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Agriculteur | S18 Me retrouver

14 | Bleu clair et lumineux – Le récit de Julien.

D'un coup, je suis redevenu le chasseur.
Celui qui piste, qui fait le pied, tend ses filets, appate, guette. Celui qui maîtrise !
Je veux me retrouver, déterminé à me sentir restauré "comme avant", endosser pleinement le rôle du dominant qui mène le jeu de bout en bout et renouer avec toutes les tensions de la course, jouer avec ce jeune homme qui s'offre, nu et les yeux bandés, que je galoche à pleine bouche ...
Comme le chat avec la souris. Accrochée par des griffes implacables, elle guette une inattention, en profite pour s'enfuir mais le matou la rattrape d'une patte distraite ; elle se fait alors proie suppliante, larmoyante, à genoux, puis feint de capituler et s'affale comme déjà morte, espérant la vie du désintérêt du maraud pour les victoires trop faciles.
Pour lui, le rôle du tentateur curieux de mesurer l'étendue de ses arguments de séduction, qui se frotte langoureusement à moi comme un mendiant, si bien disposé à me donner la réplique dans ce simulacre ; lui que je veux, mais que je dois auparavant faire languir.
C'est l'habituelle règle du jeu.
"Auparavant," le déguster, m'en repaître, humer toutes ses senteurs, lècher chacune de ses humeurs, débusquer le moindre de ses frissons. Et les porter à leur paroxysme autant que faire se peut.
L'anéantir de plaisir, le suffoquer par surprise, le tétaniser de vertiges, absolus, soudains, asphyxiants puis relâcher la prise, lui redonner en même qu'un peu d'air, l'espoir que son prochain alanguissement parviendra enfin à desserrer ma volonté et nous emportera.
Mais retarder encore.
N'est-ce pas lui qui, dans une répartition très binaire, m'a proposé le personnage ? "J'ai juste envie que le grand loup me croque." a-t-il dit, endossant, lui, celui de l'agneau, victime toute entière dédiée au plaisir du carnassier et qui atteint l'extase dans ce sacrifice.
Alors commencer par râper son cou de ma barbe, y faire glisser la pointe de ma langue dure comme une lame de strigile puis qui s'envole, impalpable papillon qui volète ; une entrée en matière rien qu'ordinaire jusque là.
Ensuite, soudain, pincer sa peau d'un sec coup de dents soigneusement dosé puis mordiller son trapèze jusqu'à le mâchouiller fermement.
Pour montrer qu'on entre dans le grave, le tendu. L'inconnu est toujours effrayant.
Mais délicieux quand on se blottit entre les draps d'un lit douillet.
Mais mes bras lui feront-ils VRAIMENT un lit douillet?
Revenir sur son torse pour éveiller ses tétons trop sages, qu'il sursaute d'étonnement quand, rougis, gonflés, ils se dressent enfin de tant de lècheries, d'agaceries obstinées et que je les aspire, que je les étire, les roule, les tête souplement et qu'il en soupire.
Tantôt pétrir, tantôt effleurer son corps des pieds à la tête, l'ouvrir pour le lècher, enfouir mon mufle dans la conque de son aisselle au toupet si fin qu'il en est impalpable, plonger dans le puits de son nombril, les explorer de la langue tour à tour, les tapisser de salive, écouter chacun des soupirs suivant chacune de ses suffocations, le ceinturer pour le retourner tel un fêtu, refermer ma main de fer sur sa cheville, happer son hallux et le suçoter comme un berlingot, le presser entre mes dents comme si je devais en casser la coque puis l'entourer d'une langue soyeuse qui enjôle.
Sans cesse revenir l'embrasser d'une langue lourde, chargée d'arômes comme une nef de retour des Indes, une langue qui le bouscule en lui livrant des épices inconnues qu'il devine être ses propres sucs extraits par d'obscurs sortilèges et des envoutements dont il n'avait osé rêver.
Le voir à terre, fauché par les frissons et le hisser d'une main par une cheville, comme on extrait un gibier du charnier pour le brandir tel un trophée. Mon autre main dessine scrupuleusement toute sa jambe ainsi étirée, épouse ses courbes, étreint les masses de chair, soupèse ses os, ménage ses fragilités, redresse ses poils d'un frôlement et électrise ses filets nerveux en arc réflexe de quelques chatouilles.
Il s'imagine probablement exhibé sur une estrade et crie d'être ainsi impudiquement offert.
Le lâcher pour qu'il retombe mollement, sur le ventre, dans la litière bruissante. M'asseoir, mon gros cul venant se poser comme une pierre, précisément entre ses omoplates. Peser, lourdement et l'écouter, écrasé, étouffé, chercher son souffle raréfié.
M'incliner, m'allonger ensuite sur lui encadrant son dos de mes cuisses qui l'étreignent de leur ferme pince cavalière, le marquant du fer rouge de ma bite, empogner par en-dessous chacune de ses cuisses de mes mains et les ramener toutes deux sous lui d'un seul élan, le relevant sur ses genoux pour qu'il pointe son cul maigre au ciel, ses petites fesses formant une accolade presqu'effacée d'être ainsi étirée.
La paume de mes mains vient coiffer chacune d'elles, les pétrit alternativement, les assouplit.
Il parvient à murmurer un "oui" plaintif.
Je le coupe en grondant un sévère "tais-toi!" Pas besoin de mots, je veux écouter parler son corps, surveiller sa respiration haletante, son souffle suspendu, les petits cris qui lui échappent, chacun de ses émois comme autant d'aveux.
