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12 | L’eau à la bouche
Le récit de Julien
Cyrille a quitté la cabine du sauna et je ramène mes yeux sur Mehdi accroupi, qui n’a pas lâché ma queue et lui dispense de rapides coups de langue, comme par jeu.
Je lui retire son jouet d’une main en conque qui la colle et la protège contre mon ventre, pour l’examiner sans mot dire. Réciproquement, d’ailleurs.
Son regard sombre et effronté, sa peau mate, son sourire tranquille, ses belles épaules de trentenaire, son coude posé sur son genou dressé, son pied nerveux aux ongles carrés. Je me penche et l’empoigne à deux mains sous ses aisselles moites pour venir l’allonger sur la banquette. Je me baisse, remonte ses jambes sur le matelas et je le caresse en partant du cou de pied, ma paume épousant soigneusement chacune de ses formes. Il est assez poilu, d’un poil discret : court, fin et aussi sombre que ses cheveux. Sa musculature est sèche, le mollet nerveux, la colonne vertébrale saillante.
Je m’empare délicatement de sa bite déployée et circoncise, la pose sur ma main ouverte, la fait légèrement rouler ; le gland est rosé, sa muqueuse très douce sous la pulpe de mon pouce.
- « Ma mère est bretonne, c’est pour ça ! »
De l’humour ! J’aime cette distance. Sans être nettement marqués, les abdominaux sont fermes et tendus, les pectoraux fins mais serrés.
- « Tu joues au foot ? »
J’ai dit ça au hasard, il secoue la tête, négativement.
- « Je cours, je nage ... » Il ponctue d’une grimace.
- « Pas très bien ! »
De ma main à plat, je tente d’ébouriffer les poils courts sur son torse, je pince le petit mamelon sombre. Il est resté allongé, bras relevé et son aisselle exhale une chaude odeur d’homme propre. Il pouffe.
- « Tu fais un inventaire en vue d’adopter ? »
Son regard est amusé mais … pas tant que ça ! Pas seulement. Alors j’attends la suite. Il bascule sur le dos, les yeux au plafond, s’étire. Joli garçon.
- « Profite de l’occasion, j’ai rompu ma laisse, je suis libre pour la soirée. »
Il a lancé ses jambes pour se redresser, pivoter, venir face à moi, assis au bord du matelas. Il a passé son bras par dessus mon épaule pourtant ses yeux sombres ont un reflet terni malgré son large sourire ravageur. Il rejette la tête en arrière, désignant la porte.
- « Il a dit que tu es un bon papa, c’est juste ce dont j’aurais besoin pour le week-end. »
Une quinte de rire soulève mes épaules.
- « J’habite à la campagne, ce n’est pas tout proche ! »
- « Et tu élèves des chevaux, je sais ! »
Il contemple sa main qui joue dans la fourrure de mon torse, les doigts écartés la ratissent en dessinant des ondulations. Il ramène ses yeux dans les miens.
- « En revanche, le jeunot, personne ne le connaissait. Mais toi ... »
Il compte sur ses doigts.
- « Tu as la quarantaine, plutôt beau mec, tu es pédé, actif à tendance dominant, tu aimes embrasser, jouer à plusieurs, ... »
Il a balancé sa tête d’un côté à l’autre, fait la moue.
- « Ça m’ira … SI … si tu es gentil ! »
Il se redresse à genoux sur le banc, affectant soudain une légère insouciance, sa main sur ma nuque m’attire souplement à lui dans une promesse de baiser.
- « J’ai envie qu’un solide papa poilu s’occupe de moi, longtemps, savamment, auprès de qui je m’endors ensuite en confiance et que je réveille avec une pipe. Enlève-moi ! »
Je le caresse partout du plat des deux mains, sa peau est soyeuse, ses sourires enjôleurs et ses ondulations lascives entre mes bras me laissent augurer de bien voluptueuses acrobaties. Pourtant j’éprouve une réticence à ramener un parfait inconnu à la ferme, ce refuge qu’on m’a confié en garde. Je n’en suis pas propriétaire et il serait si facile d’abîmer cet univers préservé. Mais il se hausse et entoure mon cou de ses deux bras pour me souffler à l’oreille.
- « T’inquiète pas, papa ! J’en veux qu’à tes câlins. Arrivé chez toi, je te confierai mes clés pour que tu sois tranquille. »
Je hausse les épaules avec une désinvolture appuyée pour protester en fanfaron de ma sérénité, mais je suis déjà à deux doigts de craquer, d’accepter. Pourtant une chose encore …
- « Tu as dit que je suis pédé ! Et toi, dis donc ? »
Il rit.
- « Ici, il y a des pédés qui se jettent sur toi, t’implorant à genoux de les laisser te sucer la queue mais ils sont mariés avec femme et enfants et, sitôt dehors, ils ne sont plus pédés mais se drapent dans leur respectabilité alors que toi, tu deviens instantanément transparent à leurs yeux. Alors pas question de même envisager de dormir dans leur lit ! »
- « Alors qu’avec moi ... »
En réponse, il m’a fait ses yeux de marron grillé, chauds, profonds, veloutés et j’ai soudain eu, moi aussi, envie de l’avoir contre moi, cette nuit, de pouvoir tendre le bras et toucher cette peau, ce poil, de me bercer de son souffle régulier, puis de me réveiller avec cette joie.
Je l’ai à demi broyé entre mes bras et à demi suffoqué avec ma langue, ma main est venue presser son rein contre moi pour que nos dagues se frottent, comme deux animaux qui se reniflent et mêlent leurs odeurs pour faire connaissance.
Il a sorti une combinaison de moto de son casier et j’ai maté son dos tandis qu’il se coule dans cette peau matelassée. Depuis sa taille haute et vers le bas, ses lignes s’évasent légèrement, rectilignes jusqu’au sursaut de ses cuisses, sans aucun ressaut ni boudin sur ses hanches alors qu’au-dessous le cuir épais poche un peu sous les fesses, presqu’une insulte à ses deux pommes fermes qu’il porte haut. Il me met l’eau à la bouche.
Il se retourne vers moi et nos regards se croisent un instant. A l’étincelle qui danse dans sa pupille, je comprends qu’il a besoin de s’échapper … pour que nous soyons tranquilles.
Puis nous prenons la route. Arrivés aux Chênaies, je lui indique où garer sa machine, près de ma voiture, sous le hangar, comme un signal.
Mais Lecourt, lui, est au bord de la mer.
Amical72
amical072@gmail.com
* Pour terminer cette saison, je veux adresser un clin d’œil amical à un lecteur assidu ; « Mon ange, je t'ai haïe / Je t'ai laissée aimer d'autres que moi / Un peu plus loin qu'ici / Mon ange, je t'ai trahie / Tant de nuits alité / Que mon cœur a cessé / De me donner la vie / Si loin de moi (ter)" voici Alain Bashung avecTant de nuits
Fin de la saison 10 / Toutes vos remarques seront les bienvenues et je m’efforcerai de répondre à chacun d’entre vous aussi rapidement que possible.
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