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Lettre ouverte à Kenny

Tu étais tellement beau. En fait tu étais de loin le plus beau d'entre tous. Je n'oublierai jamais le jour où je t'ai vu pour la première fois. Tu étais de dos lorsque je suis entré dans cette pièce, un peu perdu au milieu de tous ces gens que je ne connaissais pas encore. Puis tu t'es retourné pour une raison que j'ignore et tu m'as souris pour une raison que j'ignore encore plus. Pourtant vous étiez nombreux, majoritairement des mecs, mais à ce moment précis je ne voyais que toi, comme ça allait l'être de nombreuses fois encore...

Nous sommes passés à table, nous n'étions pas installés sur la même, mais d'où j'étais je pouvais t'apercevoir. Tu ne rentrais dans aucun standard. Je dirais que tu étais un "clown discret". Tu amusais la galerie sans jamais hausser le ton. Je crois que ton charme naturel opérait sur chacun, d'une façon différente, évidemment. A la fin du repas, alors que tout le monde s'était levé et commençait à se disperser, tu t'es retrouvé face à moi et je me suis immédiatement perdu dans tes yeux bleus. Je me rappelle ton regard interrogateur lorsque tu m'as tendu la main et que j'ai mis plusieurs secondes à revenir à la réalité. Tu as dû te demander qui était ce nouveau un peu bizarre. Mais dans le fond tu savais très bien qui j'étais. J'avais un an de moins que toi, j'étais célibataire et... gay. Toi tu étais un peu un modèle : grand, athlétique, cheveux courts, yeux bleus perçants, marié, un enfant. Tout le monde t'écoutait passionnément, te respectait aveuglément, t'encensait religieusement.

Nous sommes rapidement devenus amis, complices. J'ai gravi les échelons au sein de cette société près de toi, j'en ai même pris la tête et tu as été mon principal adjoint. Mais malgré tout c'était toi le numéro un. Tu m'as épaulé, conseillé, guidé sans jamais vouloir récolter les lauriers. Humble mais populaire, personne pour moi ne t'a jamais égalé. Tu as toujours été un charmeur. Tout le monde y avait le droit à tes sourires et à tes regards... Combien de fois m'y suis-je noyé?! Connu de tous et ouvertement gay, tout le monde s'amusait de ces situations où tu faisais semblant de me draguer. Nous en avons si souvent joué. Malgré les rires, j'en ai croisés des regards surpris parfois, amusés tout le temps, envieux souvent! J'avais gagné un statut que je trouvais illégitime, mais je n'aurais laissé ma place pour rien au monde, à qui que ce soit.

C'est arrivé pour la première fois un vendredi soir. La fête battait son plein, nous avions un peu bu, comme tout le monde. La situation était malgré tout sous contrôle. Alors nous nous sommes absentés. Là-haut ils allaient bientôt manquer de "munitions", c'est pourquoi nous sommes descendus chercher du ravitaillement. J'avais les bras chargés de bières, les oreilles qui bourdonnaient et la tête qui tournait légèrement quand je me suis tourné vers la sortie de la réserve. Je n'avais même pas vu que tu n'avais rien attrapé dans le stock. Tu étais là, adossé à la porte, une jambe repliée, la semelle plaquée contre le bois. Et tu souriais, tu souriais tellement que tu n'as pas eu grand-chose à dire, en fait tu n'as même pas parlé. Je me suis approché, encombré par mon chargement, souriant bêtement, faisant mine de te demander de me laisser passer. Toi tu as simplement fait "non" de la tête. Tu m'as débarrassé de ce carton rempli des boissons que tout le monde attendait à quelques dizaines de mètres et tu l'as posé sur le petit meuble à côté. J'ai encore fait un pas, il ne devait même pas rester vingt centimètres entre nous. Je sentais ton souffle chaud et légèrement alcoolisé sur mon visage. J'ai posé mes mains sur ton torse, à plat sur tes pectoraux tout en continuant à me rapprocher de ta bouche. Mes lèvres se sont posées sur les tiennes et je parierais que je tremblais comme une feuille morte en automne à ce moment précis. Elles étaient chaudes, douces et sucrées. Nous nous sommes embrassés quelques secondes seulement puis, sans avoir rien calculé, nous voilà en train de remonter les bras chargés vers cette salle bruyante où notre absence était passée quasiment inaperçue. Accueillis en héros grâce aux breuvages que nous rapportions, la fête est repartie de plus belle. Je ne savais pas faire autre chose que te regarder, mais toi tu as fait comme si de rien n'était durant le reste de la soirée.

