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Agriculteur | S15 Joris

5 | Prendre l’air – Le récit de Julien

Je me suis levé de très bonne heure avec une envie : celle de prendre l’air ! La météo, rapidement consultée, est favorable. Les animaux sont dans les pâtures, les urgences peuvent attendre le lendemain : je m’offre le plaisir d’une journée en solitaire.

J’ai rapidement rassemblé le nécessaire et cette efficacité participe de ma fierté : sentiment d’être en bonne santé, d’avoir veillé à tout et de disposer librement de mon temps, loin du gloubi-boulga affectif qui m’a bousculé ces derniers jours.

La route jusqu’à la côte est accompagnée de musique et devient une formalité.

J’ai traversé la forêt à pied puis la dune et poussé jusqu’à la plage pour me baigner, à cette heure où elle n’est pas encore envahie par des estivants trop bruyants puis j’ai gagné la lisière entre dune grise et pinède, parcouru la résille de sentiers entre les tamaris, les ajoncs, les jeunes pins au milieu desquels s’aménagent des alcôves ensoleillées mais protégées du vent jusqu’à trouver la place, un peu à l’écart, où dérouler ma serviette.

Dans l’air chaud et sec, je m’étends, totalement nu, et j’ouvre un roman policier d’Arnaldur Indridason dont l’intrigue me retient moins que l’atmosphère de brouillards nostalgiques dont il l’enveloppe, dans un saisissant contraste avec ce grand soleil qui m’environne.

De temps à autre, je me lève, emportant clés et nécessaire d’urgence dans un minuscule sac à dos pour me dégourdir les jambes, parcourir les traces, découvrir les silhouettes qui les arpentent, tout en évitant les parasols colorés qui signalent trop explicitement que la zone est occupée, contournant les serviettes souvent abandonnées … puis revenir sagement à la prenante atmosphère du récit nordique.

Et, soudain, au détour d’une de ces errances, il a surgi de ma gauche.

Un grand jeune homme nu, mince et très brun.

Un visage carré et harmonieux éclairé d’un sourire avenant ; peut-être, même, a-t-il légèrement rosi.

Comment m’a-t-il envisagé ? Déjà, il s’éloigne, souple silhouette dont les pas ont croisé ma route et qui disparaît derrière un rideau de végétation. Je me prends à calculer un itinéraire qui devrait recouper le sien.

Et, soudain, je le découvre venant vers moi au travers d’une étendue dégagée de sable sec. Il doit avoir environ vingt-cinq ans, une mince silhouette déjà athlétique sans être encore totalement dégagée des tendres limbes juvéniles, la peau hâlée plus que bronzée avec, aux bras et aux genoux, la démarcation d’une combinaison, une fine pilosité brune qui s’épanouit sur son torse en y gribouillant deux ailes de papillon, frise et bouffe comme une jungle naturelle et exubérante sur son pubis, rappel d’une toute aussi abondante chevelure de même couleur et, quand nous nous croisons, des yeux foncés qui pétillent de connivence amusée.

Je me suis arrêté pour me retourner quand lui poursuit calmement sa promenade ; sans doute perçoit-il le poids de mon regard sur lui et, peut-être, en frissonne-t-il. Le poil qui court sur ses mollets, remonte sur ses cuisses, souligne sa raie d’une ombre puis forme un éventail ébouriffé dans ses reins. Ses fesses se contractent et les muscles de son dos roulent à chacun de ses pas dans ce sol meuble et exigeant.

Charmant, vraiment.

Je devrais dire « bandant à souhait ».

Oubliée, l’intrigue islandaise et les tempêtes de neige qui engloutissent les fantômes.

J’ai soudain une faim de loup pour ce chevreuil des dunes à longues jambes, pour cet Adonis intimidé qui excite l’instinct du sanglier et relance les tactiques du chasseur. Par où va-t-il chercher à s’enfuir – ou pas, va-t-il se laisser capturer … ? Comment recouper sa piste au plus vite ? De quel bosquet va-t-il jaillir ? Dans cette végétation buissonnante, sa grande taille l’expose et il n’est pas bien difficile de retrouver sa trace, de le rabattre.

Je le croise à nouveau, guettant quelque signe d’encouragement de sa part, mais il passe, me regardant sans effacer ce fin sourire hésitant mais sans oser marquer le pas. Dés lors, piqué au vif, j’entreprends de le pister, le marquant au plus près pour le débusquer, jusqu’à parvenir à l’acculer dans une de ces clairières écartées, où un sentier se termine en impasse, là où les étreintes se concrétisent. J’en triomphe déjà quand lui, s’immobilisant et envisageant les lieux d’un coup d’œil circulaire, découvre qu’il est pris !

