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Premier épisode | Épisode précédent

Agriculteur

L’envie persiste de poursuivre la narration des aventures de Julien, comme plusieurs d’entre vous m’y ont encouragé, avec des souvenirs qui viennent l’alimenter où sont un peu bousculés le temps et l’espace. Voici donc la saison 5, en espérant qu’elle vous offre de bons moments, qu’elle vous donne envie d’une fierté d’être tels que vous êtes et le gout du plaisir partagé.

Saison 5 | Chapitre 1 | Magret

 

Il a laissé un mot à mon intention à la vie scolaire « attends-moi à l’Ambassade, à la gare. Je t’emmène diner. A. L. »

Ensuite, toute la journée à garder une contenance avec ce truc chaud dans le ventre, ces questions, cette impatience, cette curiosité joyeuse. Ce bonheur de l'attente, l’appétit de la nouveauté, des possibles : que me réserve-t-il ? Il me semble que le monde est un jardin où il n’est besoin que d’être disponible pour profiter de ses largesses, petites ou grandes. Aussi j’ai développé un savoir-être très diplomatique de bon garçon, propre sur lui, poli sans excès, discret sans être effacé, loyal, aimable … Qui me fait passer partout ! D’ailleurs, à mon étonnement, les appréciations générales sur mes bulletins trimestriels ont, à plusieurs reprises, fait mention de ces aptitudes sociales, comme « dignes d’un bon délégué de classe ». J’en ris ! Intérieurement, bien sûr.

Je suis assis derrière la vitre de l’établissement, à siroter un diabolo en observant les allées et venues sur le parvis. Les gares sont bouillonnantes de vies. Entre attente, voyage et départ, le temps ouvre des parenthèses où s’engouffrent des instants de liberté ; il suffit de regarder pour les entrevoir, mais une attente m’envahit déjà et me comble.

D’un coup, sa grande ombre debout à mes côtés, il me tend la main :

- « bonjour Julien » Je vois d’abord ses larges épaules à contre-jour, puis ses yeux qui sourient dans les miens. Nos paumes se touchent, sèches et râpeuses, chaudes aussi. Il est en tenue de ville, tombe la veste, lève le bras pour commander un demi puis s’assoit, face à moi. Il prend le temps de rouler les manches de sa chemise au col ouvert, relève les yeux et m’interroge du regard :

- « j’ai pu bosser au CDI, je suis à jour. Donc, j’ai ma soirée, patron »

- « parfait ! » Il pose ses mains, doigts croisés : « Pour moi, conseil d’administration à la banque, pff, crevé ! J’avais besoin de voir un autre visage. Je me suis dit que ça te changerait de l’ordinaire de la cantine »

- « La cantine me va, patron, mais ça, c’est sympa, merci »

C’est une litote, c’est cela ? Une « figure d’atténuation », bien utile pour contenir la joie qui bringuebale dans ma poitrine. A huit ans, j’aurais sauté sur place d’impatience pour connaitre ce qui m’attend. Aujourd’hui, grand merci, je sais me refréner, mais, à voir son petit sourire, mes yeux doivent clignoter. Et je devine l’effet que mon enthousiasme produit sur lui. Là, assis face à face à cette table carrée bancale, devant une limonade et une bière pression, j’ai la sensation d’un tourbillon qui court sur nos peaux de l’un à l’autre et redresse nos poils, d’un flux qui n’emporte que nous seuls. Mon regard glisse sur sa joue, son menton qui s’ombre déjà, le long de son cou. Il s’infiltre dans sa chemise par le col dont un seul bouton est défait. Je l’imagine se frayer un chemin dans sa broussaille jusqu’à atteindre la tendreté du mamelon. Il gronde :

- « Julien … tu rêves ? » Si, de la sorte, il me ramène à moi, qu’il n’imagine pas pouvoir me décontenancer pour autant ! Je m’empare de mon verre ; l’esprit joueur :

- « non, non, patron. Je laisse juste filer mes pensées. Tu ne parviens pas à les suivre ? » et je bois une gorgée. Protégé par le verre, mes yeux saisissent dans les siens un éclat qu’il s’efforce d’atténuer mais je vois également que sa poitrine se soulève amplement.

