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Étudiant appliqué | S12 | Affirmations

1 | Deux drôles

Le récit de Julien

Après ce premier mai riche d’évènements et d’émotions, j’ai retrouvé Arnaud pour partager le dîner. Son regard se perd parfois dans le vague. Pourtant, il répond à mes sourires et à mes petites attentions avec justesse. Peut-être est-il simplement, lui aussi, fatigué …

Il est le premier au lit, couché sur le dos, les yeux clos, ses bras, par-dessus la couette, l’encadrent étroitement. Je m’allonge de mon côté du lit et j’éteins la lampe.

- « Bonne nuit, Arnaud ! »

- « Julien, s’il te plaît, explique-moi, tout. »

Aussitôt, je me redresse sur un coude en me tournant vers lui, dans la pénombre. Il a plié le sien et son bras relevé, sa main aux doigts écartés me gardent à distance.

- « Qu’y a-t-il ? Quelque chose te …, tu es … ? »

- « Rassure-toi, je crois que tout va bien mais … Tu sais que je ne sais pas parler de ces choses-là ! Alors, toi, dis-moi, s’il te plaît. »*

Sa voix basse et posée, son ton calme permettent d’éteindre celles de mes inquiétudes les plus vives. Alors je me recouche et, dans la quasi obscurité, j’essaie de rassembler mes idées.

- « Bien sûr, j’ai essayé d’abord avec les filles, tout m’y incitait ; mais, très tôt, j’ai réalisé qu’en fait, c’est le corps des hommes masculins qui érotisent mes rêves : j’aime leurs muscles, leurs épaules, leurs poils, leur voix ; j’imagine leur queue, leurs odeurs, leurs moiteurs … jusqu’à leurs défauts qui me touchent ! Mais attention, masculins ne veut pas dire machos ; j’ai toujours pensé que ceux qui en font trop cherchent à nous cacher leurs faiblesses, à se convaincre eux-mêmes de leur masculinité, qu’ils la sentent vacillante. J’aime les hommes dont je peux écouter battre le cœur.

Et j’ai eu la chance d’en rencontrer d’attentifs et respectueux qui m’ont fait découvrir l’éblouissement du plaisir partagé ; j’ai aussi croisé quelques prédateurs, du moins c’est ainsi que je les ai perçus, mais j’ai su échapper à leur emprise comme à leurs griffes.

Et puis, voilà que j’ai vingt ans, je suis admis en BTS, il me faut trouver un lieu de stage et là, je rencontre Lecourt. Une évidence ! On a baisé dès le premier jour ! Mal mais, instantanément, j’ai su confusément que je voulais rester auprès de cet homme, bosser avec lui, vivre à ses côtés : la relation s’est découverte progressivement, construite sans anicroche, nous étions spontanément complices.

Mais il était marié et Adrien est né en février de l’année suivante.

Je ne l’ai jamais sommé de choisir dans un chantage vulgaire, j’ai accepté la situation sans mot dire, d’être l’amant dans le placard mais, quand il vivait sa vie de mari et de père en famille, moi je vivais la mienne, librement. Cependant, les choses ont été claires très rapidement : il y avait d’abord nous deux, et il nous arrivait parfois d’associer des tiers, et puis, il y avait le reste de nos deux vies.

J’ai eu de belles aventures, rencontré des garçons pour lesquels j’ai eu une vraie affection qui, je crois, a parfois été réciproque. Mais j’étais clair et honnête, mon mec restait Lecourt, j’aime d’ailleurs parler d’une totale loyauté entre nous. Alors j’ai construit ma vie ici.

Et aujourd’hui, je suis veuf. »

Nous sommes étendus côte à côte, dans ce lit, examinant les ombres fantasmagoriques qu’un rayon de lune filtré par les rideaux crée au plafond …

- « Et … moi ? »

Je glousse.

- « Toi tu m’as dit : divorcé, deux enfants, avec l’air renfrogné qui fermait la discussion. Je ne t’ai plus regardé que comme un collaborateur hétéro avec qui s’est rapidement installé une relation de confiance dans le travail tant nos tempéraments sont accordés. »

Je bascule alors sur le côté, la tête calée dans la paume de ma main. J’avance un index pointé vers toi jusqu’à toucher ton bras nu et tu sursautes, comme piqué.

- « Toi ! Ensuite, il y a eu ta remarque, suite à la pipe dont m’a gratifié le joli collègue d’Adrien dans l’écurie. Intrigué, je t’ai observé travailler, penché sur un outil, le lendemain matin. Je crois que je te regardais pour la première fois : tes épaules, ta silhouette, les reflets chauds dans ta tignasse rebelle …

Puis je suis allé te parler. Tu gardais les yeux baissés et je détaillais ton visage à loisir, avec ta barbe de trois jours qui avait des reflets dorés dans la lumière, lorsque tu as relevé tes yeux bleus. Un bleu douloureux tant ma simple question te bousculait.

