J’ai la trentaine. Voyage en Catalogne. Ma copine Eva qu'on a longtemps cru végétarienne s'est dégotté un sacré steak tartare. Un ukrainien nommé Andrei, genre bombe humaine. Il bosse on ne sait pas trop où la journée, trempe dans des tas de trafics, conduit sa BMW comme un fou furieux, boit comme un trou, se bat pour un rien, parfois s'effondre par terre et se tord en riant de désespoir. Il est jaloux comme un tigre, fier et macho comme ce n'est pas permis. Mais que voulez-vous, elle est folle de lui, de son corps de bête fauve. Ça fait quatre nuits que je passe chez eux sans pouvoir fermer l'œil. Je n'avais jamais entendu mon amie braire de cette manière. Mon dieu mais qu'est-ce qu'il peut bien lui faire ?
Au matin, elle est fraîche comme une rose, alors que je tiens à peine debout. Elle n'a pas l'air de se douter que j'ai tout suivi du carnage... Je suis répandu au milieu des confitures, je fais des bulles molles dans mon bol de café. Andrei se lève, en caleçon, presque nu. Il prend des poses de culturiste dans la cuisine. Cette brute est sacrément bien gaulée. Eva rougit et le gronde, il hurle et se jette sur elle, lui arrache sa tartine avec les dents. Puis il se tourne vers moi, et avec son accent à couper au couteau il me hurle dans les oreilles : Ah ! Nikolai ! Nikolai mon ami ! Comment ça va aujourd'hui ! Ah Nikolai ! Toi passé bonne nuit ? Moi passé nuit très très bonne ! Il me serre dans ses grosses pattes, il sent le mâle après le rut. Il m'embrasse à pleines joues de ses lèvres charnues, me frotte de son groin qui, il n'y a pas deux heures, fouissait dans d'autres terroirs... Je ne pourrai jamais m'habituer à ces effusions obligatoires... Mais bon, Eva est
une vieille copine, je lui dois bien un petit effort. Andrei avale un litre de café, file sous la douche, en ressort habillé et s'en va travailler. Ouf, la tempête est passée.
Je m’inquiète un peu pour Eva. Comment peut-elle vivre avec cette tornade humaine ? Depuis qu’ils sont ensemble, il a ramené chez elle tout ce que Barcelone compte d’immigrés ex-soviétiques. C’est un milieu assez particulier. J’en ai fait l’expérience dès le premier soir. Une soirée entre amis qui vire à l’hystérie. Poisson cru mariné et vodka cul sec. Une belle fille, Marisa, qui se frotte à un mec. Son mari, nommé Vlady qui la traîne par les cheveux, sous les yeux de leur gosse de six ans, pinté à la bière sous la table... Un moment de pure folie, une nouvelle à la Gogol.
Avec ces gens, tout peut partir en live à tout moment. Je me méfie.
La journée nous offre un répit. J’entraîne Eva en ville pour une séance de shopping. Barcelone est belle sous le soleil d’avril.. Je fais quelques touches dans les boutiques. Nous rentrons vers huit heures à l’appartement. Andrei est affalé sur le canapé, en compagnie d’un autre Russe. Ils ont commencé à se torcher la gueule. Ils ne nous prêtent aucune attention. Nous déposons nos paquets cependant qu’ils entonnent un vieux refrain de Vlad Vissotski. Le Jacques Brel russe. Un truc à se flinguer. Ils pleurent tous les deux comme des veaux en s’envoyant de grandes bourrades viriles. Andrei manque tomber à la renverse, quand il s’aperçoit de notre retour.
- Ah Eva ! Nikolai ! C’est Dimitri ami à moi qui rentrer de Madrid. Dimitri de Ekatarinenbourg. Cosaque !
- Da ! Kazak ! beugle l’autre en écho !
- Kazak shi ne Kazak ?
- Kazak !!! hurlent-ils de concert...
Eva me présente Dimitri de manière un peu plus sobre :
- Dimitri, le voisin du premier.
