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7 | Des marins aguerris – Le récit de Julien.
Jérôme nous devance dans la ruelle, parvient au chevet où il farfouille rapidement, s'emparant des accessoires nécessaires puis il se glisse comme un coin entre Lecourt et moi. Il se casse en deux, engloutissant la sceptre de Lecourt qui en pousse un cri de saisissement, tout en envoyant ses fesses dans mes pognes dans lesquelles il a, auparavant, glissé le flacon de lubrifiant.
Jérôme a ainsi distribué les rôles, pris l'initiative de définir les interactions à venir. Je pourrais, cédant au réflexe de ma nature spontanément rebelle aux arbitraires, m'en agacer et bousculer cet ordre imposé aux acteurs sans les avoir préalablement consultés mais, dois-je y voir une disposition héritée de mes récents déboires ou la mansuétude que je dois à celui qui m'a accompagné avec bienveillance ?- j'en souris intérieurement et me réjouis de me voir confier ces deux pêches velues, ces fruits gourmands qui me sont chers, dont je me fais fort de possèder quelques clés pour les faire reluire ET ... pour les faire languir ! Elles en frétillent d'ailleurs d'impatience.
Mais je garde mes yeux fixés sur un seul point de mire : Lecourt.
Pour le ramener à nous!
En cet instant, il s'est incliné vers l'arrière, les épaules adossées à la porte de l'armoire, le cou en extension, le bassin en rétroversion ; le rythme de sa respiration marque le tempo régulier de la pipe que lui administre consciencieusement Jérôme dont il caresse les cheveux, jouant avec ses frisettes à la souplesse fascinante quand mes mains, elles, courent sur les poils rêches de ses fesses, depuis les reins jusqu'à la friche inextricable à la base de son scrotum.
Au milieu, je cueille ses couilles entre ses cuisses, comme on ramasse des oeufs, refermant ma paume jusqu'à cerner souplement ces deux prunes oblongues au travers de la bourre et des replis de peau. Mon pouce les délaisse, s'infiltre sous la broussaille et, de la pulpe, creuse son nid dans sa corolle.
D'un ongle, je fais sauter l'opercule du flacon que je presse pour que le gel s'écoule et noie mon pouce qui, par de discrètes rotations, alourdit son insistance, envoyant toujours plus avant un Jérôme qui s'efforce d'engloutir la bite de Lecourt.
D'un coup, ma main se dérobe. Cette absence soudaine, cette impression de vide, de manque le fait sursauter. Il a grondé, en reproche. Alors ma main revient, avec l'index en éperon qui l'embroche. Il s'immobilise le temps pour son anus d'avaler mon doigt puis il reprend ses balancements et c'est maintenant lui qui coulisse le long de cet axe.
Nouveau jet de lubrifiant et mon majeur s'associe à mon index, pour assouplir son anneau et creuser cette divine caverne. Tandis que mes doigts dansent leur entrechats, je fais un pas vers Lecourt. Ma main libre se pose sur son poitrail, chassant son téton tendre dissimulé parmi ses poils. Mon cou s'étire et nos lèvres s'accordent.
J'embrasserais Lecourt pendant des heures tant nos langues ont à se dire, il me semble qu'elles ont inventé un langage bien à elles que je ne retrouve chez nul autre. Sa main vient épouser ma nuque et lorsque son baiser se fait vorace et je lui réponds avec fougue.
Je ne laisserai jamais s'éloigner de moi.
Jérôme s'est dégagé pour s'accroupir et je devine qu'il capote Lecourt que j'écrase de toute ma masse pour en obtenir un dernier tourbillon avant qu'il ne soit happé par Jérôme et sa croupe offerte. Je les regarde s'accoupler dans la pénombre, guettant leurs souffles d'abord retenus puis ce relâchement, ce premier gémissement, la machine qui s'enclenche ...
Je les accompagne, une main à plat sur le dos moite de Jérôme, l'autre qui erre le long de celui de Lecourt, glisse dans ses reins, tâtonne sur le haut des fesses, là où ça se casse, où s'attache le ressort qui se détend sèchement, un doigt s'étire dans la moiteur de sa raie, puis plus bas encore. Le trou du cul de mon mec, soyeux, qui se contracte à chaque élan. Il ronfle en décochant des coups de plus en plus vifs et détachés. Je l'entends, est-ce bien moi qu'il m'encourage de "oui" lapidaires alors qu'une phalange entreprend de se ficher en lui.
C'est Jérôme qui a crié le premier, secoué par un spasme puis par ses répliques. Sa plainte dépitée s'est étranglée, Lecourt s'est figé et moi, j'en ai profité pour lui lubrifier prestement le fion dans lequel j'ai lentement enfoncé tout un doigt avec délectation.
Le torse de Jérôme s'est enfondré sur le lit, Lecourt l'a suivi, à demi couché sur lui et sa main libre bat l'air vers l'arrière cherchant à s'emparer de ma queue dressée qu'il dirige malaisément vers son cul.
