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Premier épisode | Épisode précédent

Agriculteur

Saison 3 | Chapitre 12 |

Un bel été -      Après ces ébats, je t’entoure de mes bras, me blottis contre ton dos, je mendie : « reste un moment avec moi. » Je me sens rasséréné. Je sais que ma volonté et mon désir ont un poids sur ma vie et j’en suis restauré. L’air sent le foutre et la sueur et cela aussi m’importe, comme ton large dos contre lequel j’appuie mon front en confiance. Je me suis endormi ainsi.
            D’un coup, je me réveille à demi ; aucune lueur ne pointe : il fait encore nuit noire. Il est couché là, devant moi, sur le côté droit, collé, il bouge lentement. Mais, je bande ! Et si c’était lui qui me tirait du sommeil … Je risque une main sur sa taille ; la sienne se pose sur la mienne. Il se recule franchement et vient coller ses fesses contre ma queue tendue qui se tapit dans sa raie. « Tu dors ? »
            Non, je ne dors plus du tout ! Je suis dans le feu de mes vingt et un ans, j’ai la bite dressée, appuyée contre son cul poilu et il me demande si je dors ! Ma main effleure sa raie et trouve son œillet, bien ourlé, souple et détendu, après nos jeux de ce début de nuit ; mon doigt s’y enfonce voluptueusement et il soupire sous ma caresse. Il se cambre, renverse sa tête vers l’arrière et mes lèvres se portent à son cou, laissant passer la pointe de ma langue qui dessine un léger trait humide de l’oreille à la clavicule.
Sa main vient chercher ma queue pour l’attirer à lui, en lui. Il remonte son genou, soulève sa cuisse, écarte sa raie et je me niche en lui, lentement, sans à-coups, jusqu’à écraser ma touffe contre son globe fendu. Aussitôt, je noue mes pieds autour de ses chevilles en une double clé pour un grimper de corde lisse et lui se casse en deux, comme pour se ficher plus profondément. Il soupire par saccades et gaine ma bite avec de légers resserrements au rythme de sa respiration. Il est centré sur ma queue en lui, la masse, la presse, se détend, joue pour trouver son plaisir.
Moi, je le caresse du bout des doigts, légers comme une plume, provoquant des ondes de frissons qui hérissent peau et poils, puis mes mains se font plus lourdes, des mains de massage, qui le pétrissent, l’écrasent avant de redevenir un souffle. Et dans ce noir complet, j’explore sa géographie : là où la peau est plus fine et douce, puis d’un coup, je plonge dans la brousse couverte d’épineux entremêlés avant de retrouver des herbes folles qui ploient. Je le lime doucement en le caressant comme on découvre un territoire.
Mon menton est hérissé de barbe et je l’embrasse, le lèche et l’égratigne tour à tour. Je mordille ses trapèzes et remonte vers sa nuque. Il soupire, se dérobe et s’offre à nouveau, cédant à la volupté ou tentant de lui échapper. Il respire fort, halète, se tend ou s’effondre. Putain que c’est grisant de voir ce beau mec se laisser ainsi aller au plaisir et de me dire que j’en suis la source. J’aimerais durer jusqu’à ce qu’il demande grâce, le regarder jouir dans mes bras puis retrouver ses esprits et redevenir cet homme puissant et sûr de lui qu’il donne à voir, parce qu’il l’est, assurément.
Mais il me convoque « viens avec moi, Julien, maintenant ! » Je le sens s’arquer, résister, serrer son conduit sur ma queue, il monte. Je ferme les yeux et, dans une grande inspiration, me fiche en lui au plus profond. D’un coup, il s’effondre, dans une expiration soudaine, il se plie en deux, tous les muscles relaxés puis est secoué par trois ou quatre sursauts en réplique tandis que je le remplis de quelques impulsions en rafale.
Il a lancé son bras vers l’arrière pour me retenir, mais nos membres se dénouent, nos muscles de détendent, nos corps se déploient en étoile, se chevauchant en partie et, d’un coup, je prends conscience d’une brise qui vient nous rafraichir. Bien-être et satiété. J’en pousse un soupir d’aise. Il s’en amuse et saisit mon menton pour m’embrasser la bouche. Sa barbe comme des barbelés : j’en gémis … mais peut-être ai-je déjà les lèvres ravagées ! Il rit et, en guise de coupe-choux, passe sa main sur son cou et sa mandibule avec un crissement métallique puis il s’arrache du lit, rassemble ses vêtements à la hâte et disparait.
Quand j’entre dans la cuisine, au matin, Monique vaque et le patron est accoudé, tête penchée au-dessus de son bol de café. Quand je m‘assois, il lève un sourcil circonflexe de mon côté avec un demi-sourire narquois mais ma frimousse persiste à afficher ma bonne humeur. Sur la desserte, face à moi, la vaisselle de porcelaine s’empile, les cristaux miroitent, prêts à regagner les appartements. Le patron repose son bol vide, prend appui d’une main à plat sur la table, coude écarté : « pour la paille, nous referons comme pour le foin. Autant se donner la main entre voisins ! Et nous offrirons un casse-croute et quelques flacons à tout le monde. »
 Je reste immobile car, aussitôt, une vision s’est imposée à mon esprit : la main du père Rousseau sur moi, un souvenir encore sensible. Je n’y couperai pas, il se trouvera forcément des circonstances où je vais être seul avec lui et je ne VEUX PAS devoir redouter ces moments, je dois absolument me libérer de cette menace et mettre fin, sans appel, à ses privautés.
Le patron se redresse complètement : « Il ne suffit pas de remplir sa cave de bonne bouteilles encore faut-il trouver quelqu’un de fréquentable avec qui les partager » Et son regard pèse alors si lourdement sur mes épaules que j’en relève mécaniquement la tête vers lui. Mais son œil pétille simplement, sans aucune ombre. J’en suis heureux et je lui souris en retour.
Cependant, je ne cesse de gamberger : ne rien faire, c’est laisser la porte ouverte à une autre embuscade de Rousseau et je frémis rien qu’à évoquer un nouveau « contact ». Mais je dois aussi me garder d’une réaction trop épidermique dont le modeste « stagiaire » à l’avenir incertain pourrait faire les frais. Puis je me prends à penser à cet homme, ce Rousseau, la fin de cinquantaine joviale … il est plutôt sympathique, jamais avare d’encouragements et c’est sans doute pour cela que son geste m’a tellement surpris. Alors, je veux m’efforcer de garder à l’esprit cette image positive de lui, il me semble que ce me sera une aide utile.
J’aime les moissons, ce travail forcené et cette cadence qui nous éreintent, le bruit des moteurs et la ronde des machines qui étourdissent, le glissement soyeux du grain, sa fluidité qui nous nourrit. Derrière la moisson, il faut botteler. Longs passages de la presse dans la poussière et la chaleur sèche avec les glumes et autres débris qui volent et se collent à ma peau suante.
C’est la suite qui est la plus éprouvante : collecter les centaines de bottes sur les plateaux et les décharger dans les granges pour les hisser, les empiler avec soin et calcul. Evidemment, les plus jeunes sont aux avant-postes et, avec un Patrick redoutablement efficace, nous formons une belle équipe. Mais le labeur nous laisse avec les reins cassés, les bras durcis, les mains calleuses et couverts de petits débris végétaux qui s’insinuent partout, se collent, démangent… Excédé, je me bouchonne avec mon maillot en boule et ébouriffe mes cheveux courts pour tenter de m’en défaire.

