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Chapitre 5 |
J’ai du mal à trouver le bar. En fait je suis au milieu d’une cité appelée les Merisiers. Je ne suis jamais venu ici. C’est un peu sinistre comme quartier. Il fait nuit maintenant. Juste quelques personnes dans la rue. Un scooter de temps en temps. Je trouve enfin le bar en question. Un simple bar PMU au rez-de-chaussée d’une tour. Pas très cosy… Je suis 15 minutes en retard. À l’intérieur, un type derrière le bar qui discute avec un client au comptoir. J’aperçois Toni au fond de la salle seul à une table. Il me fait signe.
– Je m’inquiétais, je pensais que tu m’avais posé un lapin. Je me disais c’est pas son genre.
– Désolé pour le retard ! J’ai eu beaucoup de mal à trouver.
– Oui, c’est compliqué… J’imagine que c’est la première fois que tu mets les pieds ici.
Il sourit du coin de la bouche
– Oui en effet… Ça me fait plaisir de te voir je suis super excité de te rencontrer.
Le patron s’approche de nous : « on ferme dans 15 minutes »
– Moi aussi… moi aussi. Et tu veux prendre un verre rapide ici, avant que ça ferme ?
– D’accord
– Tu bois quoi ?
– Comme toi
– 2 pressions alors
Un peu de silence. Toni est calme. Plus calme que dans ces mails… On échange quelques banalités. Il me répète souvent qu’il est content que je sois venu, et qu’on va bien s’amuser. J’ai hâte de monter chez lui pour un week-end sans contrainte ! Pendant ce temps, le patron a commencé à retourner les chaises et à les mettre sur les tables autour de nous. Drôle d’ambiance. Toni finit sa bière en 3 énormes gorgées
– On monte ?
Je suis Toni derrière le bar, au bas de la tour. Il ouvre une petite dérobée qui donne sur une cage d’escalier en ciment, sans fenêtre. Il sort soudain sa queue.
– Suce-moi
Je suis surpris. Ça vient de nulle part. Je m’attendais à ce qu’on monte chez lui pour une longue séance de préliminaire, comme on en avait parlé.
– Tu veux pas monter plutôt ?
– Nan, j’ai vraiment envie d’une pipe ici, tout de suite
Je suis vraiment surpris, mais après tout ça fait longtemps que je rêve de le sucer et l’idée de faire ça dans un lieu semi-public est amusante. Sa queue est molle quand je la mets dans ma bouche. Ça m’étonne. Elle n’a pas vraiment bon gout. Je m’applique et il commence à bander doucement. Je suis fier de mon talent de suceur. Au fur et à mesure qu’il bande, il s’agite de plus en plus. Il commence à faire des va-et-vient brusques avec sa queue dans ma bouche. Ses mains saisissent ma tête et s’agrippent à mes cheveux, il me fait un peu mal.
– Ouais, vas-y suce moi
Il m’écrase carrément les tempes maintenant et me baise la bouche et la gorge sans ménagement. Je manque de m’étouffer. Je tousse et la salive coule en abondance de ma bouche. J’aimerais me libérer de ses mains, mais je n’y arrive pas. Heureusement il se décharge vite au fond de ma gorge.
– Oh putain oui, oh putain
Il relâche ma tête, baisse les yeux sur moi et reprend son souffle bouche ouverte. Mes tempes et mes cheveux me brulent. Soudain, il m’assène un violent coup de Doc Martens dans les couilles. Je hurle de douleur et tombe par terre. Il sort un couteau.
– File-moi ton portefeuille maintenant
Je me tords de douleur et n’en crois pas mes yeux
– Toni, t’es fou ou quoi ???
– File-moi ton portefeuille maintenant ou tu vas payer
Je me redresse doucement
– Reste à terre
Je sors doucement mon portefeuille et le lui tends. Il regarde partout, prend les billets de banque. 100 euros en liquide. Deux semaines de cours particuliers que je n’avais pas déposés à la banque… Il met le portefeuille dans son autre poche. Il sort ma carte d’identité et la prend une photo avec son smartphone.
– Comme ça j’ai ton adresse, c’est toujours utile
– Toni, qu’est-ce qui t’arrive ?
– Arrête de m’appeler Toni. Tu crois vraiment que c’est mon nom ? Lève-toi maintenant.
– Je t’en prie laisse-moi partir maintenant
– Suis-moi
– Je t’en prie laisse-moi partir, je dirais rien
– Bien sûr que tu diras rien. On va juste faire un petit retrait ensemble.
Je marche à ses côtés, terrorisé. On fait quelques pas en direction d’un distributeur de billets. Désert et silence. Personne dans les environs. Un passant de temps en temps, au loin. On s’approche du distributeur. Il sort ma carte bancaire. Je regarde au plafond, au cas où il y a une caméra de surveillance.
