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13 | P’tit brouillon – Le récit de Julien.
Aveuglé par la ceinture en éponge du peignoir qui lui bande les yeux, Anthony, nu comme un ver, pieds écartés dans l'épaisse litière de paille propre, jambes en partie flêchies, s'est immobilisé, buste en avant, bras à l'équerre et mains ouvertes à plat comme s'il voulait prévenir une chute.
- "Mais je suis aussi complètement à ta merci comme ça ..."
Alors, de ma voix la plus ferme et la plus sonore, je confirme :
- "C'est bien ce que tu voulais, non ?"
D'un grand pas, je me rapproche de lui, de trois quarts arrière, à l'effleurer mais sans le toucher, juste activer cette tension entre nous, percevoir, moi sa chaleur et lui la mienne, puis souffler un filet d'air dans les petits cheveux sur sa nuque.
- "Il ne te manque que la vue alors je te conseille de faire silence et de tendre l'oreille pour suppléer cette privation volontaire ; pourtant, si tu redoutes que je profite de la situation pour extorquer, contre ton gré, une privauté que je n'aie déjà obtenue de toi, sache que je ne vois pas à quoi tu penses ... mais tu dois retirer immédiatement ton bandeau."
Je compte silencieusement une, deux, trois secondes. Il ne dit rien, ne proteste pas. L'extrémité de mes doigts vient alors se poser délicatement sur ses hanches et encadre chacune d'elle de quatre points. Puis la pulpe de mes deux pouces épouse souplement la discrète dépression de chaque côté de son sacrum, au-dessus de ses fesses, la masse par de légères rotations, une attention dont la douceur et l'apparente innocence le fait rapidement se détendre en le recentrant sur ses sensations. Je poursuis d'une voix plus sourde.
- "Qu'en revanche, tu t'interroges sur ce qui t'attend, sans jamais savoir, à chacune de mes caresses, où se portera la suivante, ni quand, ni laquelle va te foudroyer, ça, ce n'est pas de la crainte mais de l'impatience, de l'excitation. Et c'est bon."
Il a pouffé et je sais ainsi que son incertitude s'est dissipée, que nous nous sommes entendus sur les règles d'un jeu commun. Cependant ...
- "Je dois m'éloigner pour aller chercher les protections indispensables."
J'ai avancé mon menton ; de ma barbe, j'égratigne son épaule puis son dos, jusqu'à ses fesses que je ponctue de deux petits bisous ventouses avant de m'écarter à grands pas.
- "Fais vite."
Depuis mes premières venues aux Chênaies, je renouvelle dévôtement capotes et lubrifiant dans la vieille écurie comme une offrande aux lares, les dieux du foyer, ceux qui veillent sur ces lieux gravés dans nos souvenirs et ont su en faire des hâvres de bon secours.
Afin d'entretenir la confiance d'Anthony, laborieusement gagnée, je lui explique pas à pas.
- "Ici, la boite à pharmacie recèle tout ce dont nous aurons besoin."
Est-ce le raclement de la porte de la petite armoire métallique, la provenance de ma voix, mes pas quand je reviens vers lui, le glissement du zip qui me libère de ma cotte, le froissement du tissu qui s'effondre, le choc de mes bottines que j'envoie valdinguer mais je le sens vigilant, concentré. Il attend un signal de départ, une première mise en jeu. Mes pieds foulent sans discrétion la paille et aussitôt il tend ses bras à tâtons dans ma direction mais je me dérobe d'une prompte esquive, saisis son maxillaire de mes doigts en pince.
- "Tsss, Anthony, désormais, c'est MOI qui mène la partie !"
Et, renversant sa tête, je le galoche.
Il me répond avidement, aspirant ma langue, tétant mes lèvres, buvant nos salives, comme le plongeur ayant épuisé sa réserve d'air inspire précipitamment l'oxygène qui le ressucite.
Il a pris soin d'écarter ses bras comme un cormoran repu déploie ses ailes, dressé sur un perchoir pour faire sécher son plumage. C'est alors moi qui le frictionne de ma main libre, me frotte à lui, roulant des épaules, bombant le torse pour l'étriller de mon poil. Plus bas, nos dagues baveuses ferraillent ferme.
Je me suis accroupi d'une soudaine flexion des cuisses, ma main gauche a enfermé sa taille et la droite a englobé sa paire de couilles comme on récolte des oeufs ; j'ai englouti d'un coup sa jolie queue claire et cambrée à laquelle j'administre quelques succions magistrales à ma façon. Je fais rouler lentement ses testicules dans ses bourses et un de mes doigts, à l'arrière, masse son périnée tandis que, du plat de la langue, j'entreprends de souligner avec précision chaque face de la gracieuse courbe de sa flèche.
Un violent sursaut le soulève, dressé sur ses orteils, aussitôt suivi de tremblements, un trait zèbre ma joue et le reste va se perdre par dessus mon épaule. Je me redresse pour le soutenir tandis qu'il bafouille de vagues "pardon, pardon". Déjà sa main s'active sur les noeuds qui retiennent son bandeau. La mienne s'empare de son poignet et le rabat sans aménité dans ses reins. Il grimace.
- "Dis-donc, p'tit brouillon, tu crois pas que c'est avec ces trois postillons que tu vas pouvoir siffler la fin de la partie!"
Mon index a raclé ma joue en crissant tel une lame de coupe-chou pour venir, poisseux, sur sa lèvre inférieure où il se pose. Il attend en pesant, patiemment. D'être d'abord recouvert par la lèvre supérieure qui hésite, tatonne, puis que sa langue le parcoure, s'y enroule, l'enveloppe ... Joue. J'amène alors mes lèvres à sa place sur les siennes, ma langue affleurant avant qu'elle se déploie avec lenteur comme on entame une danse, cherchant à s'accorder finement avec sa partenaire en préalable à un duo endiablé.
Lui se laisse guider, d'abord paresseusement mais, malgré le peu de latitude que lui laisse l'étreinte de mes bras, sa main, en pressant mes reins, ramène ma queue brandie contre son abdomen qu'il creuse et roule dans un massage éloquent. J'entends sa demande muette. Je devine à sa façon de peser sur mon bras comme dans le flot langoureux de sa langue qu'il me suffirait de desserrer l'étau pour qu'il s'écroule et m'avale souverainement à son tour. Ou qu'à deux mains je pourrais lui faire faire volte face et l'encorner sans façon.
Mais ce n'est pas exactement ce que j'ai en tête.
Amical72
amical072@gmail.com
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