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Chapitre 8 | La rupture
Le lendemain, après une nuit difficile passée sur le petit canapé du salon, je me réveillais en entendant la porte d'entrée se fermer et la clé tourner dans la serrure.
L'esprit brumeux, j'émergeais péniblement en découvrant qu'il était neuf heures. L'air était frais ce matin-là et je m'empressais de me couvrir après être passé aux toilettes. Mes affaires étaient restées dans la chambre de Félix et je réalisais qu'il n'était pas là. Aucun signe de Romain également. J'étais donc seul et enfermé ici.
Je pris une douche, un petit-déjeuner rapide avant de finir dans la chambre de Félix pour prendre des affaires. J'apercevais la pochette que m'avait donné Lucas la veille. N'ayant rien de mieux à faire, je m'installais sur la table du salon pour en découvrir le contenu. Comme indiqué sur la pochette, il s'agissait de documents en rapport avec l'étude anatomique de biologie.
Il y avait une copie papier du projet et de nombreuses notes manuscrites. Curieux, j'entamais la lecture de la synthèse de projet qui avait été rendue en mon nom par Lucas. Dès les premières lignes, j'éprouvais un certain malaise.
Lucas avait fait équipe avec Félix et Romain sur ce projet. Impossible de savoir qui avait rédigé quoi dans cette synthèse mais il était évident que cette collaboration datait et que notre prof l'avait approuvée. Félix pourrait sûrement m'en dire plus.
Dans les pages suivantes, le protocole d'étude était présenté. J'appris que je m'étais porté volontaire pour faire l'objet des tests prévus par mon équipe. Je trouvais même en annexe une décharge de responsabilité signée de ma main sans que je ne comprenne comment c'était possible.
Le protocole indiquait des relevés de données effectués avec des objets connectés m'appartenant. Une montre, une balance, un téléphone, mon PC, c'est comme ça qu'ils ont pu avoir toutes ces informations sur moi ! Les dates sur les relevés commençaient 3 mois plus tôt, bien avant le début du projet. Il y avait donc un mois témoin, sans test particulier suivi de deux mois d'études. Nous étions début mars, tout collait parfaitement.
Les tests ont été mené méticuleusement et décris avec beaucoup de précisions. Ces conditions à recréer étaient les suivantes :
- La douleur
- Le désir
- La peur
- L'espoir
- La confiance
- L'orgueil
- La rupture
Chacun de ces états devait être parfaitement sincère pour que les données collectées soient valables. Pour chacun d'eux, un scénario détaillé expliquant la démarche à suivre, les conditions du sujet au début du test puis à la fin.
Je retraçais le cours des évènements à l'aide des dates. Tout ma mésaventure avec Lucas coïncidait parfaitement. Ils m'avaient manipulé pour … faire leur devoir de biologie ?
Lucas avait d'autres motivations, il voulait me punir et l'a déjà expliqué. JE ne comprends pas pourquoi Félix et Romain aurait accepté un truc pareil. Les deux collocs ne me connaissaient pas il y a encore quelques semaines. JE veux bien croire qu'ils sont bons acteurs mais ça me semble bien trop gros pour être vraisemblable.
Je devais comprendre leurs motivations.
Naturellement, la synthèse ne faisait pas mention du harcèlement moral et physique de Lucas. Seules les « situations de stress » et des « stimulations physiques intenses sans gravité » étaient mentionnées.
La conclusion de la synthèse évoquait le travail remarquable de Raphaël, étudiant en master informatique qui a contribué au projet en « configurant » mes appareils. Le téléphone bloqué, le vol de mes comptes en ligne, le pistage de ma montre… tout ça c'était lui ?
Je n'en revenais pas qu'il ait pu collaborer à ça. Il ne m'avait pas seulement trahi, c'était un vrai couteau qu'il venait de me planter dans le dos.
L'étude s'achevait en remerciant les profs et Raphaël avant de solliciter du temps et des moyens supplémentaires pour poursuivre… ce travail l'année prochaine ?!
Ils veulent continuer à me maintenir dans cet enfer ? Combien de temps est-ce que ce cauchemar va durer ? Il fallait absolument que j'en parle à notre prof de biologie et que je trouve un moyen de partir d'ici. Tout ça prenait fin aujourd'hui.
