Il fait si sombre dans la cave du " Gold's boys ", qui sent le foutre ranci, que les vieux beaux à casquettes d'opérette n'ont pas intérêt à y perdre leur râtelier, sous peine de ne jamais le retrouver.
Assis sur une banquette, encadré par ses copains qui ont déjà un bon petit coup dans le nez, Alexis est en rogne. Coupe de cheveux undercut avec la touffe en bataille, belle gueule et bien foutu, il émerge de ses vingt ans. Il a le regard sincère, un tantinet scrutateur avec ce zeste d'angoisse qui renforce son charme.
Angoisse de ne pas plaire à ce prince charmant qu'il recherche en secret. Alexis, c'est un coeur de midinette dans un grand corps musclé.
Mais ce n'est pas ce soir qu'il va le rencontrer, son prince charmant. Cela tout simplement parce qu'on n'a encore jamais vu un cheval blanc descendre dans une cave pleine de pintades folles du cul. Ravagées.
Pour tuer le temps, en attendant son prince charmant, Alexis a essayé d'allumer un beau brun bien gaulé qui dansait seul sur la piste.
Il a étendu ses longues jambes moulées dans un jean slim pour exposer son gros paquet et ouvert un peu plus sa chemise pour révéler ses pecs bombés et son tatouage glauque. Il se la pête voyou méchant. C'est rigolo.
Alexis a besoin de plaire, cela le rassure. Gère-t-il ensuite ses conquêtes ? Pas si sûr. Il doute beaucoup trop.
Au début, le beau danseur a bien réagi à ses appels de phares. Amorcé qu'il était le mec. Mais maintenant ce con roule des patins baveux à un autre con, sous le regard dépité du jeune homme.
Pour faire ses armes, Alexis est passé d'étreintes en étreintes, brèves et trop souvent décevantes. Cela ne l'a pas découragé. Il est timide mais crâneur. Alors, il se bourre la gueule sévère pour se laisser embarquer plus facilement par n'importe qui, dans des plumards inconnus dont il ressort encore plus blasé.
Certains disent que c'est une petite pute et d'autres, plus indulgents, disent qu'il est malheureux.
Nous disions donc, qu'après avoir bien bu et bien rigolé avec ses copains, Alexis a maintenant les boules.
Sur une banquette en face de lui, un grand mec trapu l'observe avec un sans gêne qui commence à le gonfler grave. Nul qu'il est ce mec avec son pull rouge à col roulé has been. Une vraie tache !
Ce n'est pas du tout le genre décalé qui convient à Alexis. Certes que sous l'aspect " enveloppé " du mec on devine une solide musculature mais il est trop gros quand même.
Un point c'est tout, on ne va pas revenir la dessus !
De surcroît, c'est un vieux ! Au moins 35 balais qu'il doit avoir ce mec. Non, c'est pas possible !
Alexis siffle le fond de son verre et occupe son temps à fusiller du regard le couple maudit qui se roule des pelles sur la piste de danse. Le gros en pull rouge continue de le lécher des yeux. Une soirée pourrie !
Puis arrive l'heure tardive où la plupart se demandent ce qu'ils vont ramener dans leur lit.
Cette heure où les rires deviennent plus aigus, les regards plus insistants et que les faux Arnold Schwarzenegger, tartinés de fond de teint glowy, font rouler leurs muscles protéinés.
Cette heure fatidique où les mecs s'entre regarde en se demandant quelle chaloupe de sauvetage va bien vouloir les embarquer. Heure cruelle des déceptions et des compromissions.
Alexis se refuse à cette vente à la chandelle. De toute façon il n'aura pas le lot qu'il désirait.
Il a eu sa dose pour la soirée. Il se lève, fait la bise à ses potes et se casse.
Debout devant la porte du Gold's boys Alexis se drape dans son orgueil de solitaire et s'allume une cigarette. Une voix lui demande :
- Je peux te déposer quelque part ?
Le mec trapu au pull rouge est à quatre pas de lui, les mains dans les poches de son blouson de cuir. Il a les jambes plus longues qu'Alexis ne le pensait.
