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Jour 17
J’aimerais bien pouvoir me branler. Mais mon pénis, dont la tumescence se prolonge depuis samedi, refuse de bander. Cette impuissance -que j’espère temporaire- accroît mes pulsions : ne pouvant décharger toute mon excitation accumulée, je suis en état de concupiscence permanente. Ma libido me démange sans discontinuer. Mes instincts les plus bas hantent l’intégralité de mes pensées. C’est un feu qui ne peut s’éteindre, c’est une boulimie de bestialité. Mes sens sont en alerte, à l’affût de tout ce qui pourrait satisfaire cette soif inextinguible de lubricité, cette incontinence pour la débauche, ce besoin irrépressible d’orgie sexuelle et de dépravation.
Je devais voir Yassine. J’étais en manque de lui. De lui, mais surtout d’humiliations. De pouvoir être à ma place de larve. Etre aux pieds. Présentement, il était le seul vers qui je pouvais me tourner. Comme un toxicomane en quête de sa dose, j’ai traversé les couloirs, franchi toutes les portes, et j’ai ouvert, les yeux pétris de désir, la porte de leur cellule. Sans même prendre la peine de la refermer, je me suis directement mis à genoux. Les trois comataient devant la télé. Mon intrusion les a-t-elle surpris ? Certainement moins que de me voir me présenter immédiatement dans cette position.
-T’as craqué ton slip ? m’a froidement demandé Yassine.
Je suis resté muet. Pour toute réponse, je me suis contenté de baisser la tête tout en croisant mes mains derrière. Le premier à bouger a été Mamadou, qui s’est levé pour refermer la porte de leur cellule. Comme s’il trouvait mon attitude impudique, et qu’il préférait que tout reste dans l’intimité de leurs quatre murs. Yassine a fini par descendre avec nonchalance de sa couchette. Il est venu se planter devant moi. Jambes écartées, pieds bien plantés dans le sol. Que sait-il d’Ayoub, de ce qu’il m‘a fait subir ? Peu importe. Voire tant mieux s’il est au courant des moindres détails. Car je suis venu aiguiser son appétit de vengeance. Je veux que Yassine me prenne pour son souffre-douleur. Qu’il me règle mon compte. Qu’il me détruise comme bon lui semble.
Avant, j’avais peur de lui et de ses potentielles réactions. Désormais, je n’en réclame qu’une seule que j’appelle de mes vœux : qu’il se défoule sur moi de la façon la plus sale.
Avant, je craignais ce qu’il pourrait me faire subir. Désormais, j’ai un besoin vital de ses sévices, comme un poisson a besoin de l’eau pour respirer.
Toujours est-il que Yassine a parfaitement compris qu’il allait pouvoir m’exploiter, au-delà de ses espérances les plus folles. J’ai été flatté lorsqu’il a passé sa main dans mes cheveux.
-Va récurer nos chiottes !
Mon nez a frétillé comme le museau d’un chien. A quatre pattes, je me suis retourné pour me diriger vers le coin sanitaire. Yassine m’a suivi, et est resté posté dans mon dos.
-Commence par lécher la bordure.
Chacun de ses ordres a été dit d’un ton extrêmement calme, qui contrastait avec l’enthousiasme qui m’habitait. J’ai sorti ma langue, fier de lui obéir. La cuvette en aluminium n’est pas munie de lunette et est encastrée dans le mur. A son aspect, on devine qu’elle est loin d’être neuve. De nombreuses rayures et bosses montrent qu’elle a déjà vu passer des légions de mecs pisser et s’asseoir dessus (ou plutôt, par souci d’hygiène, s’accroupir directement les pieds sur les rebords pour l’utiliser comme toilettes à la turque). Il y avait visiblement un moment que ces chiottes n’avaient pas été nettoyées correctement. Ma langue, sur la bordure, a le plaisir d’essuyer des gouttelettes de pisse fraîche, des tâches plus grosses de pisse séchée. De la vieille poussière est parfois incrustée. A un endroit, une trace de pisse ancienne a pris le motif des semelles de Yassine. En l’essuyant avec ma langue, je me suis complu à imaginer Yassine, chaussures aux pieds, accroupi sur le rebord, entrain de chier. La saleté -venue de la cour, des couloirs, de l’extérieur aussi sans doute- qui devait être collée sous ses skets venait parfumer l’âcreté défraîchie de leurs pisses mélangées. Simple tâche sans importance à ses yeux. Mais qui pour moi devenait un festin capable d’alimenter ma fringale d’humiliation. Mon regard a plongé vers le fond de la cuvette. Sans qu’on ait eu besoin de me le dire, j’ai poursuivi ma mission. Ayant commencé par le bord le plus extérieur, je devais plonger progressivement vers le fond de la cuvette. Plus ça a été, plus ma tête s’est enfoncée à l’intérieur. Décrivant des cercles concentriques, je ne voulais surtout manquer aucun recoin. Parfois, ma langue devait repasser plusieurs fois, afin de réussir à décoller un morceau resté collé. Il y avait les traînées d’humidité fixées sur celles de calcaire jauni. Cette sensation râpeuse associée à la froideur du métal m’indiquait à quel point ce que je faisais était contre-nature. J’en étais à laper l’eau qui stagnait dans le fond. Un morceau de papier hygiénique flottait mollement. J’aspirais l’eau pour l’attirer, et le mâcher entre mes dents. Je l’avalais, sentant sa matière fibreuse en décomposition descendre le long de ma gorge. Yassine devait être satisfait de mon travail, car il m’a donné un énorme coup de pied au cul qui a ravivé ma douleur postérieure. Suivi de l’eau de la chasse. Cette minable cuvette de chiottes était comme des fonts baptismaux, consacrant ma vie nouvelle. Yassine venait de me donner l’onction de l’esclavage.
Mamadou m’a regardé par-dessus le muret séparateur d’un air mi-amusé mi-dégoûté. Jules dormait comme à son habitude. Mes cheveux dégoulinaient. Mais contrairement à la fois précédente, j’étais heureux.
J’ai compris que ce serait tout pour aujourd’hui. Ce que m’a confirmé le petit coup de pied que j’ai reçu dans la fesse droite. Je me suis dirigé vers la sortie, ne me remettant sur mes deux jambes qu’une fois devant la porte.
-Reviens demain.
C’est par cette formule laconique, qui m’a comblé de joie, que Yassine a clôturé cette séance. Sur mon petit nuage, j’ai arpenté fièrement les couloirs jusqu’à mon bureau sentant, sous mon uniforme, encore de l’eau couler depuis mon cou jusque dans le bas du dos.
Médor fidèle
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