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10 | Un stagiaire
Le récit de Lecourt
Et la suite de cette journée au lycée ne m’a guère laissé de répit.
Car Julien est omniprésent dans la plupart des ateliers proposés. Il se montre calme, réfléchi et sa parfaite maîtrise de délicates manœuvres en marche arrière avec des outils attelés recueille l’assentiment de toute l’assistance : Lenoir a raison, c’est un bon.
Mais moi, discrètement abrité derrière mon approbation toute professionnelle, à chaque fois, je mate une autre vidéo incrustée : ce beau garçon souriant à l’aise dans son corps, ferme et délié, je me vois le pénétrer somptueusement, l’ouvrir de ma queue dressée. Et là aussi, il est bon !
De toute la journée, je ne parviens pas à me libérer vraiment de cette pensée lubrique. Et si je m’attarde encore à parler à celui-ci, à sourire à celui-là, je sens que c’est juste pour prolonger la proximité avec lui, le grand jeune homme que j’aperçois du coin de l’œil et ses regards qu’il me glisse en retour, lesquels entretiennent mon taux élevé d’hormones nonobstant les questions pressantes dont ils sont lourds.
Je m’éloigne de quelques pas dans le passage entre deux bâtiments, perdu dans cette réflexion, tentant de me raisonner, de reprendre pied. Je lève les yeux … et il est là ! Gauche et emprunté, ne sachant si je vais finir par accepter sa demande de stage …
Et moi je ne songe qu’à le niquer.
Je me sens un peu ridicule en vieux bouc de quarante ans qui louche sur cette fraîcheur. Mais surtout, je ne m’accorde pas le droit de jouer avec les espoirs de cet élève méritant d’à peine vingt ans, un gamin, qui attend de moi une réponse d’un autre ordre. Je pose alors ma main sur son épaule avec un sourire entendu et rejoins le groupe d’un pas résolu, je dois me libérer et, raisonnablement, lui dire non, avec précaution.
Mais revoilà Louis qui me tape dans le dos.
- « Alors, mon gars, tu l’as vu ? Il est majeur et autonome, emmène-le donc avec toi, André, et essaie-le quelques jours, ... »
Parfois, trop d’attentes se conjuguent, trop de planètes s’alignent trop parfaitement. Comment résister ? Comment ne pas céder à ces signes tant il paraît vain de leur opposer la raison rationnelle, laquelle vacille d’ailleurs devant l’apparente intention d’un monde déterminé ? Alors je capitule et pars à sa recherche. Je le retrouve indécis, errant près du hangar à fourrage et j’avoue que les yeux battus qu’il relève vers moi achèvent de balayer mes dernières réticences.
- « J’ai vu avec ton responsable, tu prends ton balluchon et je t’emmène. Retrouve-moi sur le parking. »
Et je n’ai pas eu longtemps à attendre avant de voir revenir un Julien redressé, souriant, posé, celui qui a la certitude de savoir mener son engin, même dans des manœuvres délicates, mais n’imagine pas même en tirer gloriole.
- « Quel âge as-tu, Julien ? »
- « Vingt ans, patron* »
Ta réponse me fait sourire. Aurais-tu la présomption d’avoir emporté ta cause, que tu me nommes déjà « patron » ? Sans avoir besoin de t’interroger davantage, tu me livres spontanément l’essentiel de ton cv mais plus que ce que tu dis, c’est ta décontraction naturelle que j’observe. Il y a quelque chose de plus mature que ton âge dans ton grand corps robuste – tu joues au rugby, as-tu dit- et, surtout, dans cette aisance sans forfanterie avec laquelle tu l’occupes, me témoignant comme une familiarité, une proximité à laquelle je pourrais céder si …
Il me faut en avoir le cœur net.
Je n’ai pas résisté, j’ai laissé tomber ma paluche sur ton genou en me retenant de trop le serrer.