Alors je t’ai proposé un café et nous avons parlé boulot. Et j’ai aussitôt reconnu cet Arnaud avec qui je m’accorde si facilement pour travailler, ce mec qui m’est facile à vivre … mais, cette fois, je voyais aussi tes lèvres, ton front, le jeu expressif de tes sourcils et je me souviens qu’à un moment, tu as rougi. Oh ! A peine ! Juste assez pour que je me traite d’aveugle et, soudain, j’ai eu envie de t’embrasser.

Pourtant, j’ai encore résisté.

Mais quand tu as pesé sur la poignée de porte pour sortir et t’éloigner comme si de rien, j’ai refusé de n’être qu’un spectateur de ma vie, de laisser passer cette chance sans rien tenter. Et voilà. »

La tranche de mon index s’est posée sur son bras et trace des va-et-vient lentement, légèrement. Il glisse sur le biceps, sombre dans le pli du coude, escalade l’avant-bras et repart. Je laisse le silence se creuser un instant.

- « Hier, après la commémoration, je t’ai proposé de partager mon lit désormais … et tu as accepté, non ? »

Sa main libre est soudainement venue s’emparer du doigt qui effleure son bras, elle le retient fermement, puis remonte pour se poser sur toute ma main. Je jurerais qu’elle l’attire subrepticement à lui.

- « Pourtant, après ce qui s’est passé aujourd’hui … »

- « Avec David ? Quand vous vous êtes présentés l’un à l’autre, je lui ai immédiatement précisé : « lui, c’est mon mec. » et quand nous sommes arrivés chez lui, je l’ai répété. Mais il m’a semblé que tous les trois, nous avions envie de ce moment, personne n’a marqué d’hésitation. Qu’en penses-tu ? Je pense que toi aussi tu as eu du plaisir, non ? »

Sous la sienne, ma main a enveloppé son bras, ma voix s’est assourdie jusqu’à la confidence. Sa respiration s’est accélérée …

- « Je … J’en ai eu envie dès que je vous ai vu discuter. Dans votre attitude, vos regards, c’était tellement évident que vous vous prépariez à … Alors, ça m’est venu d’un coup : moi aussi, je voulais en être ! C’est là que je me suis avancé, découvert … Je … je ne me reconnais plus, mon comportement, me lâcher ainsi et devant un inconnu … un témoin !

Mais le pire, c’est que … c’était si exactement ce dont j’aurais pu rêver, des plaisirs qui m’ont tellement transporté que … j’en ai un peu honte … mais je n’ai pas l’ombre de la moindre trace de regret ! Au contraire, j’ai joui comme un fou entre vous. Même si … »

Je ris doucement. Ma main assure sa prise sur son bras et en appui sur le coude, je me tracte jusqu’à surplomber son visage qui reste dans l’ombre.

– « Même si, pour remettre les choses à leur vraie place, tu es venu me chercher cet après-midi pour un câlin rien qu’à nous, pour me signifier que … »

- « Je … je ne sais pas ! Qu’est-ce que je peux dire ? … Est-ce que j’en ai encore le droit, après ça ? »

- « Tss, Arnaud ! Réponds juste à ceci : as-tu envie de rester à mes côtés et qu’on partage l’essentiel de nos vies, le quotidien avec le boulot, les contraintes, les sales coups mais aussi tous les bons moments, les plaisirs qu’on saura aller chercher, y compris le charmant David ? »

Il s’est précipité !

Son « Oui » soufflé est comme un soulagement, son bras lancé pour m’agripper et me tirer à lui, sa bouche cherche la mienne, sa langue affolée se noue à la mienne puis s’apaise. Humm ! Quand je pense que, la première fois, il évitait mes lèvres …

« Nous sommes deux drôles / Aux larges épaules ... » *

Je me suis laissé tomber sur le dos et, maintenant, c’est Arnaud qui, soulevé sur un coude se penche sur moi. Je poursuis.

- « Ce qui cimente une relation, Arnaud, c’est la confiance que chacun place en l’autre et ça, ça se construit avec le temps. Cependant même la grammaire française nous enseigne qu’il n’y a pas de règle qui ne souffre d’exception, aucune n’est infaillible. Nous non plus ! Cependant, il faut veiller à ne pas trahir l’autre ! »

Puis je quitte ce sujet, si vaste qu’on pourrait s’y perdre, pour revenir à la circonstance.

- « C’est étrange, ce David ! Son physique est tout ce qui me laisse indifférent : juvénile, mince, sec et, surtout, absolument lisse, rasé des pieds à la tête. Et pourtant, il réussit à m’être extrêmement désirable rien qu’avec son sourire et son regard ! Et pour mon roudoudou ? »

- « Oui, c’est ça ! Sa peau est si lisse, si douce … »

- « Pas comme ton mec, hein ! »

Il a posé sa main et enfoui son visage dans la broussaille de mon torse, l’a piqué de petits bisous et, d’une main sur sa nuque, je l’ai invité à la découverte, je l’ai promené dans mes savanes, il s’est aventuré aux lisières, dardant prudemment sa langue, irritant de sa barbe, apaisant de ses lèvres. D’une détente des jambes, j’ai repoussé la couette et il a alors glissé vers le bas.

