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Chapitre 12
La fin de la saison arrive malheureusement pour Matteo. Si le travail lui a permis d’oublier un peu le passé, il n’a pas vraiment réussi à économiser beaucoup d’argent, et il va maintenant se retourner encore à la rue.
Le dernier jour, son employeur vient le trouver.
- Tu cherches un nouveau job ? T’as l’air bosseur… Je connais quelqu’un dans le sud, un artisan qui prend parfois des jeunes en apprentissage. Il est d’origine italienne comme toi. Il cherche des jeunes, bosseurs et sans problème.
Matteo est surpris… il ne savait pas trop quoi penser de son employeur, mais ce dernier a l’air d’avoir apprécié son travail.
Matteo continue sa route vers le sud. Le paysage est moins plat… plus proche de la méditerranée, mais pas exactement sur la cote.
L’artisan habite dans une ville moyenne. Quand Matteo se présente, il est impressionné par l’homme en question : Dino. Très grand, très large, des mains comme des battoirs, rustre, il est surpris de la présence de la Matteo. Il se souvient à peine du coup de fil de recommandation qu’il a reçu.
Il est très sceptique en voyant :
- T’as quel âge ?
- 19 ans
- T’en parais 16 et t’es pas bien gros
- Je veux apprendre un métier. Je travaillerai dur.
Dino n’est pas convaincu. Il n’aime pas les jeunes venus de nulle part. Un délinquant ? Un drogué ? Mais il manque cruellement de mains d’œuvre. Les restaurations de maison dans la région se multiplient, avec tous ces bobos qui achètent loin de Paris. Mais surtout il se revoit au même âge, arrivé d’Italie sans le sou.
- Bon je te prends à l’essai. On voit ce que tu sais faire pendant une semaine. Pas de salaire, mais tu peux loger et manger ici avec moi, et 2 ou 3 autres apprentis que j’héberge ici. Et je te forme. Tu fais exactement comme je te dis. Pas de drogue ou de conneries, sinon je te fous à la porte direct. Compris ? Et ici on bosse dur, on est pas chez les pédés…
La dernière phrase lui glace le sang. Homophobe ? Ou juste une phrase en l’air d’un homme vieux, venu d’ailleurs, pour qui c’est juste une expression… Matteo ignore tout : de toutes les façons, il ne veut plus entendre parler d’homosexualité. Il est en mode rejet. Il ne veut qu’une chose : apprendre un métier. Il accepte donc les conditions.
La petite entreprise a une dizaine d’employés. Dino habite sur place, avec deux autres apprentis, d’une vingtaine d’années. Deux types sans histoires, venus de la région. L’entreprise restaure des maisons et fait un peu de tout : plomberie, toiture, menuiserie.
Le premier jour, alors qu’il s’apprête à démarrer sa journée et discute avec les deux autres apprentis, il aperçoit une fille, jeune, brune, belle, qui sort de la maison. Un des apprentis siffle, comme pour la draguer. Hautaine, la fille hausse les épaules, alors qu’elle se dirige vers son vélo. L’autre apprenti l’interpelle et lance avec un prétendu accent italien : « que bella ! ». Cette fois-ci c’est un doigt d’honneur qu’il reçoit en guise de réponse.
- Oh, elle est bien sauvage !
- C’est qui ?
- Maria, la fille du patron. Elle a tout juste 20 ans, mais c’est elle qui tient la caisse depuis que la mère est morte. Elle se prend pour une princesse, mais on la voit jamais avec un mec. Elle nous prend de haut. J’suis sûr que c’est une gouine
Matteo la trouve belle et mystérieuse.
La première journée de travail est intense et difficile. Dino est colérique, presque tyrannique. Matteo fait de son mieux dans les tâches les plus simples qu’on lui confie. Il regarde et apprend.
Le soir, tout le monde est attablé avec Dino, Maria et les deux autres apprentis. L’audience s’intéresse à Matteo le nouveau. Surtout Maria. Il se montre évasif sur son passé. Se contente de raconter qu’il aime le foot, ou bien ce qu’il aime en termes de musique ou de films.
Alors qu’il se rend dans sa chambre après diner, il croise Maria qui dort quelques chambres plus loin
- T’inquiète pas si mon père s’emporte de temps en temps. C’est juste son caractère. Il est comme ça avec tout le monde… enfin pas avec moi
Matteo rit
- Merci
- Dis-moi si tu as besoin de quoi que ce soit… tu m’as l’air un peu différent des autres… ça nous change
Matteo sourit, gêné de ce que cela peut sous-entendre.
Les jours suivants sont tout aussi intenses. Matteo fait de son mieux, mais il a l’impression de tout rater tant Dino est colérique et le reprend sans arrêt dans ce qu’il fait. D’un autre côté, il a l’air d’être comme ça avec tout le monde, comme le dit Maria.
Le soir après diner alors qu’il sort prendre l’air, Maria est là, elle fume une cigarette tranquillement.
- Tu fumes ?
- Non merci
- Pas trop dur le boulot ?
