Chapitre 1 : La rencontre
J'avais dix-huit ans à l'époque. Je ne m'assumais pas vraiment mais je me disais déjà bi à mes amis proches. Je n'étais pas très grand mais pas non plus petit. J'avais les cheveux châtains clairs, les yeux bleus. Je n'étais pas très sportif - je me forçais de temps en temps mais je n'aimais pas l'exercice physique - pour autant je n'avais pas d'embonpoint. J'avais déjà les jambes hérissées de poils noirs, les aisselles pileuses, un semblant de pilosité faciale naissante et, déjà, une jolie touffe sur mon pubis, mais l'endroit où j'avais le plus de poils restait entre mes jolies petites fesses bien rondes, autour de ma rondelle rose encore vierge de toute pénétration autre que mes doigts.
Je me branlais assez souvent mais pas trop : je savais me tenir. J'étais alors plus facilement excité par les mecs, l'attrait de l'inaccessible peut-être, m'assumer étant à cette époque impossible. J'aimais tous les pornos, sous toutes leur formes : les bande-dessinées, les lectures érotiques, les fanfictions et les vidéos bien-sûr. J'étais périodiquement attiré par tous types d'hommes (et de femmes) : passifs, actifs, musclés, poilus, imberbes, jeunes, vieux, militaires, pompiers, dieux grecs ou professeurs, dans des films " historiques " ou des fictions pornos mal jouées, qu'ils soient blancs, noirs, asiatiques ou arabes, qu'ils soient tatoués ou non, tantôt plutôt salope, tantôt plutôt dominant, qu'ils soient virils ou efféminés, tant qu'ils étaient bien coiffés. J'aimais les voir ou lire leurs aventures, quels que soient leurs fantasmes, j'aimais qu'ils aiment lécher, manger, sucer, pisser ou user de leur poing, en pleine nature ou dans un lit douillet, au réveil ou pendant une soirée. J'aimais tout, j'aimais les hommes mais je ne pouvais que les voir, parfois les imaginer, mais jamais les toucher, sentir l'odeur de leur sueur, leurs bras aux muscles bandés autour de mon corps chaud. La frustration était mon quotidien et je sais que tous les branleurs me comprennent. Ce dégoût, cet ennui, ce ras-le-bol de la masturbation, du voyeurisme, de devoir tout faire soi-même sans pouvoir rien faire du tout.
Je n'avais jamais été en couple, pas plus que je n'avais eu de rapport sexuel avec quiconque. C'est une amie, bi aussi, qui s'est inscrite en premier sur Tinder. On était en vacances d'été en Provence. Je l'imitais. Nous voulions nous amuser, pas vraiment rencontrer des gens mais nous nous sommes laissés prendre au jeu. Toute la semaine que nous passâmes en Provence, une autre amie, très " tactile " n'avait de cesse de se coller à moi, de me mordre partout où elle pouvait, de mettre ma tête entre ses seins pour dormir malgré la chaleur. C'était sa façon d'être et je savais qu'il n'y avait rien à espérer et je m'en fichais d'ailleurs. Malgré tout, ces choses-là ne se contrôlent pas et je passai toutes ces vacances à bander sans avoir d'occasion de me retrouver seul avec moi-même pour une vraie séance de plaisir solitaire dans un lit confortable. J'attendis donc.
De retour à Toulouse, je gardai l'application Tinder. Dans le train qui me ramenait chez moi, j'usais tout mon forfait 4G pour swiper, à droite ou à gauche, jusqu'au Match. Et c'est ainsi que je fis la connaissance de Martin, vingt-quatre ans. Nous avons un peu parlé, échangeant les formules d'usage sans beaucoup d'originalité. Aucun de nous deux ne cherchais de relation sérieuse, nous étions juste là pour parler.
À vrai dire, je ne savais pas trop pourquoi j'étais là. Cette application me mettait mal à l'aise mais je ne voulais pas abandonner mes matchs. Je ne me sentais pas en confiance puisque je ne le connaissais pas et que le contexte était étrange mais je lui racontais la vérité. Que je n'avais pas prévu de faire de rencontres, que j'étais puceau, que j'étais bi. C'est après que nous eûmes épuisé les questions ordinaires sur les études, la famille, les projets et les centres d'intérêts qu'il fit passer la conversation sur un autre sujet en me demandant si j'étais plutôt actif ou passif.
Il était gêné en posant cette question, il pensait être allé trop loin mais je lui répondais que je n'en savais rien. J'avais dix-huit ans mais je ne me connaissais pas encore et j'ajoutais, sans trop mesurer les conséquences - la distance induite par l'écran anesthésiant mes peurs - que le meilleur moyen pour moi de savoir ce que je préférais serait d'essayer.
Sa réponse fut rapide : " Moi je suis actif. Si tu veux tester passif, je peux t'aider ".
Sur le moment, je paniquai. J'avais rêvé un scénario pareil de nombreuses fois mais je n'avais jamais imaginé que je puisse avoir peur. Je ne me sentais sûrement pas prêt à passer à l'acte sans la distance de l'écran. Si mon cerveau était catégorique sur la réponse à donner, tandis que mon coeur restait partagé, ma bite, elle, n'eut pas besoin de se le faire dire deux fois. À partir de ce jour, je bandais comme un âne dès que nous nous parlions.
Devant le dilemme, je mis du temps à écrire une réponse qui fut finalement " on devrait pas boire un verre d'abord ? ". Je me sentais stupide mais je m'en foutais. La réaction de Martin, gêné, honteux et même effrayé de m'avoir fait fuir, acheva de me donner confiance en lui. Mais je n'avais toujours pas assez confiance en moi. Cependant, je le voulais et il me voulait et il y avait deux issues à cette situation : soit je supprimais Tinder, le laissant tomber en me renfermant sur moi-même et en me contentant de branlette occasionnelle en attendant que le destin place quelqu'un sur mon chemin, soit nous baisions réellement, dans quelques jours ou dans quelques mois.
À suivre...
Alex
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