Le voilà qu’il fait volte face et revient directement sur moi qui barre le seul accès. Il dodeline latéralement de la tête avec une petite moue dépitée et avance droit devant, droit sur moi, l’œil fixe. Un élémentaire réflexe d’urbanité et d’élégance me fait m’effacer avant qu’il ne doive m’écarter et il s’échappe par la voie redevenue libre, non sans un courtois sourire de remerciement, un éclat de soulagement dans la pupille. Il s’enfuit, loin, le chevreuil.

Merde, raté !

Ce joli garçon m’a pourtant laissé longuement lui filer le train de façon clairement appuyée sans m’avoir découragé à aucun moment. Jeunesse inconstante qui expérimente sa capacité de séduction avec inconséquence et me plante avec la queue en feu ! Je rumine une vexation à la mesure de l’empressement avec lequel mon cœur d’artichaut s’est embrasé pour ce joli minois que j’aurais aimé voir suffoquer sous mes assauts empressés et j’entraîne ma soudaine aigreur belliqueuse par les sentiers du sous-bois que j’arpente maintenant d’un pas vengeur.

Là-bas, un vététiste en tenue violemment colorée attache son engin à un arbre. Il a dû traverser la forêt jusqu’à butter sur le sable meuble des dunes. A demi courbé, il n’en jette pas moins par en-dessous de rapides regards aiguisés aux alentours et semble m’avoir repéré …

Belle cuisse musclée qui laisse augurer d’une plaisante fesse ferme sous son cuissard noir. Une alliance brille discrètement à sa main gauche ; en voilà un qui n’aura pas de temps à perdre en vaines simagrées et avec qui je saurai rapidement à quoi m’en tenir.

Il s’accroupit pour ôter ses chaussures et je m’immobilise pour, ostensiblement, le mater, le détaillant sans vergogne avec sa légère calvitie en tonsure. Il se redresse, de trois quarts, tourne le visage vers moi et abaisse jusqu’au nombril la glissière qui partage par le milieu son maillot ajusté bleu, noir et blanc zébré de jaune. Un peu plus petit que moi, les pattes d’oie au coin de ses yeux dénoncent qu’il pourrait être mon aîné d’au moins quatre ou cinq ans.

En trois pas, me voilà à un cheveu de son contact, face à face. Nos yeux se sont accrochés comme pour vérifier qu’aucune objection ne nous interdit de poursuivre, ma main glisse dans l’ouverture du vêtement sur son torse lisse et sec dont je sens chaque côte, pour m’emparer rudement de son téton.

Il a un haut le cœur, cligne des yeux tandis que, comme un retour de balancier, son bras envoie sa main cueillir délicatement ma queue déjà au garde à vous. Il y a comme une incertitude dans ses yeux et je laisse mon sourire s’épanouir lentement, reflet de mes plus lubriques intentions, chaque resserrement de mon pouce écrasant son mamelon sur la tranche de mon index le fait papillonner des paupières, plisser son front de rides de supplication et entrave sa déglutition.

Ne pas lui laisser le temps de réfléchir ni au retard, ni aux éventuelles traces, encore moins aux soupçons éventuels ; le garder prisonnier de sa pulsion spontanée, de l’urgence à contenter son impérieux besoin pour compenser ma frustration de l’instant d’avant, redorer mon blason de niqueur passagèrement contrarié.

Ma seconde main vient mouler sa fesse gainée dans le lycra en le plaquant contre ma queue insolente, l’enfermant dans mes bras et, malgré une tentative d’évitement brouillon, il ne parvient pas à se soustraire à mes lèvres gloutonnes, ni à ma langue conquérante ; mais dans les deux secondes suivantes, sa bouche se fait ventouse, ses bras l’enchaînent à mon cou et sa langue limace tente d’assécher la mienne dans une reptation soyeuse.

Pourtant, il se détache brusquement, les yeux écarquillés par son audace.

- « Ne restons pas là, viens ! »

Et il m’entraîne à sa suite sous la protection, illusoire à mon avis mais qui semble le rassurer, d’une chambre de verdure à la litière craquante qu’offrent les frondaisons d’un bouquet de chênes verts aux troncs entrecroisés où, à mon invitation, il ôte en hâte les derniers vestiges de sa tenue se dévoilant à son tour intégralement à ma vue quand ma nudité originelle ne lui laisse rien ignorer ni de mon anatomie, ni de ma farouche bandaison sur laquelle il louche avec impatience.

