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Saison 6 | Chapitre 6 | Chablis
Une table nous est réservée, discrètement à l’écart, comme semblent l’être toutes les tables. Je suis face à une baie qui laisse deviner, dans l’obscurité qui épaissit, le reflet d’une vaste étendue d’eau en contrebas, les lampadaires des villages avoisinants, le relief d’une barre rocheuse découpé sur le ciel plus clair. Comme je remarque le calme du lieu, Lecourt ajoute, avec un sourire énigmatique :
- « ici, tout est fait pour que des messieurs importants, venus sans leur épouse, puissent se soulager un moment du poids de leurs responsabilités et trouver le calme et un repos réparateurs »
Il y a un je ne sais quoi dans sa voix qui détourne un instant mon attention du paysage nocturne. Il est assis de trois quarts sur sa chaise, le torse tourné vers moi, un coude sur le dossier. Ses jambes sont croisées et je vois au mouvement de son genou qu’il balance souplement celle du dessus. Il ne me quitte pas des yeux, un petit sourire aux lèvres, alors, je me répète sa phrase, mentalement. Je reformule :
– « tu veux dire que des hommes importants et mariés viennent ici sans leur femme pour se reposer … un peu comme toi, là ? »
Il a baissé la tête et me regarde par en dessous ses sourcils, bouche entrouverte et j’aperçois sa langue qui pointe sa lèvre supérieure. A trop regarder autour de moi, je l’ai un peu négligé lui, cette bonne compagnie à qui je dois d’être là …
– « j’ai considéré cet endroit discret et bienveillant comme une base idéale d’où partir à la découverte du vignoble alentour. »
Est-ce le ton de sa voix mais cette réponse me parait lourde de sous-entendus … Érotiques ? Je suis envahi par une bouffée de désir qui dessille mes yeux, me soulève sur ma chaise et je comprends, à son sourire triomphant, que c’est probablement ce qu’il attendait. On s’observe silencieusement : sa mâchoire carrée, ses épaules, sa chemise aux manches relevées sur ses avant-bras velus, sa main droite posée sur la table où il pianote négligemment de ses gros doigts, tout cela aiguise mon appétit pour cet homme. Et réciproquement, semble me dire son sourire.
Soudain, une silhouette raide dans sa tenue sombre s’incline vers lui en présentant cérémonieusement une bouteille perlée d’eau dont il décline l’âge et la provenance d’une voix trop basse pour que je saisisse. Il acquiesce et me désigne du menton et c’est dans mon verre que le sommelier verse le breuvage, terminant par une rapide torsion du poignet puis, relevant la bouteille avec l’étiquette face à moi, mais trop éloignée pour que je puisse lire. Figé, il attend mon verdict. Je sais que Lecourt n’en perd pas une miette.
Mais la dégustation n’est qu’un prétexte, une patience pour cultiver cette tension du désir entre nous. Alors c’est vers lui que je lève mon verre pour le deviner, flou, au travers du liquide jaune pâle et quand j‘y plonge mon nez, mes yeux remontent vers lui, assis en face. Je reste attentif au mouvement de rotation que j’imprime au breuvage et, quand ma tête bascule à nouveau pour saisir les arômes, il revient dans ma ligne de mire et je ne le quitte plus du regard en portant mon verre à mes lèvres pour la première gorgée.
Putain que c’est bon ! Cette vivacité, ces arômes fleuris, ces notes minérales … Il me semble reconnaitre un vin dont il m’a régalé souvent aux Chênaies. Ce n’est pas un vin du sud, non ! Mais ce serait plutôt un Chablis*1, même si je n’ose être totalement affirmatif … mais à voir son sourire, je vois qu’il a interprété mon trouble et qu’il se réjouit de ma perspicacité. D’un coup de menton, j’invite l’échanson à nous servir puis il replonge le flacon dans le rafraichissoir et s’efface. Nous trinquons et le tintement produit des notes harmoniques qui se développent dans le calme de notre complicité retenue.
Je saisis alors que nous sommes absolument disponibles, momentanément délivrés de toute obligation, uniquement préoccupés de cet instant que nous partageons. Et de ses promesses. Nous savons qu’il va se passer quelque chose sans savoir exactement quoi ; un long préliminaire dont nous savourons les digressions.
