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Agriculteur

Saison 7 | Chapitre 13 | Marcher en paix avec soi-même

Je regarde Lecourt approcher devant la grangette. Le soleil lui fait plisser ses yeux. Ses mains enfoncées dans ses poches le font rouler des épaules. Délaissant son blazer d’élu consulaire, il a repris sa tenue de paysan, une chemise à col ouvert et manches enroulées dans un pantalon de travail, un beau mec, tel qu’il est gravé dans ma mémoire. Il répète :

- « alors, Julien, cette balade … »

Je me retourne vers Noisette qui continue de se bâfrer d’herbe tendre tout en orientant ses oreilles en tous sens.

– « ce matin, j’ai voulu reconnaitre un nouvel itinéraire, un beau chemin légèrement vallonné que nous avons d’abord parcouru au pas pour vérifier s’il y avait des obstacles. Elle a docilement accepté de faire demi-tour puis, quand elle a vu que, revenus au point de départ, nous allions reprendre le même tracé, elle frétillait d’impatience sous la selle. Elle avait compris que nous allions le refaire au galop… elle est aussi casse-cou que moi ! »

- « en tous cas, tu peux être fier de ta bête, Julien ! Ce dos tendu, cette arrière main puissante, on voit qu’elle est bien travaillée et bien soignée. »

Pour dessiner les lignes de la jument dans l’air, bras tendu, Lecourt s’est mis de trois quart à mon côté. Accessoirement, il a également posé sa main gauche à plat sur mon propre dos nu. Sa main dont la chaleur m’irradie, sa main magnétique, qui aimante mes terminaisons nerveuses, oriente mes poils ... Et, d’un coup, je suis débordé. Je prends une inspiration profonde, tête en arrière, les yeux fermés, je gronde :

- « tu n’as pas le sentiment d’abuser, là, patron ? »

Mais il part d’un petit rire sec et reprend, la voix claire et déterminée.

– « Pas le moins du monde, Julien ! … Et puis, celle-ci, tu me l’as déjà faite ! Mais, désormais, je ne suis PLUS ton patron et tu n’es PLUS mon stagiaire ! » Il fait claquer sa langue contre son palais en signe de dénégation et souffle : « Tu es le tentateur »

Je jurerais que sa main vibre. Je tire quelque chose de ma poche et lui présente dans ma paume ouverte.

– « J’ai apporté un objet fétiche, à ton intention »

Il se penche et s’empare du petit carré de carton qu’il déplie.

- « laisse-moi me souvenir … cet étui, c’est pour la sécurité et celui-ci pour faire glisser*. » Il referme chacun de ses poings sur un des deux carrés et plante ses yeux dans les miens « et maintenant, travaux pratiques, gars Julien ». Quand il avance d’un pas sur moi, il m’oblige à reculer d’autant vers la grangette mais je ne le quitte pas des yeux, je veux lire la connivence du jeu entre nous, ce lent cheminement, le velours étincelant de sa prunelle qui me le fait paraitre encore plus désirable, cette bouche entrouverte d’un sourire entendu …

Sa bouche a gardé le goût du café sucré, celui des canards qu’enfant, je plongeais dans la tasse de mon père à la grande contrariété de ma mère.

Son baiser est vorace et tout son corps me presse, me repousse dans la pénombre protectrice, m’adosse aux gradins de l’empilement des bottes de foin. Il ne cède que pour exiger : « à poil, gars Julien ! » mais il renoue aussitôt farouchement sa langue à la mienne et ses deux poings toujours serrés sur son torse, tandis que je me contorsionne pour me défaire du seul oripeau qui me reste : ma culotte d’équitation, pestant à cette occasion qu’elle soit aussi près du corps. A l’instant où je suis déséquilibré en libérant ma seconde cheville de son fourreau de coton élastique, il me fait basculer à plat dos sur une botte, barre mon abdomen de son avant-bras et engloutit ma queue.

Putain, la pipe de Lecourt … Instantanément, je manque d’air, je suis bandé comme un arc et submergé par ce trop de volupté, quasi insoutenable … Tétanisé ! Il me tient !

– « Alors, gars Julien, on fait moins le matamore »

Il froisse un carré entre ses doigts et, son contenu identifié, le déchire. Il saisit la capote par le réservoir, en coiffe ma bite, la déroule d’une main ferme comme pour une démonstration puis insiste à deux mains, massant, pétrissant, masturbant, secouant avec des « là ! » de satisfaction comme s’il tassait la chair remplissant un boyau à saucisson à la Saint Cochon et en chassait soigneusement tout l’air. Il saisit ensuite le second étui, le perce et, soudain, s’écrase sur moi.

