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12 | Une paire de boucs
Le récit de Julien
Je suis assez satisfait des progrès qu’a faits mon poulain en quelques jours : il tourne en longe sur le cercle aux trois allures, change de main docilement, les transitions montantes comme descendantes s’effectuent en souplesse et il corrige de lui-même ses arrêts. Il développe bien son trot, s’engage puissamment tout en arrondissant son encolure. Il balance son nez de gauche à droite à chaque foulée et souffle bruyamment, mâchouillant son mors simple en résine.
Bien sûr, jeune animal encore craintif, il reste sur l’œil et se redresse, les oreilles braquées à la première alerte, comme lors de l’arrivée de Cyrille qui s’approche calmement et s’accoude à la lice en me saluant d’un coup de tête, souriant.
Je continue de faire tourner le cheval en longe, précipitant quelque peu les ordres, tout au plaisir de le voir attentif et réactif. Plein de vie, il semble s’être pris au jeu et le dernier arrêt demandé est aussi parfait que ce que je peux attendre de ce mâle encore très jeune. Je remonte sur la longe et vient flatter son encolure trempée par l’effort puis, plaçant mon corps en avant de son épaule, j’enroule mon bras en passant sous sa tête qu’il incline, pour venir caresser son chanfrein jusqu’aux naseaux palpitants, le laissant s’imprégner de mon odeur. Ses lèvres cherchent à me chipoter la main, quémandant la récompense. Mais il devra encore patienter.
Cyrille s’est déplacé en glissant le long de la lice où il a appuyé son menton sur ses poignets croisés. Je le détaille, de ses épaules à ses mollets velus et il sourit doucement mais je ne sais ce que lui regarde, de l’étalon ou de moi.
- « As-tu bien dormi au moins ? »
Il a juste relevé ses yeux, pour un bref coup d’œil vers moi avant qu’ils ne repartent fixer … un horizon intérieur, je suppose.
- « La nuit tiède, la brise qui hérisse la peau, l’eau fraîche, le calme nocturne et l’immensité de la voûte lumineuse au-dessus de nos têtes, un vrai conte, le songe d’une nuit d’été ! J’en ai encore des étoiles dans les yeux ... »
Mais ce qui ne pouvait manquer d’arriver arriva.
De ce pas décidé et athlétique que je reconnaîtrais entre mille, le visage avenant, les bras de chemise roulés ... lui ! Il a posé la main sur l’isolateur qui clôture le cercle. Dans ma direction, comme pour entrer donc, puis se retourne.
- « Bonjour Cyrille ! » Il l’envisage avec un large sourire. « Je ne te demande pas comment tu vas, à ton âge et devant ta belle mine ! Ah, tu vas entamer cette année plein d’énergie et il t’en faudra … J’ai entendu que tu rejoins la capitale en seconde année de classe prépa, je suis certain que tes parents pourront être fiers de toi. »
Du Lecourt, quoi ! Chaleureux, bienveillant, sans rien qui ouvre à la suspicion, qui puisse blesser ou, simplement, mettre mal à l’aise.
Pourtant, j’en jurerais, le jeunot est dans ses petits souliers. Interruption brutale de ses rêvasseries, il s’est redressé, le visage aminci, triangulaire, l’œil plus sombre.
- « Bonjour, monsieur Lecourt ! Oui, je pars bientôt ! Mais Adrien, lui aussi ... »
- « Il est au Canada ! Et nous sommes fiers de lui, n’est-ce pas ? » Il est tourné vers moi. « Tu déjeunes avec moi ? »
Et comme j’acquiesce d’un simple signe de tête, il revient à Cyrille.
- « Alors profite de ces beaux jours au grand air avant d’affronter la pollution parisienne. »
Et il tourne bride, sans attendre le salut bafouillé en retour.
Dans les yeux de Cyrille, je vois passer un soudain avis de tempête.
- « Nous … Après tout, nous ne faisions que discuter ... »
Je souris dans un grand souffle en secouant la tête, me voulant absolument rassurant. Quelle belle naïveté que celle de la jeunesse.
Je mène le cheval à l’abreuvoir puis je l’attache pour le pansage : passer le bouchon, curer les pieds. Cyrille le caresse du bout d’un doigt qui court des poils rudes de sa ganache jusqu’à la douceur du ladre du menton piqué de vibrisses. L’animal clapote des lèvres et Cyrille sourit. Je défait la longe et lui en tend le flot. Amusé, il s’en empare et le cheval le suit docilement jusqu’au box mais là, il le bouscule de l’épaule pour se précipiter le nez dans la mangeoire.
Je referme la porte du box et me retourne brusquement, en satyre, face à Cyrille qui proteste, ses yeux se braquent en tous sens et il murmure.
- « Non, Julien, il pourrait revenir ! »
Je secoue énergiquement la tête en signe de dénégation et avance encore vers lui qui bat en retraite, chassant l’air de ses mains.
- « Il ne viendra pas car il sait parfaitement ce que tu es venu chercher ici. »
Et je lance l’offensive : ma main gauche accroche sa nuque et ma bouche trouve la sienne affamée, et j’envoie ma main droite sur sa braguette où mes doigts se referment sur son barreau déjà fermement bandé. Je l’attrape à deux mains par le col et le fais proprement valser jusqu’à une botte où je l’allonge quasiment de force, sur le dos.
J’étouffe ses velléités de protestation d’une grosse langue charnue tandis qu’à deux mains, j’écarte les siennes et le déculotte rudement. Ses vêtements sitôt arrachés, je crache dans ma pogne, empoigne sa jolie bite que j’aspire goulûment en lui massant le fion pour vite y planter un doigt.
Pas de répit ! Je me lance dans un grand numéro de pipe imparable, tétant son gland, léchant sa hampe, irritant légèrement le tout de ma barbe mais sans oublier de lui creuser le cul d’un doigt dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Et j’alterne. Lui donnant deux bonnes raisons de sursauter, de se tendre ou de souffler d’un côté pour mieux le surprendre ensuite par une attaque surprise de l’autre. Sous mon bras qui le barre, son ventre blanc monte et descend, se précipite avec sa respiration courte, se tend dans de brèves apnées, se dessine et tressaute.
Alors pas de merci ! Une horde débraillée le bouscule sans ménagement, le renverse, le rançonne, le pille …
Jusqu’à la reddition, la tétanie, la jouissance en saccades que j’aspire, soigneusement.
Je me détourne pour cracher au sol et me retourne, paillard à la langue grasse, pour l’étouffer, sans manières, d’un baiser de mufle encore empreint de ses fluides. Longuement.
Assis sur la botte de paille, je le laisse retrouver ses esprits. Il se rétablit, s’époussette sommairement et, hirsute et pensif, part à la recherche de son bermuda et de la chaussure qui lui manquent. Il revient.
- « Il sera là longtemps ? »
- « Deux jours, trois peut-être. »
Il hoche la tête et hésite, embarrassé … Je souris, détache délicatement un brin de paille qui collait à son flanc.
- « Tu peux rentrer, va ! Je sais que tu en as envie. »
Il s’apprête à partir mais je le retiens par le poignet pour lui confier à l’oreille.
- « N’as-tu un instant imaginé te retrouver coincé entre deux bites dressées, celles d’une paire de boucs poilus et lubriques ? »
Il me regarde fixement deux secondes puis un sourire lui étire latéralement la bouche, uniquement vers la droite. Il lève la main, pianote doigts en l’air, se retourne et s’éloigne.
Je vais, moi, pouvoir rejoindre Lecourt.
Fin de la saison 8
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Amical72
amical072@gmail.com
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