Lui, là, Lecourt, il peut passer pour un de ces gros matous énigmatique, indolent, indifférent mais on lui devine des griffes et des crocs de chasseur, on se méfie d’une possible brusque détente de ses muscles, dans un claquement de mâchoires.
Moi je suis plus impétueux, moins policé. Il le sait, je l’assume et je parie qu’il s’y attend, voire qu’il l’espère. Alors je ne contrarie pas, totalement, ma nature. Je déplie soudainement mes jambes pour aller chercher les siennes, je tends vivement le bras jusqu’au contact de sa peau dès qu’il m’en offre la moindre occasion. Je reste seul à l’initiative de ce harcèlement qui me sied. Lui, il ne fuit pas, non, mais il coupe court avec un sourire, comme si on jouait à chat : « touché ! » comme autant de petites décharges électriques qui nous maintiennent dans l’attente, à l’affut.
Le repas terminé, nous regagnons notre chambre par un corridor, marchant côte à côte, pour ma part mi repu, mi affamé. Lorsqu’avisant une porte, il en saisit la poignée et, comme elle cède, il attrape mon poignet et m’entraine dans le local de nettoyage, me bousculant parmi les chariots pour me coller au mur, s’écrasant contre moi et, refermant la porte, nous plonge dans une quasi obscurité. Sa langue envahit ma bouche, imposante et impérieuse et ses mains intiment leurs ordres, détachant les miennes qu’elles désarment, imprimant mes épaules au mur, débouclant énergiquement mon pantalon. Puis saisissant mes vêtements à deux mains sur mes hanches, il me descend le tout aux chevilles d’un seul geste, s’accroupissant pour avaler ma queue suintante dans le même mouvement.
Les talons fichés dans le sol, je me tends comme un arc sous la caresse libératrice, volupté à la fois inattendue et pourtant espérée, une réponse implicite aux les tensions cultivées lors du repas : voilà qu’il me suce, enfin, LUI ! Puis sa grosse paluche me relève le paquet sans ménagement et il me lèche puissamment, l’aine, la base des couilles, détrempant, grognant, fouillant du museau … Et soudain sa main saisit ma tige dure et sa bouche l’aspire lentement, somptueusement, inexorablement. J’en gémis. Ses lèvres se consacrent à mon gland que sa langue enveloppe, chatouille, presse. Des traits de glace me cinglent les reins. Ses mains ne sont pas en reste qui me pétrissent, étirent, disposent à sa merci tandis que d’un mouvement mécanique et impitoyable de tout le buste, il me pompe. Implacablement.
Mes mains à ses épaules tentent de résister à la montée inexorable du plaisir et je l’en préviens d’un râle : « je vais jouir » mais il n’en a cure. Rien n’échappe à son avidité et il m’engloutit tandis que je suis secoué de spasmes en éjaculant ma sève brûlante. Il me garde jusqu’à la dernière goutte, n’abandonnant ma bite que redevenue flasque et inerte. Il se redresse et ses lèvres, bordées de rasoirs, viennent effleurer les miennes, timidement. Je les entrouvre de ma langue pointée, il l’accueille et nous les renouons avec empressement, moi retrouvant les traces de cette viscosité, de cette légère saveur douceâtre qu’ont laissé mes fluides.
Il m’a bu, à genoux, LUI, et il revient, délicatement, m’offrir de partager. Alors c’est moi qui, à ce moment, deviens vorace !
– « habille-toi, je voudrais te montrer quelque chose. » Il m’entraine à sa suite, bourru, presque sans ménagement, dans un puissant contraste appuyé de virilité.
*1 Chablis : vins blancs de Bourgogne, plantés sur 5700 hectares répartis le long de la vallée du Serein, la rivière qui traverse le vignoble du sud au nord avant de se jeter dans l’Yonne., les Chablis sont issus d’un seul cépage, le chardonnay, et répartis en quatre appellations : Petit Chablis, Chablis, Chablis premier cru et Chablis grand cru qui se distinguent par leurs zones et leurs conditions de production avec des exigences croissantes. Vins blancs secs, les Chablis sont réputés pour leur finesse, leur fraîcheur et leur minéralité.
Amical72
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