- Bof… tout est relatif
Maria le regarde, curieuse de ce que cela peut vouloir dire. Elle est intriguée par le mystère de Matteo.
- T’es pas très bavard, hein ? Pour un Italien…
Matteo hausse les épaules. Maria continue :
- Pas trop dur d’avoir grandi sans ta mère ?
- Je sais pas… au début non… mais maintenant je me dis qu’elle aurait peut-être apaisé les choses avec mon père
- Tu le vois plus, c’est ça ?
- Non… c’est un tyran
- Ah désolé… mon père est pas terrible non plus…
- Oui, mais il cogne pas… enfin j’espère
Maria tire sur sa cigarette.
- Je suis désolé… excuse moi
- Pas grave, il est loin maintenant
- Mon père lui il aboie mais il mord pas…. Ma mère me manque aussi… Je pense souvent à elle
Les jours qui suivent ils continuent leur petite routine et discutent tous les soirs, sans pour autant que Matteo ne délivre tous ses secrets.
Matteo apprécié la compagnie de Maria. Elle n’a pas sa langue dans sa poche. Elle est rebelle, mature, et tient à distance cette horde d’hommes autour d’elle. Les deux se trouvent des points communs. Deux esprits farouchement indépendants, travailleurs, latins.
A la fin de la semaine, Dino convoque Matteo. Ce dernier ne se fait pas trop d’illusion… il a peur d’être renvoyé, faute d’avoir fait des preuves. Il se voit déjà repartir dans les champs, ou en foyer, chercher une alternative. A sa grande surprise, Dino lui dit qu’il peut rester. Qu’il est content de lui. Il a encore tellement à apprendre, mais il est travailleur, et écoute ce qu’on lui dit.
Matteo est reconnaissant. Pour la première fois, on l’encourage. Dino est rustre, paternaliste, mais il lui donne sa chance. A lui de la saisir…
Quelques semaines passent, et une routine s’installe. Matteo apprend le métier doucement et se rapproche de plus en plus de Maria. Ils sortent ensemble le week end, au cinéma ou dans les bars de la ville. Matteo joue au foot avec les gens du coin.
Un samedi soir, alors que Matteo et Maria rentrent tard et marchent dans la rue, cette dernière se tourne vers lui.
- J’ai passé une bonne soirée, merci
- Moi aussi
Et mécaniquement, presque puérilement, elle dépose un baiser sur les lèvres de Matteo. Surprise... comment réagir ? Il aime bien Maria… mais ne l’aurait jamais embrassé spontanément. Que faire ? Matteo sourit et pousse, plus par curiosité que par l’envie, et plus par politesse que par désir, il embrasse Maria à son tour. Matteo ne veut pas réfléchir. Il se force un peu et enroule son bras contre l’épaule de Maria
Le soir dans son lit, les choses se bousculent dans sa tête. Une femme… Est-il attiré par elle ? En quelque sorte. Il l’aime bien. La trouve drôle, belle, séduisante. Il aime passer du temps avec elle. Il n’est jamais sorti avec une fille… et ne veut plus entendre parler d’homosexualité… alors peut-être… Les pensées s’accélèrent. Il se sent bien ici. Comme une famille… Oui, il aime Maria… alors après tout.
Les deux commencent alors à sortir ensemble officiellement. Un peu à la grande surprise de tout le monde. Les autres apprentis sont surpris, voire méfiants. Quel est donc se gringalet qui se tape la fille du patron, à peine arrivé.
Dino, lui, est partagé. Il est très protecteur de sa fille unique, mais il est soulagé de la voir enfin avec un garçon, qui plus est un apprenti qu’il estime. Il convoque Matteo un soir.
- Traite proprement ma fille… sinon ça ira mal. Compris ?
- Oui
Et il sort une boite de préservatifs
- Et surtout, tu la fous pas enceinte
Matteo tressaille et glisse la boite dans sa poche.
Quelques jours passent, et Matteo se sent heureux. Il aime sentir Maria à ses côtés, discuter et rire avec elle.
Elle finit par l’inviter dans sa chambre. C’est elle la plus entreprenante dans ses baisers et ses caresses. Elle prend Matteo par la main pour se faire caresser les seins. Celui-ci finit progressivement par se libérer.
- C’est ta première fois ?
- Oui, répond Matteo, gêné
Elle rit légèrement : « moi aussi »
Matteo se libre un peu. Les baisers et les caresses s’enchainent. Maria s’allonge sur le lit, jambes écartées. Matteo se glisse entre ses jambes et commence à la lécher. Elle gémit très fort aussitôt. Matteo est surpris par son pouvoir. A défaut d’être un plaisir, c’est un jeu amusant auquel il se prend. Maria mouille. Après un moment elle se redresse et veut sucer Matteo. Celui-ci bande un peu mou. Elle le branle un peu et le prend en bouche. Matteo ferme les yeux, Il se sent un peu mal, il ressent la pression de bander alors qu’il n’y arrive pas vraiment. Il se met à penser à Nicolas. Il ferme les yeux et se met à bander doucement.
