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Les correspondances de Marc & Cyril
29 juin 2019, la gare, La Bastide.
Cyril,
Bras croisés, appuyé au siège de mon roadster, je t'attends devant la gare des Adrets. Il fait chaud et je sue sous le cuir de ma combinaison.
Tu sors de la gare, désinvolte et rayonnant. Le groupe de voyageurs semble s'éparpiller devant toi.
Comment as-tu su que j'aimais tes jambes ?
À ta vue, je suis étonné et si cela me fait plaisir de l'être, cela m'inquiète aussi un peu.
Mes projets de t'humilier me paraissent d'un coup puérils sinon idiots.
Tu es en short et tu ne m'as ne pas infligé la castratrice vision de ces tongs hideuses que j'abhorre.
Non, tu portes à nu de légères baskets de toile qui assurent à ta foulée une souplesse sportive.
Que m'importe, pour l'instant, ton gros paquet viril moulé par la toile légère.
Je ne veux voir que cette haute silhouette à la démarche balancée, presque dansante, qui s'avance vers moi dans l'ombre mouchetée des platanes.
Tes jambes sont longues et musclées sans excès, fermement galbées. Elles semblent faites pour des caresses glissantes. Caresses, qui autant vers tes chevilles nues que vers ton bas-ventre de mâle, pourraient se diriger.
Je te désire brutalement et pourtant je ne bande pas.
C'est un désir prodigieux. C'est le désir corps et âme. C'est le désir impossible d'avaler l'autre tout entier pour se le garder à tout jamais à soi, tout à soi, rien qu'à soi.
Pas de bisou-bisou à la con. Non, tu te plantes à deux pas, face à moi, tu lâches ton sac de toile et tu me regardes sans un mot avec un grand sourire franc mais teinté d'un petit triomphe malicieux.
Tu es un Cyril que ne connaissais pas encore.
Tu as lu tant de choses sur mon visage que je me sens rougir.
Qui ai-je en face de moi ?
Un simple jeune homme craquant à folie ou bien cette grande salope que la majorité des homos se croient obligés d'être ?
Je veux désespérément croire que tu es l'homme que j'ai choisi d'aimer plutôt que l'homme que la malédiction de ma lignée maudite m'oblige à aimer.
Tu es si jeune, et soudainement, je me sens si vieux.
À cette minute, à cette seconde, je comprends que malgré mon incontestable beauté, que malgré ma force et mon infernale séduction. Je comprends que ne te garderais pas longtemps et que de mon amour je vais rapidement devoir régler la facture plein pot... et avec de lourdes majorations.
Je te prends dans mes bras et sans nous embrasser, nous écoutons nos corps se reconnaître.
Ta poitrine sous ton fin T-shirt est vulnérable aux renforcements de ma combinaison de cuir.
Mon chauffeur prend ton sac de voyage et te tend un casque intégral mordoré assorti à tes cheveux.
Nous n'irons pas à Saint Tropez. Je calmerais les esprits déçus en organisant un grand buffet lunch dans le parc de la bastide la semaine prochaine.
Le lunch sera portes ouvertes, cela va me coûter bonbon mais cela me permettra aussi de faire de la publicité pour mon vignoble. Toujours joindre l'utile à l'agréable... non ?
Il y aura beaucoup de monde... et peut-être trop de tentations.
Tu coiffes ton casque et tu me fais un clin d'oeil avant de rabattre la visière teintée. Ce clin d'oeil moqueur parce que tu as vu mon regard écarquillé se braquer sur ton entre jambes détrempé.
Cette grosse tache qui serait obscène sur tout autre que Cyril, tu la portes crânement comme l'évidence charnelle de l'étalon que tu es.
Sans gêne, mais non plus sans ostentation, tu portes ton affirmation. Tu pues le sexe à dix lieues à la ronde.
Quand tu enfourches la moto derrière moi, je pivote la tête pour voir le jeu des muscles de ta cuisse.
Même quand j'ouvre les gaz à fond la caisse, tes bras musclés ne se crispent pas sur ma taille. Tu as l'air d'aimer mes foudroyantes accélérations... ou de t'en foutre. Tu as l'air prêt à me suivre en enfer.
À la bastide, tu retrouves tes marques comme un chat que l'on ramène de chez le vétérinaire. C'est comme ci tu avais toujours été là. Les murs, les meubles et les objets entourent ton retour d'une simple légitimité.
Même le grand portrait de Yann semble t'accueillir avec bienveillance.
Qu'arrive-t-il donc à mon neveu chéri ? Hier encore, il me demandait de tes nouvelles.
À quoi jouez-vous tous les deux ? Je me surprends à avoir un petit pincement au coeur.
Duquel suis-je le plus jaloux ? De toi ou de lui ?
Marc