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Agriculteur

Saison 7 | Chapitre 6 | Le banquet

Face à face dans ma chambre, Lecourt et moi, mes yeux chevillés dans les siens.

Je suis fébrile, son regard est effronté.

J’ai été le jeune stagiaire enculé par son patron selon un certain ordre des choses. Il est cet homme qui, malgré sa puissance, accède à mon injonction ; il va m’offrir son cul sans rien renier de sa virilité qui, à cet instant, à mes yeux, en devient resplendissante. Le perçoit-il ? Il n’y a, ainsi, plus d’enjeu entre nous, que celui du plaisir partagé.

Les yeux dans les yeux.

Je déboutonne posément sa chemise puis j’arrache ses vêtements de sa ceinture et, commençant à les soulever, je plonge le nez dans sa fourrure, la pointe de ma langue dans son nombril. Tandis que mes mains remontent lentement, mon visage fend la brousse de ses poils aux mille griffes souples et je dépose de petites touches humides à leurs lisières. J’engloutis son téton avec l’avidité précipitée d’un jeune veau, puis idem du second. Il a levé les bras et gonfle le torse en soupirant d’aise. Je bascule dans la moiteur de son aisselle qui m’enivre, enfin, lui ôtant totalement maillot et chemise, je me rue sur sa bouche en enfonçant mes deux mains dans la mousse de sa toison.

Embrasser Lecourt, c’est un banquet, celui des ripailles du jour du cochon, entourées des mille lames de nos barbes. C’est un rituel avec ses figures imposées et ses libres variations. On y entend jaillir des cris vite étouffés, des soupirs, et tous ces bruits organiques qu’il est partout malséant de ne pas retenir. C’est parfois glouton, emporté, vif et parfois alangui et souple, tel une rêverie diaphane qui suit le cours de l’eau. Il y a le cru et le cuit, mais aussi le confit, le fondant, le ferme. On y mord le maigre et le gras, la couenne et le gélatineux, on s’y gratte l’os. On se sert l’un l’autre, on dérobe parfois le morceau envié avant que la bouche de l’autre ne l’engloutisse. On s’en délecte, s’en remplit, dans une satiété joyeuse, fantaisiste et renouvelée.

Il nous a retournés et m’a collé, d’une main, dos au mur. Le zip de ma cotte a fait un bruit net, un trait de scie. Il dégage mes épaules, fait voler mon tee-shirt et saisit la taille à deux mains. Il a tout baissé d’un coup sec, à mi-cuisses et, à genoux, bouche ouverte, traque ma bite qui bale, pour l’engloutir avec un soupir de satisfaction. Le bonheur d’une pipe lente et méthodique, en aller-retours ajustés pendant que ses deux mains achèvent de me libérer : chaussures, chaussettes, jambes … Ses grosses mains me pétrissent, me palpent, m’ébouriffent. Des serres étreignent mes hanches et il écrase son visage, son nez dans mon aine, ronflant, soufflant, recrachant mes poils, aspirant mes couilles comme un sanglier qui cherche des racines, ma bite qui file, pressée contre son oreille.

Quand il se relève, je crochète sa ceinture que je déboucle hâtivement. Il m’échappe, se retourne, tombe sur le lit. Je tire sur son pantalon pour découvrir son sempiternel grand slip kangourou en coton blanc peigné, tendu sur son cul d’homme. Une vision qui ravit mes yeux et que je moule de mes deux mains décrivant une orbe de gourmandise. Je glisse mes doigts sous l’élastique pour faire glisser vers le bas cette douceur pelucheuse, aidé par Lecourt qui escamote sa queue et me cantonne volontairement à son arrière train.

Achever de le déshabiller, libérer ses cuisses puissantes, ses pieds nerveux. Mater les poils châtains et bouclés qui s’échappent de sa raie en crête, y frotter mon visage et glisser une main pour recueillir ses couilles dans leur bogue de poils rêches pour les presser, souplement. Un signal.