Après avoir lu les documents restants, il ne restait pas grand-chose à découvrir. Chiffres, observations diverses et variées, un papier a pourtant attiré mon attention. Je ne compris pas immédiatement, mais il s'agissait bien d'un courrier, un mail en fait. Le courrier disait ceci :
« Salut Félix,
J'ai écrit la conclusion de ton devoir. T'es sûr de vouloir te rajouter du taf ?
Bref, dit-moi quand tu veux me le présenter, j'ai hâte de l'avoir ici.
Peace
A. »
Je réfléchissais à ce A. Dans toute cette histoire, personne ne semblait correspondre.
Le mail était adressé à Félix, pourtant la pochette m'avait été remise par Lucas. Je ne voyais pas qui était ce A. et ce qu'il avait à voir dans tout ça.
J'entendis la clé pénétrer dans la serrure et le verrou se débloquer. Félix entra, déposa un gros sac de sport dans l'entrée et me fit un signe de tête en se dirigeant vers la cuisine. Il attrapa une bouteille d'eau et pris la direction de sa chambre. JE posais tout mon bazar pour le confronter.
- Pourquoi t'as fait tout ça Félix ?
J'étais hors de moi, j'aurais pu me jeter sur lui pour arracher toute la peau de son visage. Il répondit d'un ton grave en me regardant en coin.
- Quoi ? Qu'est-ce que t'as ?
Il était plus grand, plus large et plus fort que moi et à cet instant je le sentais menaçant. Malgré tout, il me fallait des réponses.
- Le devoir de bio, Lucas, Romain et toi l'avaient fait dans mon dos, sans mon accord ! Tu savais depuis le début que Lucas me faisait vivre l'enfer et maintenant j'apprends que tu as participé activement ! Je veux savoir pourquoi !?
Ma dernière phrase était sortie comme un rugissement.
Je reçus une droite que je ne réussis pas à éviter.
Félix m'agrippa par le col et me jeta dans le canapé. J'étais sonné, affalé dans le canapé de tout mon long. Sans me laisser un peu de répit, il se mit à califourchon sur moi et m'enserra de ses jambes. Une main maintenant fermement mon cou.
- À qui tu parles comme ça toi ?
Il me gifla fort de sa main libre.
- Lucas, il voulait juste te mettre la misère. Moi j'en ai rien à foutre de ces conneries.
La main au niveau de mon coup se resserra.
- Il m'a promis que je pourrais te garder après le devoir.
Il n'y avait pas d'expression sur son visage, uniquement de l'intensité et de la brutalité. Tout en me maintenant, sa bouche s'approcha de mon oreille.
- Tu vas rester ici et obéir sinon je balance tout ce que j'ai sur toi : les photos, les vidéos, je montre tout.
La main sous ma gorge se desserra et le poids de Félix sur moi s'allégea. Je toussais en tentant de retrouver de l'air.
- J'avais une seule raison, dit-il en me regardant reprendre mon souffle, allongé sur le canapé.
Je sentis une pression au niveau de mes boules.
- T'es à moi, je te tiens par les couilles mon gars.
Sa prise se resserra, je couinais en sentant des larmes couler sur mes joues.
- … Et j'ai envie de tester beaucoup de trucs.
Son visage était terrifiant. Il me libéra et me laissa là, gisant sur le canapé et me tenant les couilles. Quelle poigne !
Je n'obtiendrais pas plus de réponses de cette façon mais je savais aussi qu'il fallait que j'en apprenne plus sur ce A. pour partir d'ici. Si Félix rend publique quoi que c soit, je ne pourrais plus remettre les pieds nulle part. J'allais devoir rester direct et subir encore cette folie.
Son regard, sa violence, tout ça, c'était nouveau. Je ne l'avais jamais vu comme ça. Lucas me faisait peur parce qu'il était imprévisible et organisé. Félix semblait avoir le même genre d'attitude sans avoir à utiliser l'effet de surprise pour dominer. S'il comptait vraiment se servir de moi, j'allais passer un moment bien plus difficile qu'avec Lucas.
Pour l'heure, j'avais au moins une certitude : l'étude anatomique était terminée pour de bon, le travail était rendu. De nombreuses questions restaient en suspens mais j'avais l'intuition qu'elles trouveraient des réponses plus tôt que je ne le pensais.
Éros
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