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Chapitre-8 |
Le matin vint dans un silence étrange.
Caelum ouvrit les yeux, encore lourd du vin de la veille, encore baigné de l’émotion d’une nuit qu’il refusait de trop analyser.
Puis il les vit.
Des vêtements.
Pliés avec soin.
Il se redressa lentement, comme s’il craignait un piège, une illusion.
Son obligation de nudité était levée.
Le premier réflexe fut le soulagement.
Il avait oublié ce que c’était, que de sentir du tissu contre sa peau, d’avoir quelque chose qui le séparait du regard du roi.
Mais lorsqu’il les saisit du bout des doigts, une seconde émotion naquit.
Un trouble diffus.
Le tissu était fin. Trop fin.
Une transparence qui l’exposait encore, subtilement, insidieusement.
Pas un cadeau.
Un nouveau jeu.
Les jours passèrent.
Et quelque chose changea.
Ganondorf était de moins en moins là.
L’espace qu’il occupait semblait soudain trop vaste, trop vide, comme un désert après une tempête.
Et quand il venait…
Il n’était plus le même.
Il ne dominait plus avec la même brutalité.
Il prenait toujours. Il possédait toujours.
Mais différemment.
Plus lentement.
Plus doucement.
Les cris de ses amants s’étaient transformés en soupirs, leurs dos ne se courbaient plus sous la douleur, mais dans l’extase.
Caelum remarqua immédiatement cette différence.
Et ça l’irritait.
Il ne voulait pas l’admettre.
Mais il le sentait.
Quelque chose lui échappait.
Il n’était pas jaloux.
Non. Bien sûr que non.
Mais il y avait ce goût amer, cette piqûre invisible, chaque fois que le roi s’enfonçait dans un autre corps, chaque fois qu’un soupir remplaçait un gémissement de douleur.
Ganondorf était en train de changer.
Et ce changement…
Ce changement le concernait.
Ce soir, les serviteurs s’affairaient dans un silence étrange, leurs mouvements mesurés, précis, comme s’ils préparaient un rituel sacré.
Une table avait été installée au centre du harem, massive, sculptée d’or et de motifs Gerudos, contrastant avec la douceur moelleuse des coussins jetés tout autour.
Les plats étaient déjà dressés.
Des arômes épicés, enivrants, ensorcelants emplissaient l’air, s’accrochant à la peau comme un parfum capiteux.
Caelum ne comprenait pas.
Pourquoi ce traitement de faveur ?
Pourquoi ici, dans le harem, là où aucun autre homme n’avait eu droit à ce luxe ?
Il aurait dû refuser.
Il n’en fit rien.
Un silence feutré s’installa autour de lui.
Les autres hommes l’observaient.
Certains avec curiosité.
D’autres avec jalousie.
Caelum ne chercha pas à croiser leurs regards.
Il ne les connaissait pas.
Il n’avait jamais cherché à les connaître.
Parce que lui n’était pas comme eux.
Lui…
Il était différent.
Et maintenant, eux aussi le savaient.
Les portes s’ouvrirent.
Un souffle chaud traversa la pièce, comme si le vent du désert s’y engouffrait.
Ganondorf entra avec une aisance paresseuse, son corps imposant et indomptable capturant immédiatement chaque regard.
Il portait une tunique de lin rouge, fendue sur le côté, laissant voir un torse sculpté de muscles et de cicatrices.
Des bijoux Gerudos pendaient à son cou et à ses poignets, captant la lumière des torches, accentuant la richesse de sa peau sombre.
Mais c’était ses yeux qui retinrent Caelum.
Rouges, brûlants, mais sereins.
Un feu maîtrisé.
Un piège qui savait se refermer sans brusquerie.
Il le dévorait.
Lentement.
Puis, d’une voix basse et veloutée, il prononça :
— Assieds-toi.
Pas un ordre.
Juste une invitation.
Caelum s’exécuta.
Les plats dégageaient des effluves capiteux, enveloppant l’air comme un sortilège d’épices et de chaleur.
Un festin pour un roi.
Et ce soir, Caelum en était l’invité.
Son regard glissa sur les mets, riches, puissants, exotiques, comme tout ce que Ganondorf représentait.
Le ragoût épicé, sombre et épais, dont chaque bouchée déposait une brûlure ardente sur la langue, une morsure de piment suivie d’une chaleur douce et persistante.
Les fruits glacés, tranchés avec une précision presque cérémonielle, s’écrasaient sous les dents dans un frisson délicieux, leur fraîcheur contrastant cruellement avec la chaleur des épices.
Le steak aux épices, juteux, saignant, mariné dans un mélange corsé, libérait un jus riche et puissant à chaque coup de mâchoire.
Le gâteau Gerudo, sucré, parfumé aux arômes subtils de cannelle et de miel, fondait sur la langue dans un soupir de douceur.
Chaque saveur était un assaut.
Un assaut sur ses sens.
Mais c’était le vin du désert qui se révélait le plus traître.
Dès la première gorgée, Caelum sentit le feu couler dans sa gorge, chaud, enivrant, délicieusement capiteux.
Le vin avait une robe ambrée, lourde comme le sable brûlant après le coucher du soleil.
Un vin qui promettait des secrets et des abandons.
Il ne savait pas combien de fois il avait vidé sa coupe.
Mais Ganondorf s’assurait qu’elle ne reste jamais vide.