La pointe de ma langue va tracer un chemin humide, trouver ce fin bourrelet à la base du scrotum, et le remonter. Saliver. Et parvenir à son puits, plissé, fripé. Revenir mouiller encore. Il a écrasé son torse sur le drap, dos cassé, reins cambrés, en position d’offrande, d’imploration. J’enfouis mon visage entre ses fesses que j’écarte à deux mains pour dévorer cet anneau, le gober, le détremper, l’écraser. Puis le chatouiller, le caresser … pour le tournebouler, l’affoler, le détendre, l’affamer. Pour qu’enfin, haletant, frissonnant, éperdu, LUI me fasse signe. Et c’est là !

Mais j’ai encore des tours dans mon sac. Pour le faire patienter ! Presser la pulpe de mon doigt, faire céder et l’enfoncer lentement jusqu’à atteindre ce petit renflement, à l’intérieur et l’entendre alors ravaler sa salive précipitamment. Il se soulève sur un bras, cou tendu, bouche ouverte, cherchant l’air et, sur un simple toucher, voilà sa force qui se dérobe et il retombe, gargouillant, le nez dans le drap. Rester immobile quelques secondes … qu’il retrouve ses esprits, le caresser, l’égratigner, partout, ailleurs, pour que son attention reflue, se disperse, le désoriente. Et là, je pique, d’un simple twist du doigt. Ses yeux se révulsent, sa respiration coupée puis son sourire …

- « viens Julien, ta queue … »

Ma queue comme un outil fidèle pour parvenir à le faire jouir, LUI ! Car avec lui, je n’ai plus besoin de rien me prouver avec ma queue ; je SAIS que je suis un homme mais je SAIS aussi que je suis faillible et, même si ! On en rirait ensemble en attendant que ça revienne …

Mais saisir ma queue à pleine main pour la guider, l’emboucher, lui, en guettant ses réactions, le voir se placer, pousser et voir la tension sur son visage, partagé, en alerte et, finalement, le soulagement. Attendre qu’il se détende. Me laisser aller sur lui, l’écraser sous mon écroulement de pieuvre, gigoter pour m’incruster, imbriquer nos peaux, en cuillers.

Et ces irrépressibles mouvements de bassin qui nous agitent l’un et l’autre, comme un hoquet d’abord, puis qui s’organisent et s’accordent en houle, en balancement.

Voilà Lecourt qui rugit, se soulève d’un coup et nous renverse, se dégage. Il est debout au-dessus de moi, qui me pousse du talon et me tire du coude jusqu’à m’adosser à l’oreiller, bite toujours dressée. Il fléchit sur ses genoux, m’enjambe et je me penche en avant, d’un coup, pour aspirer sa bite. Quelques aller-retours lui redonnent toute sa vigueur puis il me la soustrait autoritairement, la protégeant d’une de ses mains en coque.

L’autre s’est emparée de la mienne et la guide tandis qu’il s’accroupit dessus, franchement, avec de profondes inspirations, jusqu’à l’engloutir. Ses yeux se plissent dans un éclat joyeux et, s’accrochant à moi des deux mains, il bande ses cuisses et se soulève lentement puis se laisse souplement glisser, guettant le plaisir sur mon visage à chacun de ses mouvements ascendant ou descendant. Il me chevauche. C’est lui qui me presse, m’essore, me dévore et joue de ce que je croyais être mon sceptre. Je l’ai voulu, provoqué mais, au final, c’est moi le jouet qu’il fait monter aux limites de la jouissance, relâche et regarde retomber, puis reprend avant qu’il ne se casse. Ses yeux me scrutent dans ma résistance vaine, contrent la parade de mes caresses malhabiles pour tenter de l’amadouer, le faire fléchir.

Mais pas que ! Lui aussi monte, enfle, tremble.

Dans une décharge électrique qui secoue brusquement mes bras et mes jambes, je me tends et je viens avec un misérable miaulement de matou défait alors qu’aussitôt, il se fiche profondément sur moi, secoué par des spasmes en cascade qui lui cassent le dos, effondrant ses épaules, exhalant un souffle particulier, à la fois sourd et grave, qui m’alerte, tandis qu’il m’éclabousse.