- Si c'est sur ton chemin, je veux bien. Ce soir, j'en ai plein les bottes.
- Tu peux venir aussi chez moi... si tu veux.
- Pourquoi pas. S'entend répondre le jeune homme.
Et vlan !! Il est tombé à pieds joints dans le panneau de la compromission ! C'est pas vrai !!
Il a la colère le Alexis. Il va se taper ce gros par dépit ? Pour ne pas rester seul ? C'est totalement nul !
Fataliste, il emboîte le pas du balaise jusqu'à sa voiture. Alexis est un grand mec bien baraqué mais l'autre le dépasse d'une bonne demi tête et doit bien peser son quintal. Il a pourtant le pas vif et alerte le gros.
Il se prénomme Pierre.
Sa voiture est une orgueilleuse Audi qui donne au jeune rebelle une irrésistible envie de graver des conneries dessus. Histoire de se passer les nerfs !
Ils traversent une proche banlieue et se garent devant un pavillon coquet. Le comble c'est que Pierre loge chez sa maman. Total ringard qu'il est ce mec.
Heureusement qu'il habite à l'étage et que l'escalier soit à l'extérieur.
L'appartement est vaste mais le mobilier années 60 est à gerber. Ça pue la propreté à plein nez. Monsieur Propre a dû s'éclater chez l'ami Pierre.
L'homme se plante devant le garçon immobile et le déshabille en prenant son temps. Il lui dit :
- J'aime bien ton petit nez cassé. Cette petite bosse, je trouve ça sexy.
- Il n'est pas cassé mon nez !... et mes lèvres, alors, que vas-tu en dire ?
Tu vas me dire qu'elles sont faites pour faire des pipes ??
- Non ! Elles me donnent envie de les embrasser. Pourquoi es-tu si agressif ?
- Je ne suis pas agressif, on cause, c'est tout. De toute manière, je n'embrasse pas. Point barre.
- Bon.
Quand le grand balaise se déloque, Alexis constate que Pierre n'est pas un gros.
Il y a certes un petit molleton de graisse sous la peau mais en dessous, il y a de solides muscles qui roulent comme une houle.
La taille est bien prise, les abdos visibles et les pecs découpés. Il a le poil fin et soyeux.
Il ferait un beau pilier de rugby, mais Alexis n'a aucun goût pour le rugby, il préfère le foot. C'est comme ça !!
le départ des festivités est laborieux. Il s'agit davantage d'un gros câlin que d'une bonne baise traditionnelle d'un samedi soir. Ça lambine, ça s'éternise...
C'est un slow à l'horizontal... il ne manque plus que " Strangers in the night " de Frank Sinatra.
Et que je te suçote les tétées, et que je te lichote les roubignoles, et que je te branlotte le zizi. Alexis à vite l'impression d'être un esquimau à la framboise. Il n'en peut plus ! Il grogne :
- Je ne suis pas une porcelaine de Chine, sais-tu ?
- Pourquoi tu me dis ça ? Bafouille le Pierre, surpris par le ton revêche du garçon.
- Parce que tu me suçotes et tu me tripotes comme si tu avais peur de me casser... tu vas m'emballer dans du papier bulle si ça continue !!
L'homme baisse la tête avec un petit air malheureux qui met Alexis un peu dans l'embarras.
Il a été un peu brutal avec ce pauvre balourd. Pour un peu il regretterait presque ses propos. Mais déjà Pierre redresse la tête et lui plante un regard décidé dans les yeux.
- Tu as peut-être raison Alexis parce que, en réalité j'ai une grosse envie de me comporter d'une autre façon avec toi. A ma façon !
- Alors, pourquoi tu ne le fais pas ?
- Parce que tu me plais. Dès que je t'ai vu tu m'as plu mais j'ai bien compris que ce n'était pas réciproque. Je voudrais te plaire mais je ne sais pas trop comment m'y prendre.
- Ça, tu peux le dire ! Tu n'as pas encore trouvé le mode d'emploi, c'est sûr.
