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9 | Débutant – Le récit de Joris
Tu veux vraiment savoir, Jérôme ? Pourtant, ce ne sont plus que des souvenirs, ceux des premiers pas d’un jeune homme et, déjà, ils s’éloignent ; je te les raconte avec quelques années de recul et les éclairages d’aujourd’hui ... Alors, si tu le veux, écoute-moi !
Chez mes parents, je partageais la « chambre des garçons" avec mon frère, le benjamin ; dans ces conditions, pas facile d’être discret en cherchant son chemin hors de celui, balisé, auquel on te destine naturellement.
Heureusement, dans cette ville de l’est où j’ai grandi, il existe un établissement de nuit dont les patrons, deux hommes, sont notoirement en couple. Le Capharnaüm est installé dans un simple bâtiment à deux niveaux d’une rue commerçante un peu délaissée ; c’est facile d’accès pour les jeunes et tout est fait pour qu’ils s’y sentent, d’emblée, les bienvenus. On te propose aussi d’adhérer à l’association maison pour accéder à des tarifs privilégiés et, au premier abord, tout le monde trouve ça sympa, ce bar discothèque en rez de chaussée, pas très grand, avec ses banquettes, sa minuscule piste de danse, son folklore de la fête, ses extravagances, ses créatures, ses paillettes …
Mes parents, attentifs mais que je voyais si étrangers en tous points à ce qui me taraudait que je ne parvenais pas à les imaginer m’être d’un quelconque secours si tant est qu’ils ne s’en seraient pas scandalisés, ou pire, étaient rassurés de me voir fréquenter une boite proche ; au moins savaient-ils où j’étais et que je n’allais pas risquer ma vie sur les routes au petit matin, ça les tranquillisait. Ils ont, fort heureusement, respecté mes réponses volontairement évasives sans vraiment chercher à en connaître plus, du moins tant que mon sérieux leur donnait le change.
Et puis un jour, lors d’une de ces soirées interminables, il se trouve toujours un mec que tu regardes plus lourdement, qui le voit et qui, à son tour, te sourit, puis, d’un signe de tête, te fait comprendre de le suivre. Tu découvres alors, derrière un rideau, un escalier qui t’emmène à l’étage, dans un dédale plongé dans le noir et peuplé d’ombres.
Au premier cri qui retentit, tu comprends immédiatement que le rez de chaussée n’est qu’un prétexte, une couverture et que tu accèdes à la véritable vocation du lieu : cette enseigne n’est qu’un bobard, plausible, un masque respectable car bon enfant, qui protège un bobinard où s’encanailler, transgresser les règles, s’aventurer ENFIN dans les non-dits. Sans filet.
En passant des illuminations festives à l’obscurité, tu viens d’être introduit dans un monde discret d’initiés, qui sera, peut-être, bientôt le tien. Si tu ne déçois pas ! Puisque tu n’en possèdes pas les codes, tu n’as d’autre solution que d’adopter un air détaché et de t’en remettre à celui qui t’a entrebâillé cette porte, en tremblant d’être démasqué car afficher son ignorance est un pêché capital dans cet univers dont l’ironie mordante, sous les projecteurs, te marque à jamais aux yeux de tous et te fait objet de risée. Pas question non plus de déroger à la norme en vigueur dans ce microcosme sous peine d’une mort symbolique : ici le ridicule foudroie instantanément.
Pas besoin d’avoir bac plus sept non plus ; mon guide m’a rapidement fait comprendre ce qu’il attendait de moi mais avec tant de proximité et de gentillesse qu’il a su désarmer mes préventions au profit de ce seul questionnement existentiel lancinant : suis-je un enculé ?
J’allais le découvrir incessamment : mon initiateur alternant les flatteries « qu’est-ce qu’il est beau, ton cul ! », les messages rassurants « sois tranquille, je mets une capote ! », les câlineries car, ENFIN, d’autres doigts que les miens jouaient avec mon intimité. Je me laissais bercer par un doux sentiment d’inconséquence, de légèreté qui m’autorisait à m’abandonner à ses caresses.
Quand son gland a commencé à peser sur mon anus, j’ai innocemment pensé un instant que tout allait bien se passer.
Inévitablement, j’ai été déchiré la seconde qui a suivi ; pour contrarier le réflexe d’un sphincter qui, obéissant aux ordres programmés du système sympathique, ne s’ouvre que vers l’extérieur et refaire son éducation univoque à la propreté, il lui a fallu le forcer un minimum. Mais je lui suis reconnaissant de m’avoir donné le temps de reprendre ma respiration en me pinçant les tétons pour me détourner de cette fulgurance qui m’avait cloué.
Puis, très rapidement, j’ai ressenti une chaleur m’envahir et, à la suite, il m’a baisé souplement, en appui contre une paroi râpeuse et noire en m’encourageant de mille mots doux et petits bisous qui me berçaient comme une comptine.