- « Et les filles, Julien ? tu as bien une copine ? »
- « Les filles, c’est pas mon truc, patron ! »
Ta réponse a jailli, sans délai, comme si tu attendais depuis le début que je la pose et tu as -VOLONTAIREMENT, j’en jurerais- glissé dans ton siège pour entraîner ma main vers le haut, remontant sur ta cuisse.
C’est un encouragement, indéniablement ! Sinon qu’est-ce que ce serait ?
Pourtant, aussitôt, une alarme rouge clignote.
- « Moi je suis marié »
- « Je sais, patron ! Je crois que je sais où je suis »
Toujours cette voix posée, bien timbrée dans le grave. Toujours cette rapidité à répondre, comme si tu tenais à me dire que, toi, tu avais lu en moi. J’en reste baba ! Que cherches-tu ?
Impulsion soudaine ! Ma main s’arrache à ton genou. Je rétrograde. Clignotant. Premier chemin de terre. Je coupe le moteur sitôt le C15 masqué de la route par la végétation. D’une main, je retire la clé de contact, l’autre a déjà ouvert la portière.
- « Je descends ! »
Besoin de respirer, de réfléchir. Tu es descendu du véhicule à ma suite. Je fais quelques pas, me campe. Du coin de l’œil, je te vois arriver à ma hauteur quand je déboucle ma ceinture. J’ouvre ma braguette, abaisse mon slip sous mes couilles et fais mousser ma fourrure. Machinalement.
Tu m’as dépassé puis tu t’es retourné. Je garde les yeux baissés sur ma bite molle dont, à mon désespoir, aucun jet ne parvient à s’échapper. Tu avances un bras vers elle … puis tu t’immobilises.
Mais touche-la donc ! Mais qu’attends-tu ?
J’ai relevé la tête et mes yeux dardent cet ordre muet droit dans les tiens. Tu t’es avancé jusqu’à effleurer ma bite. J’ai recommencé à respirer. Ma queue s’est dressée fièrement entre tes doigts qui la caressent fluidement maintenant. Je te sens soudain qui gigote : tu défais ta ceinture. Alors, de ma main libre, je t’aide à chasser pantalon et slip sur tes reins, puis plus bas sur tes fesses. Tes fesses. Elles sont finement poilues, d’un poil doux qui frisotte ... Je m’attarde, hésite … Tu as courbé ton dos, approchant ton visage de ma queue tandis que ma main erre sur tes belles fesses fermes de jeune mec … J’en salive déjà.
Tu as aspiré mon gland et, maintenant, oui … Tu me suces !
Lentement, anatomiquement, comme un fourreau de velours …
Tu t’enhardis, tes mains viennent à leur tour, pétrir mes bourses, fourrager dans mes poils tandis que tu engloutis délicieusement ma bite. Tu n’es pas maladroit, là non plus … Dis-moi, tu n’es plus un débutant ...
Tu n’as pas bronché quand j’ai suivi ta raie d’un doigt pour trouver ta pastille, ton joli petit trou du cul qui m’aimante. Irrésistiblement.
Je reviens peser sur ton souple anneau fripé d’un premier doigt abondamment détrempé de salive. Je pique et je perce. Presque sans résistance. Se pourrait-il ? … Tu as suspendu ta pipe et je perçois que ton souffle a ralenti mais tu ne bouges pas, ne te dérobes pas et un deuxième doigt rejoint le premier. Avec précaution. De peur que le rêve ne se dissipe, que tu ne t’échappes.
Mes doigts jouent l’un contre l’autre, souplement et te creusent. Tu as repris tes succions, un peu distraitement car j’entends que tu respires plus profondément.
Je te fais pivoter pour que tes fesses viennent encadrer ma verge dressée. Cassé en deux, tu craches dans ta main, écartes tes cuisses et, par en-dessous, viens masser ton anus avec ta salive. Tes doigts guident mon gland tendu qui trouve à s’y nicher.
Je l’ouvre d’un sec coup de rein et poursuis souplement ma poussée en toi.
