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8 | Contrat – Le récit de Jérôme.
Après nos galipettes, nous nous sommes effondrés enlacés sur le lit, Julien, André et moi, les membres enchevêtrés, nos soupirs d'aise s'étirant jusqu'à s'éteindre dans l'abandon des corps.
C'est André qui siffle la fin de partie.
- "A la toilette !"
Je suis le plus proche de la porte, je la franchis en tête et suis le premier sous la douche. Quelques minutes plus tard, André me rejoint dans la cabine vitrée et je retourne le jet de la douchette sur lui. Il se laisse mouiller en tournant sur lui même et, au passage, il m'enlace brièvement pour me glisser à l'oreille.
-" Je suis très heureux que vous vous entendiez bien, avec Julien."
Je ne sais que lui sourire en réponse à ce que je lis comme un encouragement.
En fait, cet homme me trouble profondément, bien au-delà d'un désir charnel qui, même satisfait, ne me délivre pas tout à fait de son ascendant. Je ne l'ai pourtant que trop peu fréquenté pour prétendre le connaître et porter un quelconque jugement sur lui mais, à mes yeux, il dégage une telle assurance, tranquille et cependant modeste, qu'elle m'apaise et son regard, empreint d'une bienveillante attention, m'inspire ; je voudrais qu'une pareille humanité, compréhensive mais juste, baigne celui que je pose sur les adolescents déficients dont j'ai la charge, sur mes fils, sur celles et ceux qui m'entourent, sur la vie et le monde, en toutes circonstances.
J'admire Julien d'avoir su se dresser face à lui hier, avec ce calme réfléchi, là où trop souvent encore, mes sentiments m'emportent ou, plus rarement, me paralysent, me gouvernant sans recul.
Julien, justement, il nous rejoint.
Il déplie une serviette en étole dont il enveloppe André, ses mains venant à plat frictionner ses épaules. Une fois séché, celui-ci adresse à chacun de nous un petit signe du menton puis s'esquive. Julien me rejoint dans la cabine vitrée où je reprends mes fonctions de garçon de bain, le mouillant avant de l'asperger de gel douche que, des deux mains, j'entreprends de faire mousser. Julien se prête au jeu, tourne et se retourne entre mes bras, une étincelle joyeuse dans la prunelle.
- " Ça va, toi?"
J'opine du bonnet avant de relancer.
- " Et toi?"
Il s'immobilise, l'oeil soudain devenu grave.
- " Oui, je crois que j'ai surmonté le rateau que j'ai pris avec Mehdi. Lecourt et toi m'avez été d'un grand soutien. Pertinent, surtout. Merci Jérôme.
Il a posé son bras tendu sur mon épaule et me scrute en hochant la tête silencieusement.
- " Je suis heureux de reconnaître à mon tour tout ce que je te dois, de voir en quelque sorte l'équilibre ramené entre nous car chacun de nous, à son tour, s'est montré blessé, égaré à l'autre qui lui est venu en soutien, sans que s'infiltre le moindre jugement dépréciatif. Alors laisse-moi te dire combien je suis fier de notre amitié.
Et puis ..."
Son bras rigide, s'est cassé pour envelopper mes deux épaules, ses pommettes se sont relevées dans un sourire retenu, une autre lueur danse maintenant dans son regard.
- "Et puis chacun garde ses petits secrets ..."
Une goulée d'eau froide envahit soudain ma bouche.
- " Je suis désolé, Julien, j'aurais dû te dire pour ce ... ces fredaines avec André."
Mais son sourire explose, il secoue la tête latéralement comme si je n'avais rien compris.
- "Tu n'y es pas du tout, Jérôme. Depuis le début, je sais que Lecourt est marié et que ça ne changera pas. Dés lors, notre relation s'est tissée sur la loyauté, pas sur la monogamie et, crois-moi, pour ma part j'ai largement profité de cette liberté. Pourtant, je n'avais rien deviné entre vous et, bien sûr, découvrir ... que des choses nous échappent, que nous ne contrôlons pas le monde entier, que les autres ont, eux aussi, prise sur lui, pique toujours un peu l'amour propre. Mais je t'assure que ma grimace ne doit rien à vos galipettes entre adultes consentants.
D'ailleurs peut-être devrais-tu t'interroger sur l'origine