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Le clandestin

À la mémoire de Roberto

- Nous pourrions en prendre un, nous... Qu'en penses-tu, Roby ?
- Hein ?... Prendre un quoi ?...

Je tombais de la lune... La famille réunie commentait avec fièvre ce qui se disait à la télévision régionale. Mais moi, j'avais décroché depuis longtemps.
- Tu dors, ou quoi ? reprit ma mère. C'est cette association humanitaire... Ils veulent éviter à une vingtaine de pauvres bougres sans papiers d'être renvoyés chez eux. Il suffit de leur proposer un contrat de travail et un logement pour un an, et ils sont régularisés...
- Et alors ?...

Décidément, je n'arrivais toujours pas à percuter... Ma mère semblait navrée que son fils aîné (et préféré, je crois bien) s'intéresse si peu aux oeuvres de charité chrétienne de la famille.
- ... Et alors, enchaîna mon père, un peu irrité, c'est une occasion pour trouver quelqu'un qui s'occupe du jardin, et qui aide ta mère à tenir la maison, tout en rendant service...
- Et où comptez-vous le mettre, ce... clandestin ?
- D'abord, dit ma mère, si nous en prenons un, il ne sera plus clandestin puisque c'est la condition pour qu'il obtienne un permis de séjour en bonne et due forme. Pour le logement, nous pourrons lui donner la chambre mansardée que nous avions préparée pour cette jeune Anglaise au pair, qui n'est jamais venue, d'ailleurs...

C'était un souvenir assez pénible... La fille en question avait brusquement changé d'avis quinze jours avant de débarquer chez nous, alors que ma mère s'était donné beaucoup de mal pour aménager cette pièce sous les toits, au troisième étage de la maison. L'association qui devait organiser ce séjour s'était révélée peu sérieuse, et ma mère avait renoncé provisoirement à cette occasion de faire progresser la maisonnée dans sa connaissance de la langue de Shakespeare... Ma mère continua :
- Évidemment, il n'y a qu'un lavabo, il n'aura pas de salle de bains... Mais je suis sûr que tu pourras lui prêter la tienne de temps en temps, Roby, s'il veut prendre une douche ou un bain...
- Et puis, faute de Shakespeare, nous nous familiariserons avec Cervantès, ajoutai-je perfidement.

Ça ne m'enchantait pas vraiment... J'avais le privilège d'avoir une salle de bain à moi, c'était mon domaine particulier et intime, et je ne tenais pas à ce qu'un étranger vienne farfouiller dans mes affaires. D'autant plus qu'il y avait là certains accessoires d'usage très personnel qui n'étaient pas destinés à tomber entre n'importe quelles mains... À moins que... Finalement, je décidai de ne pas faire trop mauvaise figure à cette demande.
- Mmouais, j'espère qu'il n'en abusera pas... Fis-je avec une moue peu engageante.

Deux jours plus tard, Carlos débarquait à la maison. Vu de loin, on lui aurait donné dix-huit ans à peine... Il était de petite taille, frêle, et se déplaçait avec embarras. Une maigre valise en carton cabossée dans une main, un grand sac en plastique aux couleurs d'un hypermarché dans l'autre, il avança timidement vers le milieu du salon où était réunie la famille. Il posa sa valise doucement, et prit avec humilité la main que lui tendait mon père en lui souhaitant la bienvenue. Tandis qu'il saluait la famille, je regardai son visage plus attentivement. Outre sa peau dorée de métis, je remarquai tout de suite ses yeux immenses en amande, bordés de cils épais d'un noir aussi intense que celui de ses cheveux courts. Ses lèvres charnues et sensuelles, et l'harmonie générale de ses traits me firent courir un frisson tout au long de la colonne vertébrale... Malgré un aspect général juvénile, la gravité qui se dégageait de sa physionomie, fruit d'une existence sans doute difficile, lui donnait bien les vingt-deux ans qu'annonçait sa fiche signalétique.

En me donnant la main, il plongea son regard fascinant dans le mien, et je crus voir s'esquisser un sourire qui déclencha une deuxième vague d'alarme dans mon épine dorsale.

Carlos était Colombien. Il s'était fait embarquer comme homme de soute sur un cargo, à Barranquilla, puis avait profité d'une escale à Naples pour s'échapper. Il comptait travailler en Italie quelque temps pour aider sa famille, qui vivait misérablement dans les faubourgs de Bogota. Mais, après avoir trouvé quelques petits emplois occasionnels dans diverses villes d'Italie, il s'était fait prendre par les carabinieri tandis qu'il dormait à la belle étoile dans l'arrière-cour d'un immeuble abandonné des environs de Vérone. Il aurait été expulsé vers son pays si une association de secours aux sans-papiers ne s'était opportunément occupée de son cas.

Il était d'une discrétion exemplaire. J'étais même gêné des marques de respect excessives qu'il manifestait à chacun des membres de la famille, et même à notre petit chien... On n'aurait sans doute jamais entendu le son de sa voix si je ne m'étais employé à parler avec lui, de temps en temps, en espagnol.

