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Les correspondances de Marc & Cyril
Le 3 juillet 2019, Les terres du vent bleu.
Cyril,
En te lisant, j'ai ri de bon coeur, et pourtant il était serré, ce pauvre coeur malmené.
Dans le déni et la mauvaise foi, tu deviens bon. Pas aussi bon que moi, évidemment... mais tu fais des progrès.
Comparer la mère de mon fils Khâm-rôu à une : " Reine du tagine et tenancière d'un bordel aux portes de Tanger, avec qui tu as fait un bâtard. ". Est un outrage que je digère assez mal.
C'est pourquoi j'ai décidé d'écrire - parallèlement à notre correspondance - un texte expliquant comment je devins le père de Khâm-rôu, un homme d'une grande beauté. Je joins la première partie de cette histoire à ce courrier. Tu liras cette histoire sans comprendre et surtout, sans admettre les faits. Qu'importe.
Ce texte t'est personnellement adressé, et il serait donc inconvenant que tu le jettes en pâture à tes lecteurs.
Tu vas encore me traiter de mythomane mais je m'en fous. L'important pour moi c'est de te faire savoir que tu es bien loin de connaître l'homme que je suis. Tu m'as mis dans un bocal trop petit pour moi.
Je ne peux pas t'en vouloir de parfois (souvent) me prendre pour un louf. Ta génération a grandi dans le " rationnel ". encore que ce soit une illusion car le rationnel est une invention de l'esprit humain destinée à le rassurer dans ses actes et raisonnements qui ne sont pourtant pas souvent très logiques.
Comme tes semblables, tu rejettes toute magie et parfois toutes croyances. Que vous reste-t-il ?
Je vais donc changer mon fusil d'épaule et cesser de vouloir te convaincre que je suis la victime d'un sortilège qui m'oblige à t'aimer. Mais par contre, laisse-moi croire en ce sortilège. Fous toi de ma gueule autant que tu le voudras, cela ne m'empêchera pas d'y croire dur comme fer.
Je n'arrive pas à comprendre pourquoi je suis tombé amoureux de toi.
Tu es beau gosse certes, mais j'aurais pu choisir un mec bien plus gentil que toi.
Tu es sans pitié et tes volte-face, tes sautes d'humeur, tes caprices sont épuisants. Tu me tues.
Sans ce putain de sortilège auquel je suis seul à croire, il y aurait belle lurette que je t'aurais largué... pour ne pas dire jeté comme un kleenex.
J'ai demandé à la reine sorcière Doânatârâ de me libérer de ce sortilège qui me lie à toi. Elle m'a répondu qu'elle pouvait le faire très facilement mais qu'il y aurait une conséquence directe. J'ai demandé laquelle ?
Cette conséquence serait que tu te retrouverais ad vitam æternam avec un pénis de 5 cm... en érection !
J'ai alors renoncé à me faire exorciser par amour pour toi. Et pourtant, d'une pierre je faisais trois coups :
Une... Je me débarrassais de toi. Deux... Je te prouvais l'existence de Doânatârâ. Trois... J'offrais des grandes vacances à toutes les salopes-suceuses du bois de Boulogne.
Je te vois rigoler en te frappant la tempe du bout de l'index. Vas-y rigoles un bon coup. Tu ne sais pas à quoi tu viens d'échapper. Après tout, aimer c'est aussi protéger l'autre dans le silence.
Tu as eu raison de ne pas t'attarder auprès de Coblan et de ses sbires car ils étaient très déçus quand j'ai annulé mon projet d'un gang bang sur toi. Baiser très profond et tous ensemble ton joli cul serré de petit parisien arrogant est devenu l'un de leurs fantasmes récidivants depuis ton arrivée à la bastide.
Rassure-toi, tu ne crains rien... tant que je ne changerais pas d'avis.
Tu as le droit de t'interroger sur la présence de ces individus chez moi. Rassure-toi encore, ce ne sont pas des tueurs à gages mais seulement de solides gaillards chargés d'assurer ma tranquillité. Épisodiquement, je peux m'entourer d'une foule mais en réalité je suis un misanthrope.
Les gens ne m'aiment guère car ils ne parviennent pas à me classer dans une catégorie. Les personnes inclassables sont mal perçues dans notre société faussement tolérante. Je suis un marginal sulfureux.
D'où vient sa fortune ? Pourquoi n'a-t-il pas vieilli depuis le temps qu'on le connaît ?
Ou était-il passé ton Yann ? Votre complicité fut brève et je suis sincèrement désolé pour toi. Tu es si sentimental... surtout quand il s'agit d'arroser tes noces de mon sang.
Il a donc fallu que ce soit mon gentil toutou qui vienne te réconforter. J'espère que tu l'as remercié en lui offrant un verre whisky. Y as-tu pensé seulement?
Tu n'étais pas si seul que cela puisque tu as trouvé ma lettre et les roses.
Laisse tomber Pierre et Gilles, bien trop sucré pour toi. Je te vois plus à ton avantage dans un clip publicitaire des parfums de JP Gaultier, maquillé en viril matelot, un béret à pompon et les fesses à l'air... ça c'est queer !
Querelle de Brest revu et corrigé par JP Gautier, c'est le top du top ! C'est davantage pour toi !
Mais ma plume s'attarde et la lettre devient longue et je n'aime pas ça.
Il y a de belles choses dans ta lettre, des choses qui me toucheraient si je les croyais sincères. Risquer de perdre ton poste de leader à Paris pour pouvoir veiller sur ma démence, c'est sympa.
Mais franchement, je te vois mal devenir mon garde malade quelques heures seulement après avoir projeté de me trucider. Tu le roi de la volte-face, Cyril. C'est déroutant... parfois amusant. Hum !
Non Cyril, je ne suis pas un lâche, je reviendrais samedi mais ne sois pas jaloux quand tu sentiras sur ma peau l'odeur envoûtante d'Abdmour, le Vent Bleu du Désert. Je ne prendrais pas de douche pendant deux jours pour le garder encore plus longtemps avec moi. Et parfois, je murmurerais son nom tandis que je te ferais l'amour.
Ton odorat de baiseur professionnel t'avertira qu'il ne s'agit pas de l'odeur d'une petite pute sucrée de Tanger mais de celle d'un vigoureux guerrier... bref. je ne vais pas en écrire davantage puisque tu ne veux pas admettre l'existence de Khâm-rôu, et d'autres personnages qui tiennent une grande place dans ma vie.
Dans la mesure où tu confonds un Boeing 777 avec un tapis volant, je crois que tu as raison de parler de délirium trémens. D'ailleurs, tu as l'air d'en connaître un sacré bout sur le sujet.
Mais bon, ce n'est pas parce que tu caresses un peu trop la bouteille que je vais en faire un drame.
Pour mon retour, je lève ma peine. Tu n'auras pas à te planter une rose dans le cul et une autre dans l'urètre, mais combien je serais heureux de retrouver ce garçon craquant qui est venu, un samedi matin, au-devant de moi à la gare des Adrets.
Marc