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Les correspondances de Marc & Cyril
1er juillet 2019 , La Bastide
Marc,
Je me suis réveillé, la porte était ouverte. Courbatturé, déshydraté je tanguais en remontant à la surface, la tête écrasée par une migraine. J'ai survécu ma nuit dans les caves de Barbe-Bleue.
La bastide est vide, une maison témoin... comme si aucune fête n'y avait été donnée, comme si tous les acteurs d'une pièce vivante avaient abandonné la scène pour laisser place une autre troupe encore en chemin.
Dans la chambre trônent à mon chevet une bouteille de Vodka et ta lettre enroulée dans un verre. Deux roses blanches au centre.
J'avale deux aspirines, j'ai soif et pourtant le poids de l'eau dans mon ventre me file la nausée.
Je retire mes vêtements salis et humides d'une suée nocturne et vais plonger dans la piscine.
Un semblant en vie, je visite chaque pièce, mais toutes sont vides.
Nu et pâle, en proie au soleil écrasant je vais voir du côté des dépendances. Attablés je vois Coblan et ses sbires déjeuner. Presque heureux d'une présence humaine, je m'approche, mais je m'arrête net. Son regard noir me transperce, cette expression de visage en mimant de m'égorger me fait faire demi-tour.
Dans le hall, je crie Yann et c'est ton chien qui rapplique.
J'ai besoin de la chaleur d'un vivant au sang chaud et je le prends dans mes bras et pleure un bon coup, plein de regret, de douleur. Je l'emmène avec moi dans la chambre, je vois ta lettre, je ne l'ai pas encore lue.
J'ai attendu toute la journée, le crépuscule avant la dérouler. Une journée à cuver, m'enfuir dans le sommeil.
Et si je me réveillais la veille, quand je fainéantais dans le lit en dégustant les prémisses de nos amours avoués.
Je te remercie d'une chose, une seule. Merci de mettre autant de poésie, de romanesque pour faire admettre une horrible réalité. Tu es un lâche !
Est-ce la souffrance ou un délirium trémens qui t'ont propulsé au pays des mille-et-une nuits ?
J'ai parfaitement dessoulé, les idées au clair, laisse-moi traduire ce que tu écris depuis ton tapis volant.
Fou de colère d'avoir assisté à la folie passagère de jeunes hommes qui refaisaient le monde sans toi, tu voles te consoler dans la djellaba de ton ex, reine du tagine et tenancière d'un bordel aux portes de Tanger, avec qui tu as fait un bâtard, à parier devenu apprenti proxénète, qui se propose de me coacher.
Tu sèches tes larmes dans la tignasse défrisée à l'huile d'argan et sur le cul épilé au sucre d'une petite pute berbère, en attendant que je sois diplômé en maitrise de soumission à l'ignoble lâche que tu es, par ton dégénéré fiston.
Ou bien je t'attends, tel un Saint-Sébastien transpercé de roses. Une oeuvre de Pierre et Gilles...
Pardon pour ma culture si queer et de mon temps, image bien moins féérique que tes arabiques affabulations.
Fais-toi bien pomper par la bite tout le mal qui te hante, profite bien des offrandes de ta reine de la boulette grasse et mentholée, bien que ton corps de gladiateur puisse en souffrir. Ensuite, reviens dans ce bled-là, à la Bastide, pour gérer. Tes affaires, il s'étend, et gérer notre affaire.
Je ne partirais pas, je t'attends ici.
À paris, on acceptera ou pas que je doive m'occuper d'un proche malade, peut importe je t'attends ici.
Ton chien, tes vêtements, des parfums, tes oeuvres d'art, je ne suis pas seul et je saurais bien me faire respecter par tes hommes de main, tout terroriste soient-ils !
N'est-ce pas toi qui devrais te mettre tout nu, le coeur comme une rose offerte quand tu rentreras ?
N'aie crainte chéri, je ne prendrais pas ton coeur. Ne me donne pas ton coeur, je veux le voir battre dans ton poitrail si large, je le veux brave et sincère. Autrement dit, je ne suis pas responsable de ton bonheur, je ne suis pas responsable de ton malheur. Ose nous vivre, car pourtant, nous nous aimons.
Cyril
Cyrillo
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