La seule chose qui le fît un peu sortir de sa réserve, c'était lorsque je me mettais au piano, dans ma salle de musique, où je travaillais plusieurs heures par jour. Un matin, pour rompre la tension que j'avais accumulée à travailler une partition difficile pour un concert prochain, je m'étais accordé, à titre de récréation, le plaisir de jouer mon prélude préféré de Chopin. J'y mettais tout mon coeur, et m'immergeais dans le pur plaisir musical de ce morceau, que je possédais si bien, et que je pouvais exécuter hors de toute contrainte technique. Il était, selon son habitude de discrétion, entré sans bruit, mais je l'avais vu dans le miroir placé sur le piano. Appuyé sur le dossier d'une chaise, la bouche entr'ouverte, les yeux brillants, il écoutait avec une intensité extraordinaire les flots mélodiques qui naissaient sous mes mains. La présence d'un auditeur si attentif galvanisait mon ardeur, et il me venait des trouvailles nouvelles d'interprétation qui décuplaient mon enthousiasme et ma communion avec l'oeuvre.

Après les dernières vibrations de l'accord final, je pivotai sur mon tabouret et le regardai sans rien dire. Des larmes avaient coulé de ses grands yeux. Il semblait si ému qu'il n'eut même pas son réflexe habituel de s'excuser. Je me levai lentement, et entourant ses épaules de mon bras, lui demandai :
- Tu aimes tellement la musique, Carlos ?
- Oh oui ! Merci, monsieur Roberto...

Il avait prononcé ces mots avec tant d'émotion que je me sentis fondre à mon tour. Sans même y réfléchir, je posai ma bouche sur ses lèvres mi-closes, et me mis à caresser ses cheveux et sa nuque. Tandis que, pour mon bonheur, il répondait pleinement à mon baiser, prêtant sa langue au jeu de la mienne, je sentis sa main passer sur mon dos, s'égarer sur mes fesses, et appuyer fortement pour rapprocher nos corps.
Dans la folie des étreintes brûlantes qui se succédèrent, j'entraînai Carlos sur le sofa. Je savais la maison vide, fort heureusement, et je pouvais sans crainte aller au bout de mon désir. Je déboutonnai sa chemise, qu'il portait sans aucun sous-vêtement. Sa bouche toujours active sur la mienne, il s'affairait à déboucler ma ceinture et à baisser ensemble mon pantalon et mon slip. Je lui rendis le même service, et nos deux sexes, érigés et luisants, purent se rencontrer sans entrave, dans le frottement rythmique de nos pubis endiablés.

Carlos se débarrassa complètement du pantalon qui entravait ses jambes, et je fis de même. Totalement nu, il s'agenouilla devant moi, et prit mon sexe dans sa bouche. Je gémis de plaisir, et entamai un large va-et-vient, enserrant sa tête entre mes mains. Il pétrissait mes fesses et mes cuisses, m'obligeant à les écarter, et caressait mes couilles. Le plaisir qui montait en moi, me faisant gémir sans contrôle, devint irrépressible. Carlos le sentait, qui accompagnait d'un grognement sourd la mélopée délirante qui s'échappait de mes lèvres. Je sentis sa main s'insérer entre mes fesses, un doigt s'insinuer dans mon intimité embrasée. Puis ce fut la délivrance : un orgasme libérateur projeta, en puissants jets spasmodiques, ma semence dans sa bouche avide...

Il se releva lentement, et nos corps, frissonnant encore, se soudèrent longuement alors que nous continuions nos caresses. Il murmura à mon oreille :
- Allons prendre une douche.

Nous ramassâmes nos vêtements éparpillés sur le sol, et nous dirigeâmes vers ma salle de bain.

Sous la douche bienfaisante, nos ablutions fournissaient encore le prétexte à de tendres caresses. Je savonnai son dos, sa poitrine, son sexe tendu, que j'entourai bientôt de ma main en entamant une lente masturbation. Sous les attouchements appuyés que je lui prodiguais, il écarta ses jambes, et cambrant les reins, appliqua ses fesses sur mon bas-ventre. Le désir provoqua rapidement, malgré mon récent orgasme, une nouvelle érection prometteuse... Le mouvement qu'il imprimait à mon sexe indiquait clairement ce qu'il attendait de moi. Il alla d'une main chercher mon membre à nouveau rigide et le dirigea vers son anus tendu. Lorsque le gland fut en place, il donna de brefs mouvements de recul pour faciliter l'intromission. J'agrippai ses hanches et m'engageai lentement, à fond, puis j'entamai un large va-et-vient. Mes mains couraient maintenant sur sa poitrine, pinçant au passage ses tétons érigés. Il avait repris son sexe à pleine main, et se branlait vigoureusement tandis que j'accélérais l'enculage. C'est lui qui maintenant gémissait sous mes coups de boutoir. Soudain, je sentis son sphincter se contracter. Son cri se fit plus rauque et puissant. L'éjaculation se produisit soudain, et les traits laiteux s'écrasèrent sur le carrelage ruisselant. Je vins immédiatement après en longues giclées apaisantes.

Depuis lors, Carlos est devenu très assidu à mes concerts privés...

Jako

jakolarime@neuf.fr

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