- Ah, te voilà, Julien

Je sursaute, je ne l’ai pas entendu venir, je suis crevé et j’ai envie de souffler, pas de l’affronter. Il approche, d’un pas décidé, le bras levé comme pour une accolade : « vous avez bien bossé, tous les deux avec Patrick, du bon boulot, les gars » Avec mon maillot de corps à la main, vêtu de mon seul short, je me sens totalement exposé. Alors je fais front avec ma carrure et mon sourire et je décide de n’entendre que le positif du compliment : « merci ! »
Mais je sens que ses yeux ont quitté les miens pour détailler mon anatomie avec un éclair un peu égrillard : « il a bien de la chance de t’avoir, le gars André ». Son regard entendu se coule sous ses gros sourcils, sa voix est soudain plus basse et, au bout du bras levé, ses gros doigts frétillent d’impatience.
Alors, je fais rapidement le pas qui nous sépare et, d’une main ferme, je rabats son bras levé et le maintiens baissé puis, dans un grand sourire, je lui rétorque « ça, je l’ai bien compris l’autre jour dans l’écurie ! » Sans que je le quitte des yeux, ma main lui donne alors une petite impulsion pour l’engager vers la sortie « allez, et pour garder le bon esprit de cette équipe, on va laisser nos mains là où elles sont et plutôt aller trinquer ».
 Mais il se bloque, reste planté comme un menhir et nous retient en cassant le mouvement que j’essayais de nous donner. Il plisse ses yeux, fais une petite moue, redresse le menton : « t’es un mariole, toi, gars Julien » Il reste immobile, hochant la tête en silence ; ses sourcils froncés et son rictus ne laissent filtrer de son regard qu’une lame noire et impénétrable. Puis, d’un coup, il se détend, sourit, fait claquer l’air contre ses dents et repart d’un bon pas : « n’empêche, il a bien de la chance … »
Je ris et nous sortons de la grange, dans la grande lumière : « un bel été ! »

Fin de la saison

Amical72

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