Simultanément, sa grosse langue de mufle envahit ma bouche et un doigt tendu me perce le fion. Crispation ! Mais pour une seconde seulement, une seule, tant ce salaud a visé juste. Sa langue, souple, qui maintenant volète en parade avec la mienne et son doigt qui ranime cette chaleur dans mon fondement … J’en suffoque ? Il s’applique et ricane :

- « désormais, on veille à équilibrer les comptes, Julien »

Et il se redresse. Profitant d’un fléchissement relatif de ma queue, il en arrache le latex au passage, puis il me délaisse pour délacer ses chaussures en sautillant sur un pied tandis que je rassemble mes esprits. Je m’approche, l’encadre de mes bras alors qu’il gesticule pour dégager ses chevilles de son pantalon. Déboutonner sa chemise et me coller à lui quand il lève ses bras par-dessus tête pour ôter son marcel d’été à fines cotes, plonger mes deux mains dans sa broussaille jusqu’à la moiteur des aisselles, y noyer mon visage, respirer son odeur, me presser contre lui dans ce léger crissement des pilosités affrontées …

Accrocher à deux mains l’élastique du slip coffre-fort, tirer vers l’avant en tombant à genoux pour que sa queue me bondisse au visage, la prendre en chasse, bouche ouverte, l’engloutir et me délecter de sa mouille filante, un peu acre. Entamer une pipe lente et appliquée tandis que mes mains enveloppent ses hanches, glissent sous la ceinture, entre la toile et ses globes puis décoller les poignets pour faire glisser le coton et dévoiler ses sphères poilues qu’enveloppent maintenant mes paluches en étoile. Débarrasser patiemment chacun de ses pieds de cette armure, puis remonter le long de ses solides appuis …

Et le voilà qui se dérobe et pivote sur lui-même, cuisses fléchies, en appui d’un avant-bras sur la paroi d’herbes sèches, de l’autre main sur son genou, il s’offre et, à chacun de mes coups de langue, il casse ses reins pour me faciliter l’accès à sa rondelle, avec de petits souffles chassés et des aspirations sonores. Moi j’adore ça, l’entendre souffler, geindre, le voir se plier pour venir chercher la caresse. Puis nous rejoindre pour un baiser qui a le goût du soufre de l’enfer … et c’est tellement délicieux !

Il se contorsionne, tête renversée, son dos contre mon torse, roulant de la taille pour frotter son cul contre mon bas ventre, coinçant ma bite, écrasant à demi mes couilles ... C’est brouillon, désordonné … jusqu’à ce qu’enfin, ma bite s’oriente dans son sillon. Et alors tout coulisse, tout va de soi.

Petites interventions techniques, une main s’insinue, une cuisse se soulève, une grande goulée d’air et mon gland trouve son nid, creuse son gîte, fore doucement son terrier … Lecourt exulte, d’un coup, battant l’air du bras, et se cambrant brusquement pour m’aspirer dans un grognement :

- « putain Julien, mets-la-moi profond, hummmm »

Je suis aussitôt soulevé par un spasme, un autre, un hoquet ... Si, mais si seulement il n’avait rien dit ! Je m’effondre.

Voilà qu’il me prend souplement dans ses bras, m’entoure, soulève mon menton d’un doigt pour déposer un bref baiser sur mes lèvres, m’allonge et vient, à quelques millimètres au-dessus de moi, en appui sur un coude pour me caresser avec légèreté de sa main libre, sa bouche souffle à mon cou, chacun de ses poils crochetant les miens, sa peau chaude en touches brèves, me perdre et m’entrainer dans ses cajoleries. Les yeux fermés, je laisse mon esprit voguer au gré de cette douce tendresse enveloppante, comme dans une rêverie ouatée qui préserve et entretient subtilement notre tension érotisante.

Quand, à nouveau, je sens mes reins soulevés par la houle du désir, quand ma bite perçoit à nouveau la volupté, fraiche et humide, de sa caresse, je reviens à moi, et cette conscience brise soudain la léthargie qui me berçait :

- « Lecourt ! »

Je le renverse et nos deux bouches se soudent. Il avait conduit ma barque dans cet entre-deux après l’éclair de la jouissance, sans m’abandonner, ni aux courants, ni aux vents froids. Il avait déployé autour de moi, une bulle protectrice où avaient continué à battre mes sens, avec légèreté et suavité et, après avoir flotté cent ans, je me réveille dans ce baiser.

Et lui se retourne, dos large à la peau d’autant plus blanche dans la pénombre, il rapproche ses avant-bras pour y enfouir son visage tout en remontant ses fesses contre mon bassin, encadrant ma queue raidie. Je n’ai qu’un léger mouvement à faire et, dans un mouvement conjoint mais symétrique, nous voilà à nouveau réunis dans la constellation du Centaure. Enfin !