Andrei se penche vers lui et lui parle en russe à l’oreille. Les deux explosent de rire. Genre Non ! Si ! Non !? Si !!! Tout en me regardant. Je rougis jusqu’aux oreilles. J’en suis sûr, Andrei vient de lui dire quelque chose du style : Nikolai adore prendre grosses bites dans son cul... A partir de cet instant, Dimitri semble être saisi d’une puissante amitié virile pour ma personne. Il se met à me tripoter de partout, à me prendre par le cou, à me dire des petits mots doux en russe. Ce n’est pas qu’il me déplaît. Au contraire, même. Un brun rablé, très baraqué, un peu rond, avec les cheveux ras, un tatouage dans le cou, une belle gueule de caucasien, des yeux très bleus. Pas de la première fraîcheur, certes. Son visage est un peu distendu, marqué par la vie. Il dégage quelque chose d’assez troublant et d'un peu flippant.
Il parle très fort et à deux ou trois reprises, m’embrasse sur la bouche, à la russe... Je suis terrorisé. Persuadé que dans cinq minutes, la situation va dégénérer et qu’il va m’éclater la gueule sur la table basse... Je ris jaune, en tentant vaguement de repousser ses assauts de sympathie. Il ne parle pas un mot d’espagnol, encore moins de français. Tout à coup je comprends quelque chose à son charabia. Il vient de dire VODKA ! Ah non, pas ça, pas la vodka ! Mais si, il va falloir y passer. Andrei s’est mis debout et applaudit à tout rompre. DA ! VODKA ! VODKA! VODKA ! Il faut se préparer à subir le supplice des 6 verres d’alcool pur cul sec en 5 minutes. Je ne survivrai pas à ce séjour.
Dimitri m’attrape sous les bras et me soulève. Il me porte ainsi jusqu’à la porte d’entrée en hurlant toujours : VODKA ! VODKA! VODKA ! Il me pousse dans l’escalier. Nous dévalons les trois étages et nous arrêtons devant la porte 13, au premier. Presque rien dans l’appart'. Une cuisine encombrée de bouteilles, parmi lesquelles Dimitri déniche deux pleines. Au-delà du comptoir, une télé posée à même le sol, et un matelas douteux, aux draps défaits. Dimitri attrape deux petits verres sur l’évier, fait sauter la capsule d’une des bouteilles, et va s’asseoir sur le matelas, en tapotant à côté de lui pour m’inviter à le rejoindre. Je tente de lui faire comprendre par signes que Andrei et Eva nous attendent en haut, mais il insiste et remplit les deux petits verres.
Je m’assois à côté de lui. Il me tend mon gobelet, nous trinquons, puis il passe son bras par dessus le mien, afin que nous buvions comme deux vieux frères que nous sommes, bras mêlés. Il faut descendre son verre cul sec. Nazdrovje ! Ca brûle. Dimitri pousse un rugissement de satisfaction, comme si ce liquide était la seule chose qui puisse le désaltérer. Je suis fasciné par sa bouche d’où sortent des mots incompréhensibles. Une très fine moustache surligne ses lèvres charnues, sensuelles. Quand il passe sa langue dessus, c’est un spectacle qui frôle l’obscénité.
Soudain Dimitri envoie valser son verre à l’autre bout de la pièce. Ah la tradition ! Je n’ai pas le temps de l’imiter. Il vient de se jeter sur moi comme un ours sur sa proie. Je tente de résister, en vain. Il me plaque contre le matelas et me dévore le cou de baisers brûlants. D’une main , il arrache sa chemise, découvrant un torse puissant et passablement velu. Sa langue force le passage de mes lèvres. ça y est, j’ai craqué. J’ai mis la langue, il a gagné. Je suce cette bouche excitante, me pique la langue aux poils courts et durs de sa moustache. En un tour de main, il me dépouille de mes vêtements. Je tremble comme une feuille. Je réalise soudain combien cette situation me branche à fond.