– « ça va, patron ? »

Je me suis redressé, vaguement inquiet mais il se dégage, bascule sur le côté, tombe à plat dos les membres en croix avec un profond soupir qui se poursuit en petit rire bref.

- « bon, et bien je n’ai rien fait du boulot prévu … »

Je suis dégrisé après avoir joui et vaguement culpabilisé, alors je bredouille :

– « désolé, patron »

Il part d’un grand rire

– « désolé ? Mais, Julien, ça fait deux ans que tu fiches le bazar ici, que tu bouscules l’ordre des choses tel qu’il y régnait jusqu’alors… il serait grand temps que tu t’en rendes compte ! »

Je suis étendu sur le dos, les yeux fixés au plafond et il me semble qu’il va me tomber sur la tête … Mais Lecourt s’est penché sur moi à son tour, la mine hilare :

- « deux ans que je ne me reconnais plus ! Alors, je vais te dire, Julien … surtout, … NE CHANGE RIEN ! »

Entamant sur un ton sévère, sa voix a enflé en un ordre qui claque mais, ensuite, il poursuit et elle s’efface en confidence murmurée.

- « Ta fantaisie est précieuse, Julien. Et continuons de cultiver notre jardin secret »

Il a haussé les sourcils, son index pointé tapote mon torse. Il me regarde avec des yeux ronds et un petit sourire de connivence, comme s’il recherchait un accord tacite, en totale opposition avec la brutalité de ton qu’il avait, d’entrée, adoptée.

ENORME ! Je suis soudain gonflé à l’hélium, chargé de combustible thermonucléaire, de quoi faire cent fois le tour de la Terre au galop et en portant Noisette sur mon dos … J’ai tant guetté, espéré une parole et ce manque, cette attente me retenait, me bridait. Or celle-ci me prend par surprise, avec cette légère atténuation que lui donne l’humour … Surtout, ne rien laisser paraitre. Respirer.

Et je crois bien entendre le message : un jardin « secret » et ce sera « le nôtre ». Je tourne juste les yeux vers lui, véhément et je m’espère convaincant :

- « c’est parce que je n’aime rien tant que le travail bien fait que je me veux le plus loyal et le plus dévoué des collaborateurs, patron ! »

Il se marre, comme si tout cela allait de soi, implicitement. Non, aucun nuage ne semble assombrir ses yeux, c’est grand ciel clair … ouf !

Il se lève, empoigne ses vêtements et descend à la douche. Je reste étendu sur le lit. Les quatre membres écartés en étoile, je flotte, comme un frêle esquif à la surface de l’océan et les draps froissés témoignent de la toute récente violence des éléments, de la force des rouleaux, de la profondeur abyssale des creux … Et pourtant, je flotte. Je suis vivant. Je compte. Il me l’a dit, ces simples mots me libèrent. J’ai donc déjà fait quelque chose de mon temps, de mon travail, de mon … « attachement (?) », de ma vie.

Après avoir découvert ce qui fait de moi un être « particulier », après avoir accepté d’endosser ce que beaucoup regardent encore aujourd’hui comme une infamie, j’ai réussi à compter pour LUI, à ses yeux. Baiser, c’est facile ! Mais gagner sa confiance, obtenir de lui qui a tout, depuis la position sociale jusqu’au patrimoine, qu’il me fasse une place avec respect et humanité, je ne doute pas une seule seconde que je ne le doive qu’à moi. Et cette certitude aussitôt se cristallise, dure crête de granit que l’on voit désormais de partout.

Sur la route du retour au lycée, j’écoute « Ô felix jucunditas et jucunda felicitas / Ô heureuse joie, joyeux bonheur », l’âpre musique vocale de Samuel Capricornus (1628/1665), qui danse, pleine d’allégresse et d’exaltation. Comme mon cœur.


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