Lors de cette évaluation visuelle réciproque, je me dis que j’ai un énorme avantage sur lui : je suis gay, entièrement, uniquement gay, sans préoccupation de dissimulation ou de ménager, y compris à mes propres yeux, une autre possibilité ; toute mon énergie, toute mon attention vont donc être concentrées, consacrées à un seul objectif : le faire reluire et le gaver. Lui qui pense sans doute avoir trouvé une opportunité de tirer un petit coup en marge, histoire de pimenter la relation conjugale officielle d’un peu d’illicite, je vais lui servir un banquet républicain en quinze services et en fanfare.

Il s’affaisse avec l’intention de s’occuper de ma bite mais je le retiens d’une main ferme : d’abord, la salade de museau, à bien fatiguer, longuement, soigneusement ; les mains larges, pressantes qui font l’inventaire, exhaustives, qui pétrissent et réveillent ; les doigts indiscrets qui s’immiscent, écartent, débusquent les moiteurs d’homme propre qui vient de faire un effort, les exhalaisons piquantes ; à la suite, une bouche en goguette qui froisse le cartilage d’un pavillon happé par des lèvres avides, une langue intrépide qui explore, l’émail glacé des dents qui mordillent, et insistent encore, jusqu’à ce soupir irrépressible, cet aveu, cette reddition ; cette bouche qui, à son tour, s’essaie, s’aventure et tant pis si c’est maladroit, c’est l’intention que j’attendais, que je guettais.

Avant de t’entraîner plus avant, t’imposer une aisselle, la volonté la plus virile, l’ordre « lèche » qui claque, des mains qui te renversent, pliant ton ventre sur cette branche qui t’égratigne pour fendre ta pêche, l’écarter en deux, dévoiler ton petit trou du cul fripé , ses quelques poils, légers. Mais plus rien ne t’importe que ma langue qui t’emporte, te soulève, te fait t’ouvrir, pour t’offrir sans retenue, frémissant, impudique.

Une main renverse mon sac et farfouille, mon ongle claque et l’impression de fraîcheur du gel sur ta muqueuse te fait sursauter, t’invite à te reprendre.

Mais mon doigt magistral t’a déjà percé et tu couines. A la posture que tu adoptes, je devine que tu n’es plus un ignorant mais ton hésitation m’instruit que tu n’es pas vraiment coutumier de la chose et ce défi excite mon instinct de chasseur exercé. Mon pouce a pris le relais, souple et rassurant, qui t’accoutume et t’apprivoise.

Tu marmonnes un « doucement » qui n’est pas encore un consentement mais déjà une invitation et mes doigts reviennent en paire, t’investissent dans un gargouillis qui dit ta surprise, ta confusion de te voir si facile, si hospitalier, le retour d’une vague honte à te sentir si prompt à t’en régaler ; je t’écrase le dos de mon torse en te léchant la nuque le temps de dérouler le latex et de revenir nicher mon gland dans ta rosette épanouie quand du poitrail et des deux mains en appui sur cette forte branche, tu t’apprêtes à résister en retour, tu appréhendes ce que tu redoutes comme une estocade propre à te foudroyer mais tu l’appelles, dépassant déjà ta crainte pour espérer le plaisir suprême pourtant innommable, interdit.

Alors pour accroître ton trouble si discernable, j'étire sauvagement ton téton et te glisse à l'oreille un "je vais te fourrer comme un prince" qui vibre de toute la concupiscence dont je me sens capable. Ton soupir est si sonore que je me suis d'abord réjoui de t'avoir enfilé si souplement avant de réaliser que les soubresauts qui te secouent sont ceux de ta jouissance.

Je durcis mon rein, ancré dans le sol de tous mes orteils pour pousser mon dard en toi qui cèdes à tes spasmes et mes mains t'encadrent d'une douce fermeté, mon torse se fait lourd sur toi et ma bouche t'embrasse, te léchouille, ma barbe t'égratigne entre deux encouragements.

- "Bien, sois patient maintenant, laisse revenir ..."

Je te sens te détendre, jusqu'à l'amollissement, tu t'ébroues discrètement, est-ce pour te libérer de mon joug ?- mais cédant à mes "tss" apaisants, te prêtant à mes caresses, à ce travail insidieux et patient du mamelon qui, à nouveau, se dresse timidement puis suivant cette onde courant autour de ma queue toujours résolument plantée en toi, en indice précurseur tu gémis doucement.

