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Saison 7 | Chapitre 5 |
Impromptu - Alors je décide de rentrer aux Chênaies. Il était nuit noire quand je suis arrivé. Le lendemain, au petit déjeuner, Monique ne manifeste aucune surprise de me voir en pleine semaine. Elle ne questionne ni ne s’étonne, Monique. Lecourt, sans doute levé aux aurores, n’est pas là. Je vais soigner les chevaux. En cotte bleue, manches relevées, je gratte, j’évacue la litière souillée et les crottins à la fourche, je paille, je distribue foin et rations, je m’active avec mon habituel souci d’efficience, indifférent aux frimas du matin. Je brosse et palpe rapidement chacun des animaux, comme pour vérifier que tout va bien. Mais j’ai aussi un farouche besoin de ces contacts sous ma main : peau, poils, ladre, muqueuses ; le rêche, le doux, le chaud, le moite, les odeurs de vie … Je souris en moi-même, je reconnais cette tension. – « je vois que tu as fait mon travail ! » Je fais tourner la puissante jument pommelée derrière moi dans son box, en maintenant un bras sur son dos, l’autre reste ballant, le bouchon à la main. Je m’appuie légèrement sur le flanc qui enfle avec la respiration, dans la proximité de la chaleur animale. Il me regarde indécis, fixement tendu dans une question muette que je feins d’ignorer. Il est vêtu de son habituel pantalon de travail, d’une grosse chemise aux manches roulées sur ses avant-bras noueux. Il s’est accoudé d’un bras à la lice. En se rasant, comme chaque matin, il s’est tailladé ; deux légers traits rouges parallèles marquent son menton à droite. Il continue de me regarder, décontenancé par mon silence alors que moi, je l’envisage comme une promesse, m’appliquant à deviner ses formes ramassées masquées par les vêtements, ses épaules qui roulent quand il cède un peu sur son bras en appui pour rompre cette situation. J’en souris finement, imaginant charger, par magie, mon regard d’une persuasion télépathique imparable, dans l’attente qu’il se décide, qu’il bouge … Va-t-il enfin entendre battre ma pulsion muette ? Je suis à l’affut, prêt à parer à toute éventualité pour parvenir à mes fins. Quelque chose le retient parce qu’il ne le maitrise pas et j’aime le voir ainsi, incertain, prudent. Il ouvre le loquet, s’avance lentement, froissant la paille fraiche. Il désigne la jument qui a replongé la tête dans son fourrage : - « belle bête, non ? » Il tend le bras pour peser sur le flanc gris. Le bouchon tombe à mes pieds et ma main se pose sur le bas de son dos, souplement, légèrement, comme une anse de panier entre nous. Il a un soufflement sec et hoche lentement la tête. Un acquiescement. Il a compris ! Mes yeux ne le quittent pas et détaillent ses petites lignes palmées là, au coin de ses yeux quand lui ne détache pas son regard de la bête, opinant toujours du chef. – « et alors tu as séché les cours ? » Le ton est incrédule. - « j’arrivais pas à me concentrer » Je me suis rapproché de lui à le frôler et lui souffle à l’oreille – « je t’ai gagné une bonne heure pour qu’on puisse baiser, Lecourt » Brusquement, il tourne son regard qui sautille et le plante, direct dans le mien : je le vois partagé ! Est-il horrifié par ma transgression de déserteur … ou, plutôt, par le culot de mon initiative ? Je reviens lui murmurer : – « je bandais trop à l’idée de t’entendre soupirer de plaisir quand je t’encule profond, quand je coulisse souplement entre tes fesses velues et que tu t’abandonnes. » Je le convoque. Il s’est repris ! Et, d’un coup, redressé ! Il a retrouvé son assurance courtoise et lisse, affermi son regard direct, accroché un demi-sourire narquois. Puis, d’un discret signe de tête, il m’indique la sortie. Sans un mot, ce serait superflu ! Maintenant, c’est moi qui le suis, à grand peine. Et pourtant, il prend le temps de vérifier que j’ai correctement crocheté la porte gauchie derrière nous avant de s’engager d’un pas rapide dans l’escalier. Je me précipite pour garder ses fesses qui valsent juste devant mes yeux, ces deux muscles toniques et nerveux. Mon obsession. « C’est vraiment lui le cul de mon cœur … *» Quand ma porte claque, il m’interpelle du menton, provocateur. Me défie.
* La truculence de Pierre Perret en 1972 avec « Le cul de Lucette », et pour ne rien perdre de sa verve
Amical72
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