Aspirer mes joues et rassembler la salive qui afflue sur ma langue où mes doigts réunis la raclent pour en remplir cette dépression qui abrite son trou du cul, son accueillant, son délicieux trou du cul, cet affamé. Mon majeur s'y introduit en s'enroulant, vibrant à peine, il s'y trouve comme chez lui. Il coulisse souplement, lentement, dans un sens puis l'autre et je sens que son conduit frissonne déjà, s'ajuste et se creuse tour à tour ; mon doigt en joue. Il va, il vient, il nourrit cet espoir qui grandit en lui, il tourne, presse, encouragé par l'onde qui abaisse ses épaules, enroule son dos de monture, cambre ses reins et épanouit ce postérieur gourmand qui réclame.
D'un bond je me suis relevé, écarté de lui puis j'ai brusquement retiré mon doigt de son étui de satin, le laissant, lui, désorienté, aussitôt à l'affut du moindre bruit comme un indice. Il a remonté ses épaules sur ses bras tendus, étiré le cou sans pour autant effacer sa cambrure, ne sachant de quel côté viendra ma prochaine initiative, s'efforçant de rester disponible, miné par l'impatience.
Las ! Je le vois si bien disposé alors que je suis gagné, moi aussi, par l'aveuglement de nos hormones, si fort que je ne saurais résister plus longtemps.
Je devine que son ouie aiguisée a saisi ce discret craquement, la déchirure de l'étui puis le claquement de la fine membrane que j'achève de dérouler ; la giclée de lubrifiant qui cingle son postérieur le fait pourtant sursauter.
J'encadre ses cuisses de mes jambes et, fléchissant sur ces appuis solidement campés, ma main guide ma queue gainée comme un pinceau qui parcourt sa raie, puis, l'autre fixant sa taille, un sec coup de rein me plante en lui qui en gémit. Mais c'est pourtant sans la moindre résistance qu'il m'accueille quand je l'attire résolument à moi, émerveillement intégral que ce glissement soyeux, ce cheminement fluide qui nous rassemble - jusqu'à presser fermement mon pubis sur son coccyx jusqu'à y imprimer mon fouillis pileux.
Je me suis subitement retiré, gardant un oeil aiguisé sur cet anus palpitant d'être soudain déserté. Son cri ! Alors, d'un vif mouvement, je viens reprendre ma place le temps d'un élan, cinglant, puis, à nouveau, le vide et le manque.
Une troisième introduction, aisée, trop peut-être pour être vraiment étourdissante.
Alors je lui cède. Moi, à genoux entre les siens largement ouverts, lui qui recule ses fesses, moi ma bite brandie comme une hampe. Mes deux mains le guident, lui ; elles redressent son buste, freinent sa descente, la stoppent parfois quand il vient me dévorer en soufflant, tremblant de se voir enfin rempli, rassasié à mesure que je déplie mes cuisses et le complète, l'enfile, le gave et qu'il s'effondre, fondant conduit libidineux qu'une fièvre gagne, communicative, joyeuse, euphorique. Un galop, un emballement.
Il nous emporte, lui et moi dans l'instant, secoué par le même frisson tellurique, poussant les mêmes grognements sourds avant de nous affaler dans les bras l'un de l'autre, dans un bruissement de végétal desséché. Il vient se coller à moi en riant, pour nous enduire, tous deux, de son propre foutre dont il s'est aspergé et dont j'enduis ses lèvres de l'index, avant de les embrasser.
Il va pour se débarrasser de son bandeau mais, encore une fois, je l'arrête. Alors c'est en aveugle que sa main glisse sur mon ventre et, libérant ma bite flaccide du préservatif, il se plie en deux pour l'engloutir, me décochant une dernière illumination somptueuse, une ascension verticale, avant de reposer délicatement sa tête de profil sur mon poitrail, ses doigts venant distraitement jouer des arpèges dans mes poils.
- " Je le savais."
- " ? "
- " Que tu saurais me faire grimper aux rideaux!"
Il rit, léger, presque futile. Je m'en agace imperceptiblement.
- "Il y a d'autres choses que tu sais désormais ; tu as les réponses à ces questions qui te taraudaient autrefois et faisaient obstacle à toute autre quête."
Ma main vient rudement saisir sa fesse, la secoue à poignée comme pour le tirer de son insouciance.
- "Maintenant que tu SAIS, ne gaspille pas de temps à chercher des mots pour dire ce que tu es ou ce que tu n'es pas puis à te battre en vain pour que te soit reconnue cette identité réduite à un seul trait qui ne saurait te résumer à lui seul ; il ne dira jamais tout ce que tu es.
Réunis-toi autour de ce simple objectif : VIVRE ! Essaie de rattraper ce que tu n'as pas pu accomplir parce que ta tête était envahie, obscurcie par les questions. Rassemble cette force nouvelle en toi. Répare ce qui peut l'être, ne reste pas victime des circonstances, retourne te former, transforme ton destin. Prends ta revanche !"
Il ne répond pas et je n'ajouterai rien. Sa propre réflexion doit tracer son chemin singulier en lui, je devine sur son front la foule des questions qui agitent ses pensées ; ce n'est que lorsqu'un frisson le secoue que j'en interromps le tourbillon.
- "Rentrons maintenant. Mais avant, approche que je te rende la vue."
Je redécouvre avec plaisir le bleu clair de ses iris. Lumineux dans la pénombre.
En revanche, j'ai fermement refusé qu'il enfile le peignoir et c'est complètement nus que nous revenons côte à côte à la maison. La nuit est tombée et ici, personne n'est en embuscade pour nous surprendre. La fraîcheur nous étreint mais nous sommes invincibles. J'entoure ses épaules de mon bras alors qu'il marche d'un pas conquérant à mes côtés.
Fier.

Amical72

amical072@gmail.com

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