Bouche ouverte pour cadencer ma respiration et tempérer mon impatience, mes jambes encadrent les siennes et je presse le flacon qui gicle dans cette fente velue où ma bite s'empresse de venir coulisser. J'écarte sa main qui cherche à me guider et d'un doigt, je rabats mon évident enthousiasme pour le pointer sur sa cible mais je bride celui de mon rein et je réfrène d'une main qui pèse sur son dos toute tentation boulimique.
Car je veux l'entrée solennelle de César victorieux dans Rome qui l'acclame à genoux, qui s'égosille à en perdre la voix ; ses suffocations m'étourdissent mais il m'avale avec application ; ce n'est qu'une fois ceint de la couronne de lauriers que je me laisse aller à rugir.
Dans l'instant suspendu qui suit, on ne perçoit que des souffles courts qui s'apaisent puis, lentement, je m'essaie à onduler tandis que Lecourt s'ajuste. Mes mains s'accrochent, changent précipitament leur prise ; lui se cambre ou se redresse, recule ou avance tour à tour ; Jérôme vient à notre rescousse, embrasse l'épaule de Lecourt, ses mains volètent passant de lui à moi, effleurent, cajolent, agacent, ses murmures nous soutiennent. Nous avons pris la mer et fendons hardiment les flots. Lecourt ronfle à chaque enculade pour aussitôt réclamer la suivante et moi je ne pense qu'à le servir au mieux, régulier, appliqué, obstiné.
Faire l'amour avec Lecourt, c'est engager une course au large entre deux marins aguerris ; d'aucuns pourraient arborer la moue dédaigneuse de ceux qui anticipent une soporifique énième répétition, des redites prévisibles, des figures déjà cent fois éprouvées ... L'étourdissant piment de la nouveauté et de la découverte a, certes, cédé la place à d'autres épices, moins flamboyantes mais plus tenaces, de celles dont on use à bas bruit et que l'enjeu rehausse d'un éclat soudain.
Lecourt, c'est mon mec ! Chaque fois, à l'instant même où cette formule magique jaillit en moi comme une évidence lumineuse, mon ventre se serre. De joie ! Et de la fierté de durer, de l'exploit de cette longévité, de la solidité de ce lien, d'un empressement à le renforcer, comme un défi, celui d'aller plus loin encore, de faire la nique au temps, au mauvais temps, au gris, à la poussière, à la paresse et à la lassitude aussi. En illuminant le quotidien.
Et c'est comme un aiguillon qui relance la partie ; le jeu s'alimente de notre générosité et s'attise de nos subtilités, de notre fantaisie, de notre complicité. De notre joie ! Pas d'accessoires, pas de positions acrobatiques, pas de substances euphorisantes. Juste une partie de cache-cache en terrain connu, d'attrape-moi si tu peux qui nous embarque, une balançoire dont les oscillations en viennent à brouiller notre équilibre et nous galopons alors de concert, éperdument.
- "Là, Julien !"
-" Oui. Ahh, patron!"
Nous nous abattons sur le matelas, nous écroulons dans les bras l'un de l'autre, essoufflés, haletants, le coeur empli d'une certitude, d'une force, d'une danse sautillante qui brille dans mes yeux, une gigue pour laquelle Jérôme est invité à nous rejoindre, pour fusionner en tierce majeure.
Je prends Lecourt dans mes bras, je l'étreins. Je sais que, bientôt, il va se détacher, s'éloigner, mais j'ai la conviction que quelque chose nous relie et perdurera.
Et je veux lire dans l'enlacement de nos bras, dans l'enchevêtrement de nos membres, dans ce front, cette nuque qui s'adosse, dans l'étirement de nos soupirs jusqu'à s'éteindre, dans l'abandon de nos corps, la grace particulière de ce moment de confiance, l'aveu de cette affection que j'ai cherché hier ... pour y parvenir ce matin.
C'est Lecourt qui siffle la fin de partie.
- "A la toilette !"
Jérôme, qui en est plus proche, franchit la porte le premier ; je suis sur ses talons mais la main de Lecourt me retient.
-" Je me sens parfois si vieux, Julien."
-" Mais, patron, je suis ..."
-" Chutt ! Je sais, Julien, je sais. Mais allons plutôt retrouver Jérôme."
Amical72
amical072@gmail.com
Milagre seria nao ver (Le miracle serait de ne pas voir) / No amor, essa flor perene (dans l'amour cette fleur vivace) / que brota na lua negra (qui pousse à la nouvelle lune) /que seca, mas nunca morre (qui sèche mais ne meurt jamais) ... En suivant ce lien vous trouverez, à la fois la traduction, les paroles et la voix feutrée du brésilien Ricardo Amarante qui nous sussurre (Tu connais un mec qui s'appelle Irene, toi? Bah, qu'importe ! Chacun peut aisément entendre le prénom masculin que berce son coeur) "Irene"
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