Pas que la poitrine si j’extrapole mes propres émotions raides et humides. Je lui demande :

- « et où m’emmènes-tu ? » Comme je m’y attendais, il élude :

- « tu verras bien » et c’est justement ce petit mystère qui nourrit notre plaisir ; moi, celui de m’en remettre à lui en toute confiance et lui, celui de piquer ma curiosité et de me guider. Nous marchons vers le centre ancien, jusqu’à un hôtel médiéval qui abrite un restaurant sous les voutes de ses salles aux multiples recoins. Le décor est rustique et le personnel chaleureux. Le patron prend les choses en main :

- « je veux te faire gouter quelque chose, Julien » Il ne me laisse que le choix du dessert. Pendant ce temps, il a commandé du vin et le sommelier lui présente la bouteille mais c’est à moi qu’il demande de gouter. Je suis à la fois flatté et pas très assuré. Je mire la couleur sur la serviette : soutenue et profonde puis j’inspire une première fois avant de faire tourner le liquide et de remettre mon nez au-dessus du breuvage puis de prendre la première gorgée en bouche. C’est un vin puissant dont me parvient un arome de fruits rouges, parmi lesquels je distingue le gout du pruneau ; un vin du sud assurément. Le patron hoche la tête, goute à son tour, évoque un parfum de chocolat. Il m’accompagne, m’explique l’origine, les cépages et me guide vers d’autres découvertes. Le vin est un des rares domaines, avec la gastronomie, qui le rende loquace et nous trinquons en complices.

Puis le serveur nous apporte les assiettes : rosace de magret de canard gras au poivre vert façon André Daguin*, entouré de ses pommes grenailles. La fine peau quadrillée et grillée croustille. Dessous, le gras est fondant, la viande saignante et moelleuse, soulignée par le feu du poivre apaisé par la crème. Putain, la gourmandise est sans conteste un péché capiteux. Les yeux fermés, je respire lentement pour faire tourner encore en moi tous les effluves épicés. Puis je saisis mon verre, le lève vers lui et m’aperçois alors qu’il m’observe déguster, lui, et ne se tient pas de sourire. Tout aux plaisirs, je lui avoue avec les yeux ronds :

- « mais qu’est-ce que c’est bon ! » On fait tinter délicatement nos verres. « Cette viande rouge … gorgée de sucs… » C’est en les prononçant que j’entends mes paroles et que se fait le rapprochement. Je suis confus et rougirais presque de ma naïveté. J’ajoute :

- « ça ne pouvait que me plaire, c’est juste ce que j’aime partager avec toi, patron » Il hausse un sourcil, me regarde de biais avec une petite moue :

- « et pourquoi penses-tu que j’ai commandé ce plat, hummm, Julien ? » Putain, des flashs de son corps m’apparaissent maintenant à chaque bouchée. Il me rendrait cannibale, ce mec. Il est secoué d’un petit rire étouffé et me tapote d’une main « reprends-toi, Julien » Moi, je sais que je viens de contracter encore une dette envers lui, qu’il vient de m’ouvrir à des sensations que je n’aurai de cesse de partager avec lui. Et que nous serons nus.

Avec la fin du repas, je m’essaie à un ton détaché pour demander :

- « tu me ramènes au bahut maintenant ? » Il consulte sa montre, hausse les sourcils « Ah oui, il est l’heure » puis soudain il fait la moue :

- « je crois que j’ai trop bu pour conduire, tu prendras plutôt le car demain matin » Mon cœur bondit mais j’acquiesce d’un seul sobre hochement de tête. Nos yeux de carnassiers nous dévorent et nous cajolent en même temps.

Sur le chemin du retour, je réalise que je n’ai aucune affaire avec moi :

- « pourquoi ne m’as-tu pas prévenu, patron ? » Il ne détourne pas la tête :

- « mais pour le plaisir de voir ton sourire, Julien » J’ai envie de lui sauter au cou comme un môme mais nous poursuivons notre chemin d’un pas tranquille, mains aux poches, par les rues désertes. J’aime ressentir cet élan et j’aime le maitriser, garder cette énergie en moi, comme une réserve de vitalité. Je le connais, je sais que, tout comme moi, il attend. Alors je m’arrête, les yeux fermés, la tête rejetée en arrière, j’étire ma carcasse, je respire à pleins poumons :

- « humm, ce vin, ce repas… je suis sur un nuage… » Je m’ébroue et repars d’un pas alerte :

- « allez, la soirée n’est pas finie, patron » Je le regarde du coin de l’œil « tu as là un drôle de stagiaire, pas vrai ? » Il s’immobilise :