Je m’aperçois que la caméra de surveillance a été vandalisée. Il se marre et insère ma carte dans le distributeur. Il a ressorti son couteau.
– Tape ton code
Je suis paralysé. Mes doigts tremblent. Je n’arrive plus à me souvenir du code. J’essaie en tremblant. « Code incorrect ». Soudain il m’assène un aller-retour sur les joues. Gifle violente
– Tape ton code, bordel de merde
Je tremble encore plus. Je n’y arrive pas. « Code incorrect ». D’une main il me saisit la mâchoire et presse comme un fou. Il colle la lame contre mon visage.
– Ton code ?
– C’est… c’est 4412
Il tape le code… C’est le bon, je suis soulagé… Il consulte le solde et sourit.
– C’est bien… tu as bien économisé en effet
Je me sens tellement stupide et naïf… Comment j’ai pu parler d’argent à un inconnu sur internet. Je suis vraiment un imbécile.
– C’est quoi le seuil maximum de retrait sur ton compte ???
– Je… je… je crois que c’est 500 euros
Il retire 500 euros, et remet la carte dans sa poche. J’aurais pu essayer de m’enfuir alors qu’il était occupé à retirer l’argent. J’y pense après coup, mais je suis tellement pétrifié que je n’ose pas bouger. Sa main attrape mon oreille et une poignée de cheveux.
– Écoute-moi bien : je vais garder ta carte, OK ? Si par malheur tu bloques ton compte, touche à un centime de l’argent, je te défonce la gueule. Souviens-toi que je sais où t’habites. Tu n’aimerais pas que ton papa et ta maman voient les belles photos que tu m’as envoyées, hein ?
Je suis mortifié… je sue à grosses gouttes, je manque de m’évanouir
– Je t’en prie Toni, tu as mon argent et ma carte maintenant. Je ne dirai rien, j’te jure. Laisse-moi partir maintenant.
– Arrête de m’appeler Toni
Il me lâche et me pousse sur le sol. Il sort le portefeuille et le jette par terre. La moitié du contenu tombe en dehors. Il a gardé ma carte bancaire bien sûr.
– Casse-toi maintenant
Il me donne un violent coup de pied dans les couilles
– Et souviens-toi : je sais où t’habites. Si tu appelles les flics, ou touches à ton compte en banque, t’es mort. Allez casse toi.
Je ramasse mon portefeuille et son contenu et je me sauve en courant sans regarder derrière moi. Je prends le premier escalier de service et je cours dehors. Je cours sans m’arrêter pendant longtemps, car j’ai peur qu’il me coure après. Au bout de 10 minutes, une nausée me prend. Le fait d’avoir couru, la peur me donnent cette nausée. Je vomis. La moitié du vomi tombe sur mes chaussures et mon polo. Je m’essuie la bouche d’un revers de main. Je regarde autour de moi. Personne. Je ne sais pas où je suis, mais pas de trace de Toni. Je ne me sens pas en sécurité pour autant. J’essaie de regarder sur mon iPhone ou je suis. Je suis content qu’il ne me l’ait pas volé.
Je trouve un abri bus. Le prochain bus arrive dans 20 minutes. C’est le dernier de la soirée. Les images de l’agression me reviennent maintenant dans l’ordre, clairement. Je refais tout le film dans ma tête. Il fait chaud, mais j’ai des frissons. Je monte dans le bus. Les rares passagers me regardent. J’ai l’air d’un SDF. Je pue, je suis couvert de vomis. Accommodés par l’odeur, des gens changent de place. Je réalise que je n’ai même pas regardé où allait le bus. Je ne sais pas où je vais. Je veux juste m’échapper… La tête adossée contre la vitre du bus je me mets à pleurer. Les gens me regardent. Personne ne dit rien. Par chance le bus arrive à une station de train… Mais il est trop tard, j’ai raté le dernier train. Je suis sans argent. Je ne peux même pas prendre un taxi. Un Uber ne me prendrait pas dans mon état. Je me mets donc à marcher… Je dois rentrer à Versailles à pied. Je trouve mes directions sur Google maps. Quand j’arrive chez mes parents, il est 3 heures du matin… Je suis épuisé, je pue toujours autant. Je défais mes vêtements et me mets sous la douche. L’eau me fait du bien. Je me mets accroupi, et je pleure… longuement.
Je me mets au lit sur le ventre et je mords mon oreiller de rage. Je pleure encore plus fort. Tout est fini. Je n’ai plus d’argent. Toni va revenir me tuer de toutes les façons. Le moindre bruit me fait sursauter. Je sais qu’il va venir ici pour me torturer. Je m’en veux aussi d’avoir été trop naïf. Les larmes finissent par disparaitre. Épuisé de rage et de désespoir je m’endors vers 6 heures du matin.