Un geste simple. Fluide.
Un regard.
Un sourire paresseux du roi, et le liquide doré revenait inlassablement entre ses doigts.
Le temps perdit ses contours.
Les mots se firent plus lents.
Les torches dansaient sur les murs, floues, ondulantes, comme des mirages.
La chaleur se répandit en lui.
À ses joues.
À sa tête.
À sa poitrine.
Son corps s’alourdissait, agréablement engourdi, chaque muscle relâché sous l’effet du vin.
Et Ganondorf…
Toujours là.
Toujours à portée.
Toujours à le regarder.
Un prédateur patient, qui n’avait même pas besoin de tendre un piège.
Caelum sentit le regard du roi sur lui, pesant, brûlant, suivant le mouvement de sa gorge lorsqu’il buvait, de sa main lorsqu’il portait un morceau de fruit glacé à ses lèvres.
Une sensation étrange l’envahit.
Pas de la peur.
Pas de l’excitation.
Quelque chose d’inédit.
Quelque chose qu’il ne voulait pas analyser.
Ganondorf brisa le silence avec un murmure bas, profond, terriblement satisfait.
— Tu tiens mal l’alcool, Sheikah.
Sa voix était velours et braise.
Caelum voulut répondre, un mot tranchant, une réplique mordante, mais son corps le trahit avant même qu’il ne puisse parler.
Ses paupières étaient trop lourdes.
Sa peau trop chaude.
Sa respiration trop profonde.
Il bascula contre un coussin, une main sur son front, luttant contre cette ivresse languissante qui l’embrassait avec plus de douceur que tout ce qu’il avait connu ici.
— Tu as mis quelque chose dans ce vin…
Sa propre voix lui parut distante, plus rauque, plus faible qu’il ne l’aurait voulu.
Un rire. Grave. Vibrant.
— Seulement du soleil du désert.
Ganondorf s’approcha lentement.
Lentement comme le sable qui glisse entre les doigts.
Lentement comme l’ombre qui s’étire avant de recouvrir totalement son empire.
Une main large, chaude, effleura son bras nu.
Le contact était léger, presque indulgent, mais Caelum en sentit chaque nuance.
Une paume puissante, calleuse, faite pour manier des armes et briser des volontés, et pourtant…
Ce soir, elle était douce.
Protectrice.
Une chaleur presque apaisante glissa sur sa peau fiévreuse, un contraste brutal avec le froid du monde qu’il avait toujours connu.
— Rendors-toi.
Un murmure.
Grave. Lent. Hypnotique.
Caelum ne répondit pas.
Il ne pouvait pas.
Son corps était lourd, engourdi par le vin du désert, la chaleur du bain, le festin encore imprégné sur ses lèvres.
Et maintenant…
Cette présence.
Ce poids immense derrière lui.
Ganondorf ne profita pas de lui.
Il ne força rien.
Il se contenta d’être là.
Massif. Chaud. Envahissant.
Il s’allongea contre lui, son torse large venant épouser son dos, son souffle profond et lent créant une onde vibrante contre sa nuque.
Caelum aurait dû fuir cette étreinte.
Il aurait dû repousser ce piège.
Mais il n’en fit rien.
Il ne pouvait pas.
Le bras du roi glissa sur sa taille, large, puissant, mais sans l’emprisonner.
Un filet d’air tiède et chargé de vin effleura sa peau.
Un frisson serra sa colonne vertébrale.
C’était trop.
Trop intime.
Trop doux.
Trop… dangereux.
Puis il le sentit.
La masse brûlante tout contre lui.
Le poids imposant de cette virilité endormie, nichée tout près de son intimité.
Là.
Juste là.
Caelum se raidit imperceptiblement.
Un frisson inattendu s’échappa de son ventre, glissant plus bas, plus profond.
Un besoin qu’il aurait dû rejeter.
Mais son corps, ivre et sensible, réagit autrement.
Son souffle devint plus court.
Ses cuisses plus lourdes.
Et pire encore…
Une pulsation insidieuse commença à battre contre son intimité.
Une chaleur qui ne venait pas de l’alcool.
Qui ne venait pas du vin.
Qui venait de lui.
Son ventre se contracta dans un frisson de frustration.
Il serra les mâchoires, refusant de bouger, refusant d’admettre cette vérité perverse.
Mais Ganondorf…
Ganondorf le sentit.
Sa respiration se fit légèrement plus profonde, comme s’il avait perçu ce trouble fugace.
Comme s’il avait compris.
Un sourire invisible flotta sur ses lèvres.
Il ne fit rien.
Il ne bougea pas.
Il laissa juste le temps faire son œuvre.
La nuit s’étira dans un silence brûlant.
Caelum tenta de ne pas penser à ce qui le frôlait.
À ce corps colossal qui l’encerclait, cette présence qui le consumait lentement, cette tentation qu’il refusait de nommer.
Il aurait dû se lever.
S’éloigner.
Mais au lieu de ça…
Il se laissa envelopper par cette chaleur.
Par cette sécurité empoisonnée.
Un soupir glissa hors de ses lèvres.
Sa conscience s’effaça lentement, un trouble persistant imprimé dans son ventre.
Ganondorf, derrière lui, ferma les yeux.
Il venait de refermer son piège.
Roses-Sky
sydneychabin@gmail.com
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