- « Stop Julien ! Tu es bosseur, compétent, sérieux, posé. Tu sais transmettre : tes questions, tes remarques, tes limites. Tout le monde s’accorde pour considérer que tu es un super pro ; et tu le sais, pas vrai ? » Il m’apostrophe d’un coup de menton. Je reste un peu interdit. Alors il me sourit, me tape sur l’épaule pour m’inviter à me remettre en marche :

- « moi, je passe la soirée avec gars Julien, tu le connais, celui avec qui j’aime boire du bon vin »

- « et avec qui tu partages le magret, patron »

En fait, je découvre qu’il avait préalablement réservé une chambre et donc prémédité toute la soirée à mon insu pour m’en faire la surprise et ça m’amuse. Sitôt entrés, voilà qu’il referme la porte et m’attrape par un bras pour m’attirer à lui. Il m’écrase contre le mur de tout son poids sur moi et trouve mes lèvres pour un patin goulu d’anthologie. Sa main moule mon barreau qui, instantanément, se met au garde à vous et la mienne s’est réciproquement appliquée pour attester du même réflexe. Il se détache. Il a gardé sa main sur ma bite et de l’autre avant-bras, pèse sur mes épaules pour me maintenir au mur et ses yeux sourient aux miens :

- « on a deux minutes pour tirer les rideaux, régler les lumières, ouvrir le lit, quitter nos chaussures » Certains me reprocheront ces détails prosaïques et pourtant, c’est, tacitement pour nous deux, un moment de tension érotique : la démonstration que nous sommes deux hommes parfaitement efficaces, coordonnés, conscients de leur puissance et qui, ainsi, maitrisent la situation. Nous pouvons alors nous retourner face à face pour nous envisager quelques secondes : plus « rien ne s’oppose à la nuit *² ». 

Il me dit « prem’s » et approche, passe une main sous ma nuque, me caresse l’entrejambe de l’autre, me déstabilise pour m’allonger sur le lit sur le dos sans cesser de m’embrasser. Nos langues s’appliquent à un dialogue savant et lui, il défait ma braguette quand je me bats avec les boutons de sa chemise. A peine a-t-il réussi à libérer le mat qui bondit orgueilleusement qu’il se redresse comme un ressort avec un air farouche : il pèse d’une main sur mon sternum pour m’indiquer de rester ainsi allongé et, de l’autre, s’empare de ma virilité comme de la poignée d’un jouet à trainer. Les miennes insistent cependant pour lui retirer sa chemise, puis son maillot, et qu’il m’abandonne ainsi la savane de son buste à explorer.

M’ayant ainsi clairement signifié le cours qu’il entend donner à cette introduction et moi lui ayant montré que je m’en accommodais volontiers sans protester d’aucune façon, il dégage à deux mains pantalon et slip qu’il fait coulisser sur mes hanches. Ses grosses mains me parcourent alors, d’abord légères en faisant bouffer ma fourrure puis plus pressantes sur mes abdos et l’intérieur de mes cuisses, puis s’emparent l’une des bourses qu’elle serre souplement et l’autre de ma queue qu’elle redresse pour qu’il l’engloutisse brusquement.

Allongé en travers de mon abdomen, il me suce. Simplement. Il parcourt ma longueur de ses lèvres humides puis embouche le gland pour quelques succions bien appuyées, le chatouille d’une langue pointue puis redescend tout le long du manche et recommence, sans oublier de jouer de l’insupportable mais délicieuse irritation de ses poils de barbe qui picotent là où il lèche, éraflent là où il apaise, retiennent là où il lisse. C’est simple, efficace, naturel : un bon produit, quoi ! Pas d’exploit cinématographique, pas de record pornographique, c’est pas les jeux olympiques de la fellation en gorge profonde, non ! Juste une bonne pipe de derrière les fagots, une recette traditionnelle, disons « la piste aux étoiles »

Et des étoiles, j’en ai plein les mirettes. Mes deux mains sur ses épaules et son dos, sursautent, pressent, retiennent, protestent, dessinent comme autant d’expressions de mes ressentis : je suis un sucé comblé.

* In Sud-Ouest du 03/12/2019 : « André Daguin est décédé ce mardi 3 décembre 2019 à l’âge de 84 ans. Le chef doublement étoilé, "inventeur" et promoteur du magret, a été l’un des porte-drapeaux de la cuisine française. Il a fait connaître Auch et la Gascogne dans le monde entier ».

*² référence à la chanson d’Alain Baschung et Jean Fauque « Osez Joséphine » 1991où il fait juste « hennir les chevaux du plaisir » dont les paroles inspireront le titre du roman de Delphine du Vigan paru en 2011.

Amical72

amical072@gmail.com

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