Mon portable me réveille vers 9 heures du mat. Ma première réaction est que c’est Toni qui m’appelle pour me menacer. C’est juste ma mère qui prend de mes nouvelles. J’essaie de paraitre normal au téléphone. Je lui dis que mes révisions se passent très bien…
Le lendemain, les images de l’agression continuent de défiler dans ma tête. Le film repasse en boucle je ne peux pas me concentrer. Je révise à peine, et j’erre comme une âme en peine. Je n’ose pas sortir. Je suis persuadé que je vais me faire agresser.
Je me dis aussi que ma vie est finie. Je n’ai plus d’argent, pas d’avenir, condamné à supporter cet enfer familial pour de nombreuses années. Et puis je ne peux faire confiance à personne.
Je suis quelque part soulagé de voir mes parents rentrer le dimanche soir. Je me sens plus en sécurité.
Les jours qui suivent, je continue tant bien que mal les révisions, mais je n’ai pas la tête à ça. J’essaie maintenant de comprendre ce qui s’est passé avec Toni. Comment ce type a pu me mentir à ce point ? Ces mails étaient chauds et authentiques ? Comment un homophobe pourrait prétendre être gay avec autant de détails sexuels ? Ou bien est-ce homo lui-même qui déteste les homos ? Ça n’a aucun sens… Ce type est fou. Par curiosité je retourne sur le site. J’aimerais voir son profile pour voir si j’aurais pu repérer un signe avant-coureur. Mais son profil a disparu ! Il la probablement supprimé aussitôt après m’avoir agressé.
Je consulte mon compte en banque les jours qui suivent et je le vois se vider progressivement. Je regarde les dépenses. Un peu de tout, surtout des retraits en liquide, mais aussi des courses chez Carrefour. Il y a aussi des achats en ligne, des sex toys, et des abonnements à des sites gay SM ! Le pire c’est qu’il y a des abonnements à des sites de rencontres gay payants. Il chasse ses prochaines victimes. Ça me glace le sang…
Les examens arrivent et l’angoisse monte. Je ne dors pas beaucoup la nuit et je n’ai pas beaucoup révisé. J’ai dû faire beaucoup d’impasses.
La nuit je ne dors plus. Je me retourne dans mon lit. J’arrive à la deuxième journée d’examen sans avoir dormi.
Les examens sont finis maintenant. Quelque part je suis content de partir loin de Versailles, pour deux mois de vacances à Royan. C’est dur, mais tout est relatif.
La première semaine, je fête mes 19 ans en famille. Et je fais de mon mieux pour paraitre heureux. Pas sûr que j’y arrive aussi bien que l’année dernière.
Mais les jours qui suivent, tout s’effondre.
Je rentre de mon cours de tennis et je tombe sur mes parents rouges de colère. Ma première pensée est que Toni ait envoyé les photos (mes parents font suivre leur courrier pendant les vacances). Non, ils sont juste en train de regarder mes résultats d’examen. Ils fulminent.
– Est-ce que tu te moques du monde Louis Nicolas ?
Mon père lit à voix haute : « Droit des affaires 3/20, droit constitutionnel 2/20, anglais 6/20… tu veux que je continue ?? ». Le ton monte
S’ils savaient l’enfer que j’ai vécu cette semaine-là.
Ma mère en rajoute
– Déjà que la fac de droit ce n’est pas glorieux, si en plus tu as des notes pareilles
Pique au vif je réponds sèchement
– Qu’est-ce que t’y connais en études, tu n’en as jamais fait ? Tu t’es marié à 18 ans.
La gifle part. Mon père n’a pas supporté que je réponde à ma mère.
– Ne sois pas insolent avec ta mère ! Tu es la honte de cette famille. Même pas capable de faire une prépa. Tu choisis la voie du fainéant en allant à l’université et en plus tu doubles ta première année avec des résultats catastrophiques. Tu es vraiment la honte de cette famille. Finis les cours de tennis. On veut te voir reprendre tes cours de A à Z pendant ces vacances.
– Je suis majeur, je fais ce que je veux
– Cesse ces insolences tout de suite !! Tant que tu vis sous notre toit, tu obéis. File dans ta chambre !
Je m’effondre sur mon lit en larmes. Je touche vraiment le fond. Tout le monde dans ma famille a fait des grandes écoles, mais je suis un bon à rien. Et je vais faire une année d’étude supplémentaire. Ça m’éloigne encore de l’indépendance… Je n’en peux plus… Je n’en peux plus…
Soudain, le souvenir de Michel me revient en mémoire… Michel, il était gentil… Je lui envoie un SMS : « Michel. Je voulais te dire merci pour avoir été si gentil avec moi. Ici la vie est dure. Je n’en peux plus. Nico »
Sylvainerotic
sylvainerotic@yahoo.com
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