on se rappelle.
- Oui.
- Bonne soirée.
- Oui, au revoir.
Trouver un culturiste comme ça au pied levé, il en a de bonnes Antoine...
La soirée littéraire allait commencer et pour changer de partenaire, je me mis avec les nouveaux de la semaine dernière, Teddy et Carole. Echangeant quelques banalités au début, on en vint au livre ; Teddy commença :
- Quel savoureux roman que celui-ci ! J'ai passé un très bon moment. Renée est une concierge croustillante, la cinquantaine bien faite, qui tient un immeuble bourgeois néo-conservateur et se fait passer pour une inculte qui se gave de télé aux yeux de ses locataires, snobinards bon teint qui la considèrent comme un objet de fonction et non comme une personne. Or Renée est quelqu'un de très intelligent, de super cultivé qui pourrait en apprendre à tous ces hautains qui la méprisent et ignorent que son chat se prénomme Léon en hommage à Tolstoï et non pas à cause d'une pub télé.
- J'ai eu beaucoup de mal à rentrer dans le livre. Déjà l'histoire me paraît totalement ridicule et tirée par les cheveux : une concierge qui possède une culture énorme, une intelligence hors normes, et beaucoup de raffinement, fait tout pour que personne ne le sache et s'oblige à donner d'elle l'image de la concierge cliché. La nécessité de tromper son monde l'amène à des absurdités comme acheter deux téléviseurs et en laisser un allumé le son à fond sur des idioties tandis qu'elle regarde des grands chefs d'oeuvre du cinéma sur un autre poste dans une autre pièce ! Une explication tardive qui donne une raison à ce comportement incongru atténue quelque peu mon jugement sur l'absurdité de l'histoire, sans pour autant me convaincre totalement. L'auteure a choisi d'utiliser une langue digne d'un travail de recherche d'un professeur d'université pour la faire parler. Cela donne des phrases à rallonge bourrées de mots qu'on ne comprend pas et rend la lecture extrêmement fastidieuse ! Et je trouve que ça ne sert même pas vraiment le propos, enchaina Carole.
- Je trouve vos critiques justes à tous les deux, moi, mon avis est tout tranché, j'adore ce livre, j'aime le personnage de Renée, et au-delà des mots savants, le personnage est attachant. Je vous avouerai que j'ai choisi ce livre pour qu'on le lise cette année, mais Antoine m'a devancé.
Ayant retrouvé Thibaut et l'appartement, un moment de tendresse s'imposa, j'avais besoin de sentir mon homme, de toucher son corps, de l'avoir pour moi seul cette nuit.
Carolito
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