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Agriculteur | S16 Initiations

6 | Pronostic – Le récit de Joris

Je me réveille, la tête embrumée, dans une maison absolument silencieuse, un désert.

Je suis immédiatement envahi par un sentiment d’abandon. Quoi ! Habituellement, après un déjeuner rapide, le samedi est, de toute mémoire, consacré à des activités en famille, des réjouissances collectives, un vécu partagé … Ils seront donc partis sans moi !

Bien sûr, après mes cabrioles de la nuit passée, un sentiment de puissance vient contrebalancer ce regret mais je suis littéralement partagé, un pied dans ma propre vie d’adulte … dont je n’ai encore ni tous les attributs, ni toutes les prérogatives, l’autre dans la nostalgie de cette vie de famille aimante et soutenante où j’ai grandi.

Certains vont ricaner : pour beaucoup, un mec qui se fait enculer par quatre ou cinq bites différentes en une seule soirée est plutôt un objet de servilité, de mépris, d’indignité même, quand, d’une queue qui visite plusieurs cavités successivement, les mêmes ne retiendront que la virilité et la puissance.

Je ne pense pas que mes aventures de la nuit dernière illustrent cette vision rudimentaire et rétrograde. Je sais trop la place centrale qu’occupe ma mère, pourtant épouse traditionnelle dans ce foyer, pour imaginer une seule seconde qu’être pénétrés suffit à nous constituer en victimes soumises. Je connais trop bien sa force, sa détermination, sa pugnacité, la solidité de son soutien indéfectible indispensable à ses enfants, tout autant qu’à son mari, pour me rendre à ce jugement hélas courant mais largement erroné, et de tous temps !

Ce n’est pas la répartition des rôles qui fonde l’asservissement.

Car moi, définitivement, j’aime en prendre plein le cul. Je SAIS qui je suis et ce que j’aime aujourd’hui ; je veux construire ma vie sur cette connaissance, ses évolutions, mieux me comprendre pour pouvoir me dépasser. Je m’émancipe, je fais des choix, mais je dois également renoncer. Il est vain de penser qu’on peut ne faire que gagner, sans cesse, sans devoir se départir de rien en chemin.

Car s’il y a une chose dont je suis persuadé aujourd’hui, c’est de vouloir voler de mes propres ailes et, pour cela, je dois encore conquérir ma place, ma subsistance et, donc, m’aventurer hors de la sécurité du giron familial.

Après une douche chaude revigorante, une lessive de mon jock fétiche, un solide en-cas, le petit mot posé en évidence sur la table de la cuisine m’indique où les rejoindre pour m’attarder un moment dans ce cocon qui me renforce.

Merde, j’avais complètement oublié ! Aujourd’hui, c’est le gala du club de gym.

Mes parents sont très fiers de leurs trois enfants gymnastes, il faut dire que c’est ainsi qu’eux-mêmes se sont rencontrés et qu’ils continuent d’y être actifs. Ils ont donc eu trois exemplaires du modèle liane, minces et souples et, au milieu, un modèle boule : moi !

Ma mère a tout de suite vu que je souffrais de la comparaison ainsi exposée à la vue de tous.

- « On te trouvera une autre activité ! »

Cette recherche m’important bien moins que le répit qui m’était ainsi accordé, elle n’a pas abouti et j’ai joué les utilités, aidant à disposer les tapis comme à les remiser, veillant à renouveler la magnésie à disposition de chaque sportif, associé à la liesse des victoires comme à la tristesse des défaites, je m’attachais surtout à me fondre dans le décor. Discrète petite main affable en coulisses, j’étais admis dans le cercle des adultes, spectateur silencieux de l’envers du décor, instruit de leurs attentes, de leurs rivalités comme de leurs complicités.

Et, parfois, de ce qu’ils dissimulent, plus ou moins efficacement d’ailleurs.

Quand j’arrive au gymnase, c’est l’effervescence : mon père s’occupe de son groupe de garçons et ma mère veille sur ma sœur cadette tout en gardant un œil sur mon aînée. Dans cette organisation millimétrée, je déboule un peu en intrus, on m’envoie bien chercher un sac oublié mais, visiblement, aucun rôle ne m’a été dévolu et j’erre, un peu désœuvré, dans les couloirs, saluant l’un ou l’autre qui me répond distraitement.

- « Tiens, salut Joris ! »

Je m’arrête net sous cette apostrophe sonore et me retourne pour voir Stéphane approcher de moi à grands pas.

Stéphane est un peu le porte-bannière du club de L’étoile d’or, il faut dire qu’il y a peu encore, il en a fait briller le nom lors des compétitions régionales, obtenant ensuite un rang honorable au niveau national. Ayant raccroché les agrès, il accompagne désormais les jeunes vers la compétition et se consacre au rôle de juge. Mais il est aussi celui qui, dans son léotard bleu frappé de l’astre doré et son sokol immaculé, a silencieusement fait vibrer toute mon adolescence.

Prenant sa retraite sportive, il a laissé repousser sa chevelure et sa barbe, châtain clair, taillées court mais fournies alors que le compétiteur faisait presque disparaître à la tondeuse cette pilosité qui aurait masqué en partie ses biscotos arrogants. Dans son habituel survêtement à la veste ouverte sur son marcel blanc soulignant son torse d’athlète et son ventre plat, il avance d’un pas décidé, l’allure tonique, un large sourire aux lèvres ; il entoure mes épaules de son bras au passage, m’accroche et m’embarque à sa suite.