Tu as gémi et t’es refermé comme un étau. Il me vient aux lèvres, en réflexe, une antienne comme on en chante au poulain qu’on licole pour la première fois pour l’apaiser.
- « là, là, ça va aller » … Mais sans rien lui concéder.
Et là non plus. Je te laisse le temps de te détendre, mais sois certain que je vais te baiser, jeune coq, ma bonne queue va t’enfiler lentement, envahir ton joli cul chaud. Mes grosses paluches te placent avec fermeté, te faisant basculer vers l’avant puis te redresser, comme une rotule, et encore une fois, alors que je fais lentement ma place en toi. Encore ...
Tu as cassé ta nuque vers l’arrière, posé ta tête à mon épaule, le rein cambré et je te souffle à l’oreille « là, tu vois, détends-toi » de cette voix chaude qui rassure et tu t’efforces d’accueillir ma pénétration implacable.
Je te veux. J’ai, toute la journée, combattu mon désir pour m’apercevoir que tu le partages. Alors je veux rattraper le temps perdu, effacer ma mauvaise conscience.
J’ai saisi chacune de tes fesses à poignées pour les écarter, ondulant des reins pour y planter ma bite aussi profondément que possible et d’un coup, tu t’affaisses dans un soupir de plaisir. Ton cul devient un antre délicieusement hospitalier qui sait se faire à ma queue, qui la moule, la masse, en joue savamment. Hmmm. Voilà que tu gémis. Le sais-tu ? Tu me mets le feu, garçon …
Je t’ai empoigné fermement et je te lime, régulier, attentif et triomphant ; quel joli jeune homme, quel bon cul chaud … Après t’avoir reluqué toute la journée voilà que je te baise enfin, comme dans un banquet de roi.
Dans un sec mouvement de bassin, je me suis planté en toi soutenu par une expiration rauque, secoué par ma jouissance en saccades et mes mains te retiennent quelques secondes. Puis je me retire et mon pouce remonte dans ta raie, te fourre en frétillant et t’octroie quelques frissons supplémentaires en remerciement. Je me délecte de ta soudaine expression extatique de saint crucifié.
Mais déjà, le froid de la transgression me recouvre. J’ai un devoir de transmission, j’ai fait une promesse, or je redoute ces jouissances trop fortes qui me dévorent et pourraient m’en détourner. Je déglutis, me rajuste et rejoins la voiture. Déjà, je sens poindre l’envie glaçante de fuir, loin de lui, de l’escamoter, lui, le démon, la cause de ma faiblesse passagère ...
Mais il ne tarde pas à me rejoindre et s’assoit, en passager silencieux, contrit, une petite ride d’inquiétude se contracte et palpite entre ses sourcils, il garde les yeux baissés … Grand garçon à l’œil de cocker … Si humain, si proche ... J’en souris.
- « Ça va Julien ? »
- « Ça me va, patron. »
Nous arrivons maintenant aux Chênaies. J’éprouve toujours une bouffée de fierté à faire découvrir l’allée bordée de beaux arbres avec, au bout, cette grande maison où j’ai grandi … Je guette l’impression produite par cette perspective toute de majesté champêtre et je vois à son regard soudain aiguisé et à son sourire qu’il semble lui aussi sous le charme du lieu.
Et ça compte pour moi.
Je le conduis à la chambre où on loge les journaliers de passage, à l’étage des vestiaires. J’ouvre la porte et il entre, balayant la pièce du regard, avec un demi sourire, encore circonspect …
Alors je le bouscule, le renverse sur le lit, pour le précipiter par un chahut amical qui autorise la confiance. D’un doigt sur les lèvres, je lui intime le silence et de l’autre main, j’arrache son vêtement de sa ceinture et pars à l’exploration de son torse, côtes un peu saillantes, muscles fermes de sportif et une toison naissante, fine sous mes doigts, qui nappe ses pectoraux et noie ses tétons. Je retrousse son vêtement et vient les agacer, les suçoter puis les mordiller. Il réagit si bien que je me prends au jeu, jusqu’aux hoquets en apnée qui le redressent à demi, suffoqué, demandant grâce d’un geignement, retenant ma tête. Puis il retombe à plat dos, sa main relâchant son emprise, signe qu’il m’autorise à poursuivre.