- Probable. De plus, je ne suis qu'un pis aller pour toi, ce soir. Tu t'es rabattu sur moi parce que le mec que tu allumais s'est tiré avec l'un de tes potes. Pas vrai ?
Là, il n'est pas content Alexis, vexé qu'il est. Il balance un regard mauvais à l'impudent. Ses prunelles noisette prennent des reflets verts. Il fomente déjà une revanche. Il va lui faire payer ça, au gros ! Il a enfin trouvé un défouloir pour sa hargne et son dépit.
Mais l'homme a tout lu dans ses yeux et il rigole en en rajoutant une couche :
- Finalement, sous tes airs de gentil garçon, tu es une petite peste. Pas vrai ?
Trop, c'est trop ! Alexis se renfrogne encore davantage. Un silence pesant s'installe.
À plat ventre, appuyé sur les coudes entre les jambes écartées du jeune homme boudeur qui
s'est adossé à un oreiller, Pierre semble réfléchir.
Puis il dit, avec un rien de nostalgie dans la voix :
- Écoute, je sais maintenant qu'on ne se reverra plus jamais, alors perdu pour perdu, soit je te ramène chez toi, soit je te baise comme j'ai envie de le faire depuis le début. Comme ça, nous n'aurons pas tout à fait perdu notre temps.
- Voilà qui est bien dit, mec. Range ton papier bulle et baise-moi à ta façon.Tu verras, je suis plus solide que tu ne le crois. Provoque témérairement le Alexis, d'un coup intéressé.
- Je n'en doute pas un seul instant ! Rétorque Pierre avec une voix devenue soudain grondante.
C'est quand l'homme lui saisit les chevilles pour le faire glisser, sans effort, sous lui que notre beau héros comprend qu'il a réveillé un grizzly en hibernation.
Sans brutalité mais avec détermination, l'homme se couche sur Alexis. L'étouffe à moitié sous son poids et saisit ses poignets pour les bloquer. Ainsi installé, il entame son festin. Il lui bouffe, lui dévore les seins, la gorge, les aisselles, les biceps à pleine dents. Les tétons du jeune gaillard ne sont plus que des chewing-gums.
La langue alterne avec les dents. La bouche dispense autant de plaisir que de douleur.
Alexis est loin d'être un rachot mais sous le poids et la force de Pierre il ne peut pas faire grand-chose d'autre que de subir sa goinfrerie. C'est l'histoire de l'Ogre et du Petit Poucet qui cette fois-ci s'est fait coincer.
Tant pis pour lui !
Ça dure et... ça dure encore. Alors Alexis s'abandonne, résigné, à l'appétit du cannibale.
L'épreuve est parfois rude mais après tout se dit-il : ne l'ai-je pas un peu cherché ? Résultat, je suis en train de me faire bouffer tout cru... faut reconnaître que ça ne me déplait pas...
Il beau joueur ce garçon. Il faut le reconnaître.
Mais ce n'est que le début...
L'ours apparemment pas repu, se redresse, contemple un instant le torse luisant de bave puis retourne sa proie d'un coup de patte pour se ruer sur son petit cul bien bombé.
Le mufle enfoui entre les fesses rondes d'Alexis, il lui bouffe le cul à pleine bouche en grognant.
Il doit avoir une langue d'un mètre de long parce que sa proie se cambre comme un arc en poussant des râles qui ne vont pas tarder à réveiller la petite maman qui roupille bien tranquille au rez-de-chaussée.
Après avoir bien préparé le terrain, le grizzly, se redresse pour coiffer son monstre d'une capote XXL avant de l'enfoncer impitoyablement dans la petite rosette lubrifiée.
C'est un peu comme l'intrusion du GIGN dans l'appartement d'un présumé terroriste !!
Alexis gueule et se cramponne aux draps. Il est cloué au matelas et se demande s'il ne rêve pas.
Un machin énorme lui fracasse la prostate manière pilon... et ça dure... et ça dure encore...
Quand les bombes cessent enfin de pleuvoir et que l'escadrille de bombardiers s'éloigne vers l'horizon nocturne, voilà pas que gros Nounours le retourne comme une crêpe pour lui saisir les chevilles et poser ses jambes sur des épaules de docker.