Après un moment, Matteo sort les préservatifs. Il doit se branler énergiquement pour pouvoir en enfiler un. Il pénètre ensuite doucement Maria en missionnaire. Il ferme les yeux. Pense à Nicolas pour ne pas débander. La sensation sur sa queue est douce, différente de ce qu’il a ressenti auparavant. Maria lui caresse les fesses pour se faire mieux pénétrer. Matteo finit par accélérer, les yeux fermés il jouit en pensant au corps nu de Nicolas, la dernière fois qu’il l’a vu, dans sa chambre. Maria jouit presqu’en même temps.
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Après la pride, Nicolas se sent libéré d’un poids. Moins sauvage, ayant découvert le plaisir du sexe consenti, avec pour seul objectif le plaisir de l’un et de l’autre, il est beaucoup mieux dans ses baskets.
Il étudie sérieusement… et s’intéresse à nouveau aux autres garçons. Il s’inscrit sur des sites de rencontre… chaperonné par Dominique, qui tel un grand frère protecteur, lui prodigue des conseils. Celui-ci le sent encore fragile, et n’a pas envie de le voir souffrir. Il finit aussi par s’habituer à la présence de Nicolas chez lui. Il ne le gêne pas, ça ne lui coute qu’un peu de nourriture… mais aussi il s’est pris d’affection pour lui, et le voir petit à petit se reconstruire sous ses yeux le rend fier.
Dominique revoit Julien après la pride, et ils finissent par sortir officiellement ensemble.
Nicolas sort avec un deuxième garçon peu après. Une rencontre sur internet. Que cherche-t-il ? Quand on lui demande il ne le sait pas vraiment en fait… Une relation ? Un plan d’un soir ?... Il est évasif sur son profil.
Avec ce deuxième garçon, alors qu’ils font l’amour, les images de Matteo lui reviennent en tête, machinalement. Il n’arrive pas à les enlever… Il n’arrive pas à connecter avec son amant d’un soir.
Les semaines qui suivent, il cherche des garçons qui ressemblent à Matteo, instinctivement.
Il jette son dévolu sur celui qui ressemble le plus à son premier amour. Il ne parle pas beaucoup, ce qui surprend le garçon en question. Il charge le contact physique uniquement. Après des préliminaires où Nicolas lèche, embrasse, caresse, dévore littéralement le corps nu de son amant, il chevauche maintenant la queue de celui-ci. Il se déhanche, se branle, les yeux fermés, il imagine la queue de Matteo en lui. Il ignore complétement son partenaire. L’orgasme arrive, les yeux fermés, Nicolas gémit : « Matteo, Matteo oh oui ». Les jets de sperme sont impressionnants et viennent atterrir sur le visage de l’autre. Ce dernier est pris complétement par surprise. Il s’essuie le visage, pas vraiment fan de facial, et se dégage de Nicolas sans avoir joui.
Nicolas prend conscience de sa gaffe, de son empressement, il se sent mal. Son partenaire dont il a déjà oublié le prénom, part se rhabiller, furieux…
- Je sais pas à quoi tu joues… ou c’est quoi ton trip… mais visiblement, tu t’intéresses pas vraiment à moi
- Excuse-moi…
- Tu devrais voir un psy
Et sur ce, il part…
Nu sur le lit, Nicolas est perdu dans ses pensées. Il faut se rendre à l’évidence, il n’arrive pas à oublier Matteo. Maintenant qu’il est sorti de la spirale de la rue, il désire plus que tout le retrouver.
Il n’arrive pas dormir. En caleçon et t-shirt, il frappe doucement à la porte de la chambre de Dominique. Celui-ci est au lit en train de lire, Julien est à ses cotes, il pianote sur son smartphone
- Qu’est ce qui t’arrives ?
- J’arrive pas à dormir… je pense tout le temps à Matteo…
- Viens, approche
Tel un petit frère qui a besoin d’être consolé, Nicolas se glisse entre les deux. Il pose sa tête contre l’épaule de Dominique. Ce dernier lui caresse doucement les cheveux
- Pourquoi tu n’essaies pas de le retrouver ?
- Son numéro ne répond plus. Il n’a plus de profil sur les réseaux sociaux… et puis qui sait où il est et s’il s’intéresse encore à moi…
Nicolas serre plus fort Dominique. Julien est un peu agacé de le voir envahir leur intimité. Il jette un regard inquisiteur à Dominique. Ce dernier lui jette un regard qui veut dire : « soit cool, il en a vraiment besoin »
Nicolas finit par s’endormir entre ses deux grands frères.
Le lendemain, au petit-déjeuner, à trois, Julien prend la parole : « si vraiment tu cherches à retrouver Matteo, je peux peut-être t’aider, en passant quelques coups de fil, et en consultant quelques fichiers, je peux peut-être trouver sa trace. Ce n’est pas garanti, mais on peut essayer »
- Vraiment ? répond Dominique
- Oui, apparemment Nicolas en a besoin
Le visage de celui-ci s’illumine. L’espoir renait.
Sylvainerotic
sylvainerotic@yahoo.com
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