Il sent bon. Des odeurs qu’il n’a tenté ni de réduire ni de recouvrir ; des odeurs de jeune homme qui s’est employé autant que nécessaire et sans fausse pudeur, des moiteurs franches sans acidité ou aigreur, il sent le propre et l’effort, le fort et le doux, l’adulte volontaire mais il porte encore le souvenir du lait maternel. La vie.
Je me retourne d’un bloc, barrant son buste, pour déboucler sa ceinture. Il soulève son bassin et je fais glisser pantalon et slip à ses genoux. Il a la peau très blanche, le poil châtain fin et doux. Sa bite se dresse, suintante, au-dessus d’une belle touffe dense. Je l’entoure de deux doigts en anneau à la base et la balance pour qu’elle claque sur ses abdos. Un beau morceau, ma foi ! Très droite avec un gland bien ourlé et décalotté. Je m’approche, les yeux fermés … Décidément, j’aime l’odeur de ce garçon … La muqueuse de sa bite est douce et je l’aspire souplement, tout en glissant un doigt sous ses bourses, dans sa raie, jusqu’à ce petit trou du cul que j’ai goûté tout à l’heure, qui m’accueille encore puis s’efforce de me retenir.
Je le suce et le creuse en écho. Puis j’empoigne sa belle et forte tige que je branle, regardant son prépuce alternativement recouvrir puis dévoiler son gros gland de plus en plus turgescent.
Malgré mon poids qui le maintient, je le sens se tendre, tenter de résister, s’arquer, puis éclater avec un petit cri avant de s’effondrer. Ma main s’emplit de sa sève épaisse qui retombe, grasse, dans ses fourrures.
Là ! J’aime le voir rendre les armes à son tour, l’amener à jouir dans ma main avec un vagissement de jeune veau tandis que mon doigt lui creuse le cul. Je poursuis quelques secondes mes va et vient, puis j’écrase son urètre pour en exprimer les dernières gouttes.
L’épuiser, au moins momentanément, ce grand jeune homme qui se dévoile, éclaboussé de ses liqueurs.
Maintenant, je me redresse.
- « Installe-toi, je reviens te chercher dans une heure »
Dés les premières minutes du dîner, je comprends que t’inviter à la table de la grande maison est une erreur. Je perçois immédiatement les tensions. Irréconciliables.
Je me dis : André, tu marches sur deux jambes, pourquoi vouloir à tout crin tantôt, comme hier, te priver de l’une d’elles et faire comme si elle n’existait pas, et aujourd’hui, tenter de tout réunir en une seule ? Tu ne pourrais plus même avancer ainsi.
Et soudainement s’impose cette évidence dont je ferai, dés lors, une règle de conduite absolue : je suis un bipède et je ne saurais marcher sur une seule jambe. Il y a, dans la grande maison, le couple que je forme, moi, un homme, avec celle qui, à mes yeux, est mon complément « naturel », cette femme, MON épouse et, de l’autre, à la ferme, cette « affinité » toute masculine qui est, d’autre part, si unanimement vilipendée. Or, pour marcher droit, j’ai, moi, besoin de ce double appui, chacun avec son rôle, les deux participant de mon équilibre.
Habituellement, une ligne infranchissable distingue les deux essences qui s’excluent l’une l’autre, radicalement : on ne peut être que l’un OU l’autre. Tout compromis semblant impossible, il me sera donc indispensable de rester masqué et de les séparer par une cloison étanche.
Au matin, c’est moi qui vient te réveiller en rabattant d’un seul coup les draps par surprise. Pour le plaisir de mater ton corps nu, ta peau qu’une brusque exposition à l’air frais fait frissonner, bien sûr, mais aussi découvrir qui tu es, déloger le jeune chat, juger comment il a réussi à concentrer la chaleur dans sa couche, comment il se repose, détendu, mais aussi comment, débusqué, il s’enfuit, apeuré … ou, comme toi, sursaute puis s’étire à ma vue, aimable et confiant.