Les jours, les semaines, les mois se sont enchaînés. Ce baiser n'avait pas entaché notre belle amitié qui continuait à grandir. Puis ça a recommencé. Un soir dans un recoin sombre, je t'ai volé un nouveau baiser. Un après-midi après le déjeuner, c'est toi qui m'a bloqué au détour de ce couloir désert. Tu m'as serré de tes bras puissants et tu ne m'as même pas laissé le temps de prendre ma respiration lorsque ta bouche s'est posée sur la mienne. On a rigolé, on aurait dit des ados se cachant des parents. Puis les choses se sont accélérées... Le travail est parfois long et périlleux, alors nous avions le droit à des moments de repos. C'était l'heure de la sieste. J'allais partir de mon coté lorsque tu m'as attrapé par le poignet, et cette fois encore c'est sans parler que tu m'as envoyé ton invitation. Ton invitation à te suivre dans cette chambre partagée où tu serais seul aujourd'hui. Je n'ai pas parlé non plus, je t'ai juste suivi et une fois à l'intérieur j'ai refermé la porte dernière moi. Une toute petite lampe éclairait de son timide halo la moitié de la pièce. Je t'ai regardé sans bouger, dans la pénombre. Tu t'es déshabillé sans un seul regard pour moi, comme si tu étais seul dans cette chambre. Tu as gardé pour unique vêtement ce boxer noir puis tu t'es allongé sur le matelas "une personne" sur le dos, les bras croisés derrière la tête, le regard tourné vers le plafond. Alors, timidement, j'ai aussi quitté mes vêtements et je t'ai rejoint. Il n'y avait pas beaucoup de place dans ce mini-lit, alors je n'ai eu d'autre choix que de me blottir contre toi. Allongé sur le côté, ma tête posée sur ton bras plié, mon bras gauche s'est posé sur ton torse chaud. Je n'avais pas envie de dormir. Ma main s'est agitée toute seule. Elle s'est mise à parcourir ta peau que je sentais frémir sous mes doigts. Mon visage enfouis dans le creux de ton cou, je respirais à pleins poumons ton odeur de mâle avant d'y déposer plusieurs baisers.

Je me rappelle que tu as légèrement sursauté lorsque ma main s'est échouée sur ton paquet épais. J'avais pris le contrôle, tu étais à ma mercie. Aussi hétéro que tu étais, mes caresses ont eu raison de toi. Ton sexe était bandé à son maximum lorsque mes doigts se sont introduits sous l'élastique de ton sous-vêtement. Elle était plus chaude que le reste de ton corps, cette bite dont j'avais tant rêvé. Elle était longue et épaisse, rien de disproportionné, simplement parfaite. Tes deux grosses boules pendaient en-dessous. J'ai rapidement baissé ton boxer, libérant à ma vue ta virilité qui m'hypnotisait. Nous nous sommes embrassés langoureusement pendant que je te branlais avec délectation puis, lorsque j'ai senti ta respiration s'accélérer, j'ai libéré tes douces lèvres sans arrêter mon étreinte pour autant. J'ai embrassé ton cou, mordillé le lobe de ton oreille, léché la peau sucrée de ton torse, laissant ma langue danser le long de tes abdominaux si joliment dessinés, jusqu'à ce que mes lèvres viennent se poser sur ton gland. Un gland chaud et humide, totalement décalotté. Il a rapidement disparu au fond de ma gorge, tu ne pouvais plus rester silencieux. Tes gémissements entrecoupés de halètements m'excitaient tellement que lorsque tu as craché ton jus sur mon visage, j'ai moi aussi balancé la sauce dans mon boxer sans même me toucher... tu m'avais mis dans un état second. Mais tu m'as vraiment fait chavirer lorsque, après m'être débarbouillé le visage et m'apprêtant à te laisser te reposer, tu m'as à nouveau agrippé et attiré contre toi. Ta respiration s'est rapidement transformée en un léger ronflement et en quelques minutes je t'ai rejoint dans les bras de Morphée.