Mais j’ai escamoté ma bite dont il s’apprêtait à se régaler et je l’ai renversé sur le dos. Je suis monté à califourchon tête-bêche, mes tibias bloquant ses deux bras. J’ai écarté mes fesses à deux mains pour me rapprocher de son visage :

- « bouffe-moi le cul, Arnaud ! »

Et quand j’ai senti ses premiers coups de langue, puis ses mains prendre le relais des miennes et ses caresses s’enhardir, quand mon plaisir a commencé à submerger le calcul, j’ai simplement basculé en avant pour, naturellement, avaler sa queue.

Son délicieux crayon blanc à la pointe si rose ! Je l’avale goulûment, le détrempe de salive, l’astique frénétiquement de mes lèvres, l’enveloppe de ma langue, aspire son gland pour en extraire les humeurs jusqu’à la dernière goutte. Là, le voilà finement taillé !

Mais je n’en ai pas fini avec ce que j’attends de lui.

Je m’allonge sur le ventre, dos à lui, une jambe en extension, l’autre cuisse relevée à l’équerre : une invite ; assume-t-il assez ses désirs pour la saisir ?

Eh bien, Oui ! voilà mon rouquin aussitôt à quatre pattes sur moi, m’encadrant de ses membres, la bouche à mon oreille et, tandis que sa main guide sa bite qui cherche mon œillet, il me glisse.

- « est-ce c’est que tu voudrais sentir ma queue d’écureuil te remplir, Julien ?

J’ai imperceptiblement soulevé mon pelvis et poussé vers l’arrière et, encore une fois, le bonheur de l’avaler souplement, d’une glissade, malgré mon manque de pratique. Il gémit :

- « putain, toi ! Je vais te baptiser, toi, et promptement ! … Mais garde-toi car j’exige la même onction à la suite. »

Et il me lime en psalmodiant : « garde ton jus pour moi, … toi, tu gardes ton jus … » et ça, ça me met une trique d’enfer, ce qui resserre étroitement mon conduit autour de la sienne.

On est tous deux dans une transe paradoxale, une quête un peu forcenée ; lui, de la jouissance et moi qui la retiens. Quand il explose bruyamment, impatient, je le renverse sur le dos, relève ses deux cuisses à son torse à l’aide d’un bras, crache dans ma main et lui enduis l’œillet dans lequel je loge mon pouce frétillant. Puis je place mon gland à l’entrée.

- « Là, il est bien souple ce p’tit trou du cul, il a déjà eu de la visite aujourd’hui et il ne va faire qu’une seule bouchée de ma queue ! »

En tirant d’un coup sec sur son bras, ma seconde main posée à plat dans ses reins lui donnant une impulsion sèche, je l’assois de face en le plantant sur moi sans coup férir. Il a avalé une grande goulée d’air puis, lentement, a rouvert les yeux, billes qui brillent dans le noir. Il se détend, coulisse en douceur et achève de s’empaler, bassin renversé, somptueux étui velouté. Je bloque ma respiration pour résister encore.

- « Putain, tu es un éléphant, Julien ! »

Et, nouant ses pieds dans mes reins, il joue somptueusement de son conduit, démontrant que ma bite ne l’effraie pas, bien au contraire, jusqu’à faire prématurément céder mes digues dans un cri de dépit. Il en rit, poursuivant ses ondulations diaboliques et je dois m’arracher à lui pour fuir l’insupportable intensité de cette vibration.

Aussitôt, je le doigte. Et c’est lui qui feule à son tour, secoué par un long frisson, sa plainte va diminuendo puis s’éteint. Nos respirations reviennent progressivement à la normale, on se blottit l’un contre l’autre, poils et peaux collés de sperme. Comme ça tire en séchant, j’invite Arnaud à rejoindre la douche mais il me retient.

- « Les sentiments entre deux hommes, toi, tu crois que c’est possible ? »

- « Si on ouvre le jeu de la vérité, c’est confidence pour confidence ! C’est promis ? »

Comme il acquiesce d’un murmure, je lui glisse à l’oreille :

- « J’ai d’abord fondu pour tes yeux clairs noyés de détresse et je crois que, depuis, je me suis, un peu … attaché à mon rouquin, là ! »

Je me suis redressé et lui a simplement incliné la tête, c’est maintenant lui qui murmure.

- « Dans ma solitude, je rêvais que tu te jetais sur moi et me prenais à la hussarde dans les écuries. Je n’avais jamais connu que ça.

Et dire que ce coït expéditif et brutal m’excitait ... Quelle piètre imagination !

Mais toi, Julien, tu as su cultiver la complicité et le partage avec tant d’attention et de gentillesse que c’est devenu mille fois plus fort et plus riche.

Tu me fais revivre, Julien. »

Amical72

amical072@gmail.com

* En 1964, Colette Magny met en musique « les Tuileries » un poème de Victor Hugo .

* Et aujourd’hui, Ours chante « T’as jamais su danser, jamais tu t’laisses aller, la tête renversée »

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