Une plainte murmurée qui dit à la fois le plaisir et le dépit, ce renoncement qui te fait céder à la gourmandise -et tu reprends un énième de ces chocolats trop sucrés qui te beurrent la bouche jusqu’à l’écœurement- le plaisir de capituler, d’abolir toute retenue, tout apparence de dignité et de te vautrer dans la luxure ; car je te sens ondoyer, c’est toi qui vient chercher la caresse sur mon éperon planté en toi, l’envelopper de tes soieries, l’aspirer, l’enserrer dans tes entrailles d’acier, le lustrer, toi qui, cuisses à l’équerre, balance son bassin d’avant en arrière puis retour, tressaute, tournoie pour te frotter, t’écraser, étirer de lents coulissements qui te font chanter ; je n’ai alors besoin que d’une infime flexion sur mes jarrets pour en relancer l’inversion, me laissant, à mon tour, griser par la toute puissance de ma merveilleuse bite magistrale.

Sans plus te préoccuper des ombres indistinctes qui approchent, bassin en rétroversion pour te rendre les honneurs avec leur érection entretenue par de frénétiques coups de poignet mais que je garde à distance d’un froncement de sourcils.

Car tu chantes !

Sans pudeur, alliant des couinements de souris gavée aux rauques raclements de gorge quand tu te ramones en puissance d’une reculade qui te fourre à satiété mais tu n’en as pas encore assez, jamais, et tu repars pour revenir, intarissablement entêté.

D’un coup, tu es secoué par tes spasmes de jouissance et je t’agrippe à deux mains en serres de rapace pour me finir en quelques coups de rein, imprimant ton coccyx sur mon pubis, t’infligeant d’ultimes sursauts, les miens, avant que tu ne t’écroules à mes pieds, rebondissant à genoux pour arracher le lambeau de latex qui pend et gober la divine bite qui t’a fait si grand effet, l’asséchant de tes aspirations reconnaissantes.

Et tu relèves vers moi des yeux éperdus qui déjà m’embarrassent. Tu ne vas pas … ?

- « Waouh ! Elle est bonne ta queue ! Tu es du coin ? »

Je souris, narquois, l’humour pour mettre un peu de distance.

- « Disons que tu avais faim et moi aussi, une coïncidence ; et qu’on a su s’accorder dans cette conjonction favorable, cet alignement bienvenu. »

Il se colle à moi, enserre ma cuisse du bras, soupèse mes couilles avec le regard salace. Non !

- « J’aimerais essayer de te les vider encore mieux la prochaine fois. »

Et voilà ! Je viens tirer un coup dans les dunes pour me soustraire aux imbroglios affectifs récents qui me prennent la tête et cet inconnu, parce qu’on a VRAIMENT baisé comme des rois et plutôt que de savoir s’en réjouir, gâche l’instant, s’accroche à moi, lourd et insistant, comme si cet endroit se voyait soudain dédié à la rencontre amoureuse ou à la routine des rendez-vous programmés de cinq à sept. Excédé, je choisis de ricaner grassement.

- « En fait, je viens rarement seul mais plutôt avec des potes pour partager un gourmand comme toi, qui gueule de bien se faire ramoner. On aime rivaliser, tu vois ? »

Je lis à son froncement de sourcils qu’il reprend pied dans son monde de prudence et de dissimulation, que se creuse le gouffre du risque de dévoilement, de réprobation publique, de bannissement familial. Déjà, il chancelle, recule, regard fuyant.

Tout en vérifiant la présence de mes clés dans mon sac, je rassemble la capote nouée, son étui déchiré pendant que, de son côté, il enfile son cuissard. Je l’achève.

- « Quand on vient, on chasse dans ce secteur, tu sauras bien nous trouver. »

Déjà, en lui, la vague de dopamine se dissipe et il bat en retraite, incertain, presque méfiant, songeant déjà à ce qu’il va devoir dire, en rentrant, pour expliquer ces égratignures, son retard, que sais-je … Pris de remord, je lui lâche :

- « Il n’empêche, c’était vraiment un BON moment, non ? »

Mais pourquoi, diable, faut-il qu’en la matière, l’extase d’un instant -ce qui n’est déjà pas si mal !, conduise si souvent à l’illusion de croire qu’il ouvre à l’éternité ?

Il a enfourché son VTT et je suis retourné m’étendre sur ma serviette pour retrouver le taciturne commissaire Erlendur de la police de Reykjavík, hanté par son enfance dans les contrées sauvages et reculées des fjords de l’est.

Amical72

amical072@gmail.com

Retrouvons l’inspecteur Erlendur Sveinsson, sceptique devant les croyances islandaises, bourru au cœur tendre, le personnage crée par Arnaldur Indridason.

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