- « Déjeuner dans la cuisine, au trot »
Caché derrière mon bol de café, j’observe.
Cette bonne Monique guettait ton entrée en faisant blouser son giron, l’œil sombre. D’un vif coup de menton de matrone, elle te désigne une place à table, s’enquiert de ton prénom, te sert d’autorité une grande rasade de café puis, brusquement radoucie, te glisse :
- « Moi, c’est Monique. »
Tu es accoudé à la table, penché sur ton bol. Elle s’approche dans ton dos et pose sa main à plat sur ton omoplate et, prudente, demande par dessus ton épaule si, par hasard, tu aimes sa confiture de mûres malgré les pépins qui s’incrustent entre les dents. Tu relèves vers elle des yeux clairs d’épagneul, prompt à la gratitude spontanée et joyeuse. Aussitôt, elle entame son ballet de femme nourricière, veillant à ce que tu ne manques de rien. Elle s’attarde et te sourit. Conquise.
Sacré Julien Bonnet ! Il y a quelque chose de limpide en toi qui force la sympathie, un naturel de bon garçon serviable et bien élevé qui est si lisible que chacun t’adopte sans tergiverser. Et cela sans compter ton sourire de reconnaissance offert en gratification et qui fait mouche. J’en ai un pincement de curiosité où pointerait comme une once de jalousie pour cette facilité : est-ce toi au naturel ou une façade de circonstance pour emporter la partie ?
Je suis pris d’une impulsion et t’entraîne sous le hangar. Là, au fond, se meurt une auto chargeuse récemment abandonnée par dépit ou faute de temps.
- « Faudrait me regarder celle-là »
Tu souffles en te grattant la tête.
- « Ben celle-là, elle a fait son temps, non ? »
Je reconnais en mon for intérieur que la remorque qui n’a pas même été nettoyée, est toute cabossée, rouillée, peinture écaillée, dents cassées … Pourtant je ricane.
- « C’est un outil de travail. Elle a bien servi mais, tant qu’elle marche, je la garde. C’est sûr que je ne peux pas aller faire le beau au bourg avec ça mais ici, les outils servent d’abord à bosser. Vois ce que tu peux faire ! »
Tu as sèchement opiné du chef, déjà concentré et tu as sobrement retroussé tes manches. Un autre Julien Bonnet. Je me suis écarté, t’observant discrètement de loin.
Tu sors la remorque du hangar puis tu reviens après t’être changé. Tu la nettoies au jet, l’examine sous toutes les coutures, puis tu vas chercher le matériel nécessaire que tu disposes en l’organisant et, rasséréné par ton attitude posée et méthodique, je m’éclipse et te laisse opérer. Un peu plus tard, c’est toi qui vient me dire que tu as fait ton possible et que tout devrait fonctionner à présent. Je réponds d’une simple moue que je veux neutre.
- « Parfait, je verrai cela plus tard ! D’abord, je t’emmène faire un tour de l’exploitation ! »
En allant prendre le C15, je constate que la remorque est revenue à sa place, la cour est nettoyée sans qu’aucun outil n’ait été oublié. J’en éprouve une vive satisfaction et je sais qu’elle a de multiples causes : celle de voir que Julien accomplit spontanément son travail jusqu’à son terme, et je jugerai rapidement s’il est satisfaisant ; celle que la proposition de Lenoir, à qui j’ai cédé, semble s’avérer tenir ses promesses et, plus secrètement, celle d’entrevoir en ce jeune homme dont j’ai goûté les faveurs, un professionnel dont les qualités en remontreraient à beaucoup, parmi ceux qui ont le sarcasme facile.
Sans compter celle de me sentir moins … seul au monde de mon espèce.
