C'est la deuxième fois aujourd'hui que j'entre dans le parc Trianon, îlot de résistance tropicale que São Paulo, la bruyante et puante ruche, n'arrive pas à étrangler tout à fait. La première fois, ces garçons immobiles, tournant le dos aux allées qui serpentent dans cette curieuse fausse jungle, m'avaient fichu la trouille. Impossible, décidément, de s'identifier à ces types fixant le sol, figés comme statues de sel venant de jeter un dernier regard sur Sodome...
Puis l'envie a été la plus forte. Je suis retourné dans cette nef verte, sous la voûte des arbres étiquetés comme au musée, parmi les mecs prostrés et les couples d'hommes parlant en pensant visiblement à autre chose.
Et je l'ai aperçu, mince, jeune, métis, vêtu de blanc. Nos yeux se sont tutoyés brièvement, à dix mètres. Mon coeur a eu un léger sursaut. J'ai continué à marcher. J'ai senti son regard accompagner ma trajectoire. Du bout de mon champ de vision, je pouvais capter sa silhouette qui me suivait à distance. J'ai bifurqué sur la passerelle qui franchit l'Alameda Santos vers la deuxième section du parc, plus loin de la Paulista, où le battement de la ville est plus étouffé. Je me suis assis sur un banc, au bord d'une sorte de petite clairière. Il a bientôt débouché de la passerelle, et sans me perdre de vue, a choisi un banc en face du mien.
Échange de regards appuyés. Nouveau sursaut du coeur. Je me suis levé, j'ai traversé la clairière et me suis assis à côté de lui. C'est bête à dire : c'est la première fois que je drague comme ça...
- Hello ! Good afternoon...
- Buenos dias !
Ça commençait mal... Il ne parle pas anglais, mais comme il a vu que j'étais étranger, il m'a répondu en espagnol. Malheureusement, je ne connais pas assez d'espagnol, et pas encore le portugais. J'essaie l'allemand. Nein. Ne me reste plus que l'italien, que je pratique un peu. Grâce à la fraternité latine, nous arrivons à échanger quelques informations : il a vingt-cinq ans, se dit acteur et étudiant ; j'en ai nettement plus, et je suis ici pour affaires pour quelques mois.
Pas très beau, Eduardo, mais très sympa. Bavard. Bien qu'il acquiesce sans aucune hésitation à me suivre vers ma résidence-hôtel, pas pute. On y va en bavardant, sans précipitation. Pas du genre " vite, vite, je bande, allons tirer un coup ! ".
Cela dit, il faut reconnaître que je bande et que j'ai envie de tirer un coup. Nous passons à la pharmacie. Il commande sans aucune gêne apparente des capotes et du gel lubrifiant.
Nous sommes très sages jusqu'à la réception de la résidence et dans l'ascenseur. Une fois la porte de mon appartement fermée, je prends son visage entre mes mains, je caresse le casque crépu, la nuque, je l'enlace fort et lui donne mon premier baiser. French kiss fougueux. Premier contact électrique avec la langue brésilienne. Je dégage le t-shirt du jean et je caresse le dos nu, la poitrine glabre et réactive, le ventre plat, frémissant. Puis zzzip Exploration de la forme tiède et raide, au-dessus du slip ; moite et dure lorsque cette barrière s'abaisse.
Tout à ce que je fais, je ne sais pas trop ce qu'il me fait. Mais langues, mains, doigts et peaux s'affolent. Les vêtements abandonnés au sol marquent le chemin jusqu'au canapé. Le Petit Poucet n'a plus qu'à suivre. C'est divin. Je m'agenouille. J'ai envie de le rendre heureux. Je me montre excellent à l'oral, et même carrément lèche-cul pour être sûr d'être reçu... Mais, pour ce premier jour, le feu d'artifice se tirera à l'extérieur. Encore plusieurs étapes jusqu'à la fusion complète. Nous avons tout le temps.
J'ai même eu celui d'apprendre, en plus, le portugais du Brésil.
Obrigado, querido !
Jako
jakolarime@neuf.fr
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