Elle correspond chez moi à un fantasme profond. Un fantasme qui met en scène une sorte de viol consenti. Je deviens objet du désir et instrument du plaisir de cette bête de virilité, qui va user et abuser de mon corps comme bon lui semblera. Ce qui me fait jouir, c’est de n’avoir pas le choix. D’être entièrement soumis à la volonté de l’animal en rut. Il me tient et ne me lâchera pas. Il a viré son futal. Il n’avait pas de slip au-dessous. Ses cuisses sont puissantes, très blanches et légèrement poilues. Sa queue est assez petite, à peu près comme la mienne, non circoncise. Il me la fourre dans la bouche. Elle est extraordinairement dure. Et bonne. Je suce et lèche. Dimitri grogne de plaisir, il me tient gentiment par les cheveux. Il me confisque son sucre d’orge. Il me plaque, il me retourne, il me dévore le cul. Sa fine moustache me titille le pourtour, tandis qu’une langue immense me fouille l’intérieur. Je n’en peux plus, je demande grâce, je
suis agité de spasmes, de sanglots incontrôlables. J’agonise. Il le sent bien, le bougre. Il m’installe à quatre pattes. Je n’ai plus qu’à faire ma prière. Son dard de pierre va bientôt me donner l’estocade. Il le gaine de latex, mollarde dessus, et me perce lentement, d’un coup puissant et continu. Je l’ai au fond du ventre. Il est rentré si profond qu’en me tâtant, j’ai l’impression de posséder deux paires de couilles. Dimitri m’encule à la cosaque, sans ménagement. Je suis sous son joug, sous sa totale domination. Je subis la terrible séance de knout en couinant de plaisir. Il m’enlace et me force à me redresser. Contre mon dos, son torse puissant pulse comme celui d’un cheval. A la seule force de ses cuisses, il me soulève, toujours empalé sur lui, et me fait mettre debout, appuyé contre le mur. Et c’est dans cette position qu’il me termine, qu’il m’extermine. J’asperge copieusement la méchante tapisserie à carreaux. Lui se
raidit dans mon dos, s’enfonce en moi jusqu’à la garde, et me déverse son sirop.
Il me ramasse à la petite cuillère et jette mes restes sur le matelas. Que va-t-il se passer maintenant qu’il a assouvi sur moi ses pulsions libidineuses ? Va-t-il me balancer comme une vieille capote, au vide-ordures ? La sonnerie du téléphone retentit. Dimitri décroche. Je comprends qu’il décommande la soirée prévue avec Andrei et Eva. Je ne bouge pas. Je reprends mon souffle, nu sur le lit. Dimitri raccroche. Il vient se lover contre moi. C’est chaud, à la fois tendre et dur. Il me serre dans ses grosses pattes musclées et me couvre de petits baisers. Il me parle, ronrone. Je ne comprends rien, mais ça n’est pas grave. Je fonds.
On est restés trois jours au pieu, à poil. Eva, toujours bonne copine, est venue nous alimenter. Entre les repas, programme unique : baise dans toutes les positions et dans tous les recoins de l’appartement. Il m’enculait dans la salle de bains, dans la baignoire, contre la porte des chiottes ou celle de l’entrée, sur le lit, bien sûr, mais aussi sur la télé, sur l'évier de la cuisine, par terre, ou suspendu à sa barre d’exercices. Il allait et venait comme bon lui semblait dans mon cul, qui ne lui opposait plus aucune résistance. Mon corps lui appartenait. J’étais devenu sa femelle, sa femme de substitution, sa poupée pas russe. A la tête du lit, trônait la photo religieusement encadrée de sa femme et de ses enfants, restés en Ukraine. J’ai cru comprendre qu’il ne les avait pas vus depuis deux ans. Il embrassait leur image, et versait une petite larme, avant de me re-sauter dessus.
Au matin du quatrième jour, nous sommes sortis nous promener. On ne s’était pas lavés ça sentait trop bon. Il est entré dans un magasin et en est ressorti avec un petit ours en peluche rose bonbon, avec des cœurs, un cadeau pour moi... Même si ce mec me rendait totalement dingue sexuellement, un monde nous séparait décidément. Je l’ai entrainé au Parc Guëll, qu’il n’avait jamais visité mais qui ne sembla pas l’intéresser plus que ça. En constatant ma déception, il m’a entraîné dans les buissons pour me baiser assez brutalement. C’est à cet instant que j’ai décidé de mettre un terme à cette relation.
Le lendemain matin, Dimitri bossait. Je suis monté chez Eva, seule devant sa tasse de café. Elle avait l’air très fatigué. J’étais rompu, cassé, broyé.
- Maintenant, tu comprends ce que je trouve à mon Russe ? me demanda-t-elle simplement.
Je comprenais. Très bien. J’ai pris mes cliques et mes claques et j’ai sauté dans le premier train.
Carolin
ncarolin@myyahoo.com
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