Quelques mois plus tard, n'y tenant plus, nous avons joué avec le feu, en pleine connaissance de cause. Cet après-midi là tu as pris ton téléphone et, face à moi, presque sans honte, tu as appelé ta femme pour lui dire que "malheureusement tu ne pourrais pas rentrer cette nuit". Les aléas de notre boulot... on ne faisait pas toujours ce qu'on voulait, on faisait surtout ce qu'on pouvait. Mais ce soir tu n'allais pas rester au travail, tu allais me suivre jusque chez moi. C'était la première fois que tu venais dans mon appartement. Tu t'y es immédiatement senti à l'aise. On a ouvert une bouteille de vin, on l'a descendue tranquillement, en discutant, en riant, en s'embrassant... Jamais je ne m'étais senti aussi bien. Mais il ne fallait surtout pas que je m'accroche, que des sentiments naissent, car je savais qu'il n'y aurait jamais rien de plus qu'une nuit volée à nos quotidiens bien réglés. Combien de fois allais-tu pouvoir mentir pour venir me rejoindre en secret sans que cela ne devienne suspect? Très peu de fois évidemment, trop peu de fois malheureusement... Alors, au lieu de me morfondre à ces pensées, j'ai décidé de profiter à fond de ces moments près de toi. Cette nuit là, lorsque tu t'es allongé sur moi, dans mon lit, tu ne portais même pas de boxer, non! Tu ne portais rien du tout. Tu m'as embrassé avec assurance, puis avec passion, oui, c'était clairement de la passion. Et je t'ai offert mon corps. Tu m'as fait l'amour comme personne ne l'avait jamais fait jusqu'a ce jour. Pas la moindre douleur, a aucun moment, que du bonheur. Ta queue coulissait en moi au même rythme que ta langue roulait contre la mienne. Tu m'as pris avec tendresse, possédé avec amour. Je n'ai que rarement été passif mais ce soir-là, l'homme c'était toi et rien que toi. Tu m'as bien évidemment laissé caresser tes fesses lisses et musclées, mais je n'aurais même pas eu l'idée d'égarer un de mes doigts vers sillon inter-fessier, je te respectais bien trop pour ça. Nous n'avons pas dormi beaucoup cette nuit là, tu m'as baisé trois fois. Où est-ce qu'on a bien pu aller puiser toute l'énergie nécessaire? Je n'en sais rien... Je sais juste que malgré la fatigue, nous sommes arrivés au boulot le lendemain avec le sourire jusqu'aux oreilles.

Le temps est passé, rapidement, nous avons continué nos escapades coquines dès qu'on a pu le faire, trop peu souvent à mon grand regret. Mais chaque instant passé près de toi me remplissait de bonheur, d'une joie incommensurable que tu étais le seul à pouvoir me procurer, sans avoir besoin de prononcer le moindre mot. Tu étais devenu le gourou de notre secte, qui ne comptait que deux adeptes, toi et moi. Mais une boule d'angoisse grossissait dans mon ventre et dans ma gorge à mesure que le compte à rebours approchait de l'échéance fatale. Ton départ était proche, comme celui d'autres collègues. Avant le début des vacances, qui marquerait également le "grand départ", nous avons tous été conviés à une soirée dans un grand cabaret. Je voulais profiter de cette soirée entouré de tous mes collègues de travail qui étaient, pour la plupart, devenus des amis. Notre "groupe" représentait environ la moitié du public ce soir-là. Installés sur de grandes tables rectangulaires nous avons dîné dans une ambiance électrique. Le grand spectacle à débuté juste avant que le plat ne soit servi. Les danseurs et danseuses enchaînaient les numéros d'une bonne qualité. Tu étais installé sur la table derrière la mienne, nous étions quasiment dos à dos et même sans te voir je resentais ta présence. Une fois le spectacle achevé, la soirée ne s'est pas arrêtée pour autant. Le dîner était terminé et des artistes étaient venus chercher quelques clients pour les faire danser avec eux. Kenny a été le dernier à se faire entraîner par une femme vêtue d'un bustier en paillettes dorées orné de longues plumes rouges, vers le milieu de l'allée centrale pour quelques pas de danse endiablés. Alors que le musique changeait radicalement, la danseuse t'a dit que c'était à ton tour de choisir quelqu'un dans l'auditoire. Sans la moindre hésitation tu as marché dans ma direction. Comprenant ce qui allait se passer, nos amis se sont mis à rigoler. Pour la toute dernière fois tu as tendu le bras dans ma direction, oui, devant une salle de plus de 500 personnes tu m'as invité à prendre la main et à te rejoindre dans l'allée centrale.

Je me suis levé et, comme le premier jour où je t'ai vu, tout le monde autour de nous a disparu, je ne voyais plus que toi. J'ai attrapé ta main puissante tout en me levant et je t'ai suivi. La scène était comme ralentie, comme si la vitesse du temps avait été divisée par deux. Et là, sous l'hilarité générale de l'assemblée qui n'aurait loupé pour rien au monde ce qu'on pourrait appeler le clou du spectacle, je me suis jeté dans tes bras et nous avons démarré un slow on ne peut plus collé-serré. Les gens riaient à gorges déployées en regardant ces deux hommes enlacés se tortiller au rythme de la musique au centre de la salle. Mais moi je n'entendais rien d'autre que la voix cristalline de la chanteuse et ne voyais rien d'autre que les traits fins de ton visage à quelques centimètres du mien. C'est à ce moment-là, juste avant que le quatrième et dernier couplet ne débute, que tu as posé ta joue sur mon épaule et, tout en souriant à l'assemblée hilare, tu as murmuré au creux de mon oreille "si seulement ils savaient... ils riraient sûrement moins!".

MJnavyman

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