J’emmène Julien voir les parcelles de céréales et termine par ce grand pré en bord de rivière où paît un troupeau, mélange de vaches Salers allaitantes et de juments de trait suitées de leurs poulains gris ou noirs. Je comprends à ses regards qu’il attend de moi autre chose que ce catalogue que je m’efforce pourtant de rendre attrayant. Cependant je ne veux pas me précipiter, tout comme je ferais avant de signer n’importe quel stagiaire.
Alors, d’autant plus avec ce Julien.
- « Demain, je te ramène. Pas d’inquiétude, Julien »
Je sais parfaitement qu’ainsi je ne réponds pas à son questionnement mais le vrai enjeu n’est-il pas d’abord le sérieux de sa formation ? Euh … entre autres raison de mon balancement.
J’ai déposé Julien devant l’entrée des élèves puis j’ai redémarré, fait le tour du bâtiment pour stationner sur le parking visiteurs, devant l’administration. Je voulais m’entretenir avec gars Lenoir, il me devait bien ça.
Et d’ailleurs, il m’attend avec un large sourire à la porte de son bureau, le bras ouvert pour m’accompagner d’une main à l’épaule jusqu’au siège face au sien.
- « Vois-tu André, je ne te demande même pas si tout s’est bien passé tant je suis serein. Ce jeune est l’illustration parfaite de la pertinence de notre enseignement agricole public dont il me rend fier. Il est arrivé en pleine crise d’adolescence et maintenant, non seulement il est compétent, plus que beaucoup d’héritiers qui font trop peu d’efforts, mais il est resté curieux et il est, surtout, équilibré, responsable et de confiance. »
Il joue à faire rebondir une gomme sur le plateau de son bureau affichant un air moqueur.
- « Juste l’appui qui te serait utile à la ferme s’il te prenait … de briguer d’autres fonctions. »
- « Et à vivre, au quotidien … ? »
- « Il est sportif et pratique le rugby, je crois ; il a des responsabilités socio-culturelles et les profs, qui pourtant ont souvent la dent dure, n’en disent rien d’autre que : c’est un bon élément ... »
Il a écarté ses deux mains pour dessiner un cadre de quarante centimètres de côté, est-il sensé contenir le calme et la pondération de Julien ? Il ajoute, doigt pointé.
- « Attention, avec son parcours, il faut voir également qu’il a aujourd’hui vingt ans. »
Je hoche silencieusement la tête en réfléchissant.
- « Il m’a réellement fait bonne impression mais avant de donner une réponse ferme, j’aimerais qu’il revienne quelques jours consécutifs. »
En sortant, je sais que je vais l’accepter comme stagiaire. Simplement, je voudrais lui donner du temps, qu’il se familiarise avec les Chênaies un peu librement, qu’il y trouve ses marques avant de s’engager à son tour.
Je sais aussi qu’une braise couve en moi : une peau douce, une chaleur, une verge dressée, un halètement, l’éclat joyeux d’une jouissance, ce secret partagé que nous nous sommes mutuellement reconnu et qui, à l’oreille, me chante sa musiquette lancinante : « garde-le » .
Pour pouvoir marcher droit.
Alors j’ai fait un détour par la gare pour prendre la fiche des horaires.
Le lendemain, j’ai attelé la remorque. Il y a toujours quelque bête que je garde à l’intérieur pour un soupçon ou en attente d’une mise bas et qu’un peu d’herbe fraîche ragaillardit.
J’ai été presque content d’entendre un petit cliquetis, un léger criaillement de métal. Ainsi, son travail n’est que PRESQUE parfait et je revois alors la petite ride de concentration entre ses sourcils. Attendrissante. Un sourire me monte aux lèvres.
J’ai entouré les horaires départ et arrivée sur la fiche de transport, je l’ai pliée pour y dissimuler un billet et je suis allé au bourg, glisser l’enveloppe dans la boite aux lettres.
Amical72
amical072@gmail.com
* "Mais tendrement_ils me nomment : patronne!" Barbara chante : "mes hommes"
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