Cerise sur le gâteau, ensuite, il ne m’a pas abandonné. Au contraire, il m’a enveloppé de ses bras, s’inquiétant à mon oreille si j’avais toujours mal. Bien sûr, me conformant à ce que je présumais être son attente, j’ai protesté que, rapidement, j’avais ressenti une sorte de griserie et il a ajouté « tu verras, à chaque fois, ce sera encore mieux ! »
Puis il m’a pris la main. Sans me lâcher, il m’a commandé une boisson sucrée et réconfortante en passant au bar, puis il m’a fait une place à son côté sur la banquette qu’il occupait et qui, étonnamment, était restée libre.
On est restés là un moment, assourdis par la musique, aveuglés par les stroboscopes, moi discrètement blotti contre lui et fasciné par les extravagances de clients se mettant en scène, tout en sirotant nos verres, quand il s’est penché à mon oreille pour me crier :
- « tu m’accompagnes ? »
Sa main en pince a étreint ma cuisse et j’ai senti mon ventre se creuser. Oui, j’en voulais encore.
On a rejoint l’escalier en longeant le bar derrière lequel un type s’est approché de notre passage. Un coup de coude et mon guide m’a glissé « c’est un des patrons ».
Malgré un physique engageant, il m’a immédiatement déplu ; bien sûr, il voulait paraître notre complice mais son air mielleux, ses yeux pesant mes formes, évaluant mes pauvres fringues, son sourire intéressé de maquignon fourbe ... Il s’est penché par dessus le comptoir la main en porte-voix pour nous hurler :
- « Mon filou a encore levé une nouvelle pouliche, elle a l’air bonne ! Il sait faire, mon filou. »
Son sourire m’a sali.
- « Ne criez pas trop fort, là-haut ! »
Il indiquait l’escalier d’un coup de menton en s’esclaffant. Salace, vulgaire.
Heureusement, sitôt franchi le rideau tout proche, des mains chaudes, cet empressement, ses murmures impatients en tourbillon ont dissipé les remugles de cette apparition en ranimant mes palpitations, ma fébrilité. Allais-je enfin accéder à ce frisson légendaire?
Il se pressait dans mon dos, me tripotait fiévreusement et mon cœur battait la chamade. Il a arraché mon tee-shirt pour lécher mes tétons. Je vibrais mais une soudaine inquiétude avait serré ma gorge : qu’allait-il en faire ? Comment allais-je pouvoir rentrer chez moi, torse nu ?
Mais encore une fois, il a deviné ma préoccupation et m’a désigné une patère où il a accroché l’indispensable vêtement. J’étais rasséréné : tout m’indiquait que j’étais VRAIMENT entre de bonnes mains !
Il m’a retourné face au mur, a entouré ma taille de ses bras pour défaire ma braguette et m’a déculotté en s’accroupissant ; dans un élan chaleureux, il embrassait mes fesses comme de bonnes joues. Quand il s’est redressé, sa bite tendue et brûlante est venue coulisser entre mes deux rondeurs. Il m’a attrapé par les hanches, s’est collé à moi et son sceptre impérial, en s’intercalant, m’a fendu le cul, dévoilant ma rosette. Sa main a saisi mon poignet pour guider ma main jusqu’à ma propre queue et il m’a soufflé « branle-toi. »
Un avant-bras à plat sur le mur, je m’astique de l’autre main et ma cambrure me livre à lui. Il me caresse, me lubrifie, me doigte, recommence et je soupire de toute mon âme. Sa queue vient s’encastrer exactement dans ma raie, y coulisse facilement et il m’encourage :
- « Cette fois, tu vas voir, tu n’auras que du plaisir. »
Il se retourne pour se capoter en quelques secondes, revient. Sa main guide son dard et je me soulève sur la pointe des orteils, le rein cassé. Déjà il s’introduit et je ferme les yeux dans une profonde inspiration.
Un trait, rapide, et il est en moi, ses deux mains me cramponnent les hanches et me maintiennent plaqué contre son bassin, écrasant mes fesses. Il m’exhorte sèchement à ne pas cesser de me branler. Je déglutis et m’agite fébrilement, il me mordille le lobe de l’oreille :
- « Tu vois comme c’est rentré facilement, t’es fait pour ça, mon joli ! Tu me sens bien, là ? »
Oui ! Je sentais l’encombrement de sa bite aller et venir souplement en moi et, d’un coup, ça me remplissait et devenait délicieux. Vertigineux même ! J’inclinais davantage le buste pour pointer mon cul et l’accueillir en secouant ma minable quéquette demi-molle mécaniquement, concentré sur ces sensations que je découvrais, ce bourdonnement intérieur, ces vagues de chaleur.