C'est maintenant l'hallali. C'est la défonce totale !!
On ne rigole plus. Alexis n'est plus qu'un trou qui gueule, une pathétique petite chose perforée.
On est passé du slow caressant au popurri rock and roll !! Ça rythme !!
Tout en l'empalant jusqu'au gosier, l'ours des cavernes lui pistonne durement la queue et lui écrase les couilles d'une poigne de fer.
Terrassé par un orgasme bestial fait autant de plaisir que de douleur, notre arrogant et brave héros - si sûr de lui - crache et se vide de son foutre comme ce n'est, humainement, pas possible. Il est mort.
Mais son agonie a été vraiment très, très, très bruyante...
La petite maman, à l'étage en dessous, doit avoir sorti le fusil de grand-père.
Elle doit maintenant courir de fenêtre en fenêtre... prête à canarder la moindre ombre qui bougerait.
Tout le quartier doit être sur le pied de guerre. Toutes ces clameurs... c'est une révolution... une guerre ???
Les bras en croix, ruisselant de sueur et pantelant Alexis ressuscite péniblement sous les tendres caresses de Pierre. Pierre a les yeux verts. Ils sont étrangement mouillés. Il murmure :
- Je t'aime déjà tellement, ma petite salope.
L'homme saisit délicatement une main du grand fanfaron démoli, la porte à ses lèvres, puis avec une inconcevable tendresse, en embrasse la paume avant de la reposer doucement sur le drap froissé. Appuyé sur un bras, il veille sur le grand garçon qui garde sagement ses yeux clos.
Après avoir bu un café ensemble, Pierre raccompagne Alexis chez lui. Le colosse travaille dans le pétrole. Il sera absent pendant un mois, il part loin sur une plate-forme marine, à l'étranger. Le sombre garçon s'en fout !
Ils n'échangent pas leurs numéros mais l'homme glisse quelque chose dans une poche du jeune homme. Quand l'Audi s'éloigne, Alexis découvre un billet de 200 euros plié autour d'un bout de papier sur lequel est écrit : " Je serais au Gold's boys le 17 novembre. ".
Ulcéré d'être traité comme une putain, le jeune homme renifle de dépit mais garde le billet et le mot. Il shoote dans une poubelle, histoire de réveiller les paisibles bourgeois, et se dirige en grommelant vers son domicile.
Un mois passe... dans la tête d'Alexis, ça tourne bizarre...
Le 17 novembre, en affectant un air détaché, Alexis sonde du regard les ombres glauques du Gold's boys.
Il cherche en vain un pull rouge. Un froid le glace. Échec... comme d'hab... Mais...
Pierre n'est pourtant pas loin. Bras étendus sur le dossier d'une banquette, jambes croisées et un très irritant petit sourire aux lèvres, il fixe de ses verts la surprise du jeune orgueilleux.
Il est tout vêtu de noir, il est bronzé et il a minci. Ses épaules tendent le tissu de sa chemise. Il est plein de muscle. C'est un grand ours noir qu'il ne faudrait pas venir trop taquiner.
Alors, Alexis, tout cambré dans sa fierté bafouée, droit sur ses ergots, se plante devant lui et lui tend le billet de 200 euros en glapissant :
- Saches, mec, que je ne suis pas une pute au rabais ! Reprends ton putain de fric et carre-le-toi bien profond dans le train.
Pierre saisit le gros billet et après l'avoir embrassé, le tend au jeune homme en lui disant :
- Pour ce prix, pourrais-je avoir un petit baiser de toi, Alexis ?
Alors, sous les yeux ahuris de ses copains d'hier, Alexis prend le billet et s'assied auprès du grand ours noir pour lui tendre ses belles lèvres.
La langue de Pierre est autoritaire mais si douce aussi. C'est la grosse pelle du siècle !
Broyé par les gros bras d'un ours noir qui ne le lâcheront désormais plus, Alexis devient soudain heureux.
(Remerciement à Alexis qui m'a prêté son corps et son caractère pour écrire cette histoire.)