Nous voyant à l’écart après quelques rapides enjambées, il tourne brusquement la tête devant une porte latérale, la pousse et nous voilà … dans des toilettes. Il avance et se plante devant un urinoir et moi, comme un mouton, j’en fait tout autant, à son côté. Tandis qu’on se dégrafe, il me considère.

- « Tu n’as pas trop la mine défaite, tu t’es couché tard ? »

Devant mon air ahuri, il rit.

- « Moi, je n’ai pas voulu sortir hier soir à cause du gala ; en revanche, j’ai regardé les photos postées sur les réseaux : tu étais en bonne compagnie, dis-moi ... »

Il me donne un coup de coude et me glisse, complice.

- « Plus jeune, je te surprenais à m’espionner, ouvrant des yeux comme des soucoupes, … Ils te sortaient de la tête, tu étais comme fasciné ! Je me disais alors : il promet, celui-là ! Je vois que tu ne fais pas mentir mon pronostic. Tes parents savent où tu étais ? »

Je … Je ne sais plus. Rien. J’ai la boule au ventre, la gorge sèche où se coince un sanglot d’enfant pris la main dans le sac ; pour ma plus grande honte, je vois mes fredaines, que je croyais discrètes, énoncées à voix haute et faire irruption dans ma vie « ordinaire ».

Ma nuque s’est cassée et je fixe la faïence blanche devant moi, soudain absent au monde. Son coude vient à nouveau se planter dans mes côtes et je relève les yeux vers les siens, qui brillent et les encouragent d’un clignement à redescendre et je réalise que, tourné ainsi de biais vers moi, abaissant des deux pouces la ceinture de son jogging, il me donne à entrevoir sa bite demi-molle. Mes yeux, comme exposés à une vive brûlure, rebondissent immédiatement retrouver les siens en bouée de sauvetage. Il sourit, en coin, bascule sa tête de côté d’un geste vif, sourit ; mais est-ce vraiment un encouragement ?

Alors, en hésitant, je redescends prudemment mon regard qui remonte à deux reprises chercher l’approbation du sien qui, lui, reste fixe, sans ciller. Je déglutis bruyamment en découvrant sa hampe maintenant fièrement brandie, turgescente et décalottée. Ses pouces ont coincé les ceintures élastiques derrière ses bourses et, bras ballants, bassin en avant, il attend. J’ai le souffle court tant je suis indécis, je quémande son …

Oui, faire selon sa volonté, oui !

Il hoche la tête. Simplement. L’évidence.

Alors, d’un coup, je m’incline vers lui ; d’une main, je cueille ses couilles et, déjà, mes lèvres épousent étroitement son gland, ma bouche l’absorbe, ma langue le presse. De sa main légère, posée dans mes cheveux, il marque la pulsation avec un marmonnement indistinct de satisfaction.

Et je m’applique, éperdument, comme pour un examen de passage qui engagerait mon existence entière, mon salut, peut-être ; régulièrement comme une mécanique parfaitement réglée et huilée. Rien ne peut m’arrêter, c’est un sprint à corps perdu, comme seule chance de survie, dont je calcule et ménage pourtant les effets, usant de tout mon récent savoir-faire jusqu’à arracher le ruban de la ligne d’arrivée, car je DOIS réussir ! Absolument.

Et soudain, dans un petit râle qui se prolonge, il se hisse sur la pointe des pieds, pèse à deux mains sur ma tête pour engager sa queue aussi profondément qu’il lui est permis, interdisant tout réflexe de renvoi, écrasant le voile de mon palais de son gland qui se soulève par soubresauts, inondant ma gorge de sa sève qui coule directement dans mon œsophage.

Quand il cesse de peser ainsi sur ma tête, je casse ma nuque pour relever les yeux vers lui, anxieux de l’effet produit, bouche ouverte en gardant son membre qui se rétracte, se rabougrit posé sur ma langue. Mais il me regarde niaisement, avec un large sourire de contentement béat et il flatte machinalement ma nuque de cette main bonasse qui s’attarde sur la tête d’un bon chien bien dressé qui a rapporté.

Un immense soulagement monte en moi et je me jette sur cette queue maintenant flaccide pour la téter, la lécher, la sucer, l’embrasser … manifestant ainsi la reconnaissance infinie qui m’envahit et à laquelle il met fin en m’écartant dans un rire léger.

- « Du calme, sinon on va remarquer notre absence. »

Il se rajuste prestement alors que je reste hébété, bras ballants et la culotte ouverte. Il m’envisage d’un coup, des pieds à la tête, un bref éclair de sourire soulève ses commissures, il tend le bras et vient saisir ma queue molle qu’il étire comme un trayon puis il m’impose ses doigts revenus gluants à lécher, ses yeux brillant étrangement pendant que je m’en acquitte scrupuleusement. Ils me transpercent comme s’ils jouaient de moi, m’imaginant …

Je ne sais pas ce qu’ils me promettent ... Mais j’en frémis.

Il est sorti en deux grandes enjambées et la porte a claqué. Je me suis nettoyé, avec soin pour ne pas tremper mes vêtements et j’ai rejoint la tribune, l’esprit vide cultivant le souvenir de mes sensations, de ces empressements urgents, vitaux, comme s’ils me secouaient encore.

Et m’éblouir encore de ce rêve éveillé : moi, Joris, j’ai sucé Stéphane !

Amical72

amical072@gmail.com

" Le long du fleuve qui remonte / par les rives de la rencontre / aux sources d’émerveillement / on voit dans le jour qui se lève / s’ouvrir tout un pays de rêves / le tendre pays des amants » En 1970, Georges Moustaki dessine « la carte du tendre"

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