Il me pénètre en longs coups de lime qui me font vibrer puis me pilonne en rafales sèches. Soudain il s’immobilise pour m’imprimer un balancement et c’est alors moi qui coulisse le long de l’envergure de sa queue … Je suis étourdi, enseveli sous une avalanche de ressentis, leur variété ... Ils se bousculent sans que je parvienne à les démêler ; ils tambourinent à mes tempes, soulèvent mon cœur, de joie ; j’en suffoque, je gémis.
J’ai joui dans un hoquet suivi de répliques, le noir total s’intercalant entre deux éblouissements. Il s’est penché à mon oreille « c’est bien, ça ! Tu vas vite devenir une bonne petite salope qui aime la queue … A moi maintenant ! »
Il a empoigné mes hanches et m’a secoué d’une litanie régulière de coups de reins secs et profonds en ahanant sous l’effort, si viril que mon cœur en a battu la chamade puis ses doigts crispés se sont comme enfoncés dans mes chairs pendant que, rugissant, il était secoué de spasmes puissants. Je n’osais le moindre geste craignant d’étaler mon ignorance crasse. Il s’est retiré avec un long soupir, a noué la capote, m’a sobrement claqué le cul.
- « Allez, c’est pas trop mal pour un débutant ! Rhabille-toi ; la prochaine fois, je t’apprends à sucer. »
Il a décroché mon tee-shirt et me l’a tendu. Mais comme je m’en saisis, ses doigts délivrés ont sauté sur mon téton pour le pincer. J’ai sursauté, plus de surprise que de douleur. Il insiste, roule ses doigts, étire mon mamelon et je ne peux retenir un geignement qui me trahit.
- « Dis donc, tu as l’air d’aimer ça ! Tiens, fais-moi penser à te donner une carte, tu diras que tu viens de la part de la maison, le patron est un ami et il sera secourable si tu sais faire avec lui. »
Puis nous sommes redescendus. Il m’a entraîné à sa suite vers un groupe de sept ou huit mecs, disons, de ton âge, Jérôme.
Ils se saluent comme de vieilles connaissance. Il y a là, également, un mec jeune et frêle assis dans un angle que forment les sièges, ses jambes en travers des cuisses de son voisin qui, lui, est adossé. L’homme assis en retour est penché vers eux comme pour une conversation mais de la place où je me tient debout, je vois sa grosse et forte main posée sur la bande de peau claire des reins du jeune que son tee-shirt en partie relevé et sa ceinture débouclée dévoilent. Les doigts ont disparu à l’intérieur du sous vêtement, s’enfonçant vers le bas et la main se contracte selon une pulsation lente et régulière.
Une telle audace m’affole ; je me redresse, regarde vivement alentour, le cœur battant.
Mais je ne vois que des visages s’appliquant à paraître joyeux et indifférents à la scène pourtant proprement obscène et scandaleuse que je reviens observer à nouveau, le souffle court, la salive affluant soudain dans ma bouche.
Il me semble que la main s’est faite plus pressante, que le garçon s’est cambré, relevant le menton, les yeux fermés, nez pincé. Je le vois porter quelque chose à sa narine, puis à la seconde en pressant la première d’un doigt. La main descend davantage son pantalon sur son fessier frémissant, ses deux voisins l’encadrent en s’exclaffant, joueurs comparses …
Or on tire sur la jambe du mien. Mon guide, qui a trouvé place parmi le groupe, m’invite à le rejoindre d’un sourire et me désigne aux autres du geste.
Mais je reste pétrifié.
Je me dédouble et, soudain, je me regarde : j’ai franchi un seuil, découvrant un monde si vaste, si dangereusement sulfureux mais, en même temps, si vertigineusement attirant que j’en perds la respiration et mon cœur se précipite. Je vacille. Je secoue fébrilement la tête en signe de dénégation en fermant les yeux pour ne pas m’effondrer. Il se relève, me met la main à l’épaule.
- « Je vais rentrer maintenant. »
Ses yeux me scrutent mais la débauche de décibels et de lux qui m’enveloppe en tourbillon me chavire désormais la tête. Il fait la moue, j’y lis la réprobation ; demi sourire bienveillant, demi déception. Il attendait probablement de poursuivre mon initiation ...
- « Bah, tu sais où me trouver, je suis là chaque fin de semaine. » Puis « Attends ! »
Il a fouillé dans ses poches et m’a glissé une carte de visite avec un air entendu et j’ai tourné les talons comme on s’enfuit. Ce n’est qu’une fois dans la rue que la tension s’est lentement relâchée et j’ai décidé de revenir à la maison à pied pour tenter de retrouver mes esprits et les réflexes de ma vie d’avant en chemin.
Mais je savais que je n’échapperais pas au magnétisme du lieu, cette porte ouverte sur les turpitudes qui peuplaient mes nuits et mes branlettes à la sauvette. Je n’ai, à ce moment précis, qu’un unique questionnement et il est stratégique : comment faire pour que personne ne s’alarme et vienne refermer cet accès inespéré ?
Amical72
amical072@gmail.com
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