Assurer la position, se laisser gagner par la souplesse. Son pied droit crochète mon genou par derrière quand ma main gauche affermit sa prise sur son épaule. Soupirs de relâchement. Il gonfle son torse, cambré et la pulpe de mes doigts le parcourt pour le hérisser de frissons. C’est maintenant lui qui est entre mes bras et moi, je deviens le gardien de ses émois, je les entretiens, les alimente.

Il lance son bras vers l’arrière, s’accroche à moi et découvre son flanc, l’orée de ses savanes, la peau fine et laiteuse, fragile, et son téton dressé. Tout ce qui accompagne, souligne, amplifie chacun de mes va et vient, accélère son pouls, précipite ses souffles courts, bouche ouverte. Il s’appuie à la paroi, membres pliés à angle droit, rein cassé, et je le saisis fermement par les hanches. La machine est lancée, métronomique, puissante à l’effort, déterminée, virile. Les masses claquent l’une contre l’autre, les tensions s’exacerbent. C’est le rut aveugle, qui affole nos cœurs battants et fait perler la sueur …

Freins bloqués. Nous sommes engagés l’un et l’autre autant que possible, bandés, serrés, cramponnés, figés. Respirer dans la conscience de nos vertiges. Nous accorder, nous allonger, en cuillers, les bras en orbe. Puis les souffles et les murmures reprennent comme une mélodie du plaisir, avec ses thèmes, ses crescendos, ses silences, ses attaques… Je l’écoute et je l’attends. Son souffle qui s’accélère, ses infimes tensions, les frissons que je fais naitre çà et là, pour le détourner … Puis soudain, sa main qui m’agrippe, son torse qui se soulève, sa crispation qui m’emprisonne et son sursaut qui l’entraine avec lui, en cascade, en rebonds.

Soudés, secoués, poisseux, souffles coupés, étourdis.

Me pencher sur lui, le nez dans la légère salière de sa clavicule, là où la peau est fine et glabre, pour retrouver mes esprits en le respirant. Faire glisser une main dans sa fourrure, doigts écartés en râteau et écraser de ma paume ses traces humides. Son soupir d’aise. Il se rétablit, assis à mon côté.

Métamorphose ! Sous mes doigts étonnés, sa peau semble ne plus être la même ! Sa chair semble soudain se raffermir et, à le toucher, même son corps a changé. En place du vertige, de l’abandon, des effusions, s’installe un autre discours, tout aussi complice, confiant, mais sobre, détaché, implicite. Il a déjà repris le cours de sa vie, retrouvé la distance qui nous préserve où je lis pourtant un lien viril et renforcé, la confirmation de sa loyauté.

J’aime cette retenue qui m’oblige, exigeante et ambitieuse. Je rencontre dans ses yeux un ancrage et une certitude : c’est bien ici que j’ai choisi de vivre. A ses côtés.

Agriculteur - EPILOGUE :

Après le départ de Lecourt et pour rentrer aux Chênaies, j’ai décidé de ne pas remonter une Noisette au ventre gonflé pour s’être goinfrée d’herbe. Marcher un peu me dérouillera les jambes et me laisse à réfléchir. Je me revois, adolescent hagard qui gesticule en tous sens parce qu’il sait qu’il n’est pas ce à quoi on le destinait, qui se combat, se mortifie.

Et je me vois aujourd’hui, cheminant au rythme du pas cadencé de Noisette qui souffle bruyamment dans mon dos … Cette longue métamorphose pour parvenir à être moi-même et à m’établir, dans ma singularité. Car si nous sommes TOUS/TOUTES des humains égaux en dignité et en droits, nous devons, contre un modèle unique écrasant, exclusif, exposer, pour la défendre, une nouvelle norme : celle de notre diversité. OUI, nous sommes égaux … dans notre diversité.

Je vais calmement « dans les sentiers, picoté par les blés, foul(ant) l'herbe menue … rêveur … Je laisse le vent baigner ma tête nue *² », je suis en paix avec moi-même.

Aujourd’hui commence ma vie d’adulte, celle que j’ai choisi de me construire.

Et ceci est une autre histoire.


« La littérature, comme toute forme d'art, est l'aveu que la vie ne suffit pas.»

Fragments d'un voyage immobile : Un inconnu de lui-même. Fernando Pessoa

* Voir agriculteur saison 1-02 : La grangette

Poésie

Merci à CYRILLO pour sa constance à faire vivre ce site qui m’a librement permis de vous faire lire mes écrits ;)

Merci à tous ceux qui m’ont déjà fait part de leurs remarques, de leurs compléments et/ou de leurs encouragements, tout cela est très dynamique et a contribué à l’aboutissement de ce projet : raconter ce moment décisif de la vie de Julien ;

et, si son histoire vous a plu, vous allez retrouver Julien … plus tard.

Fin de la série, à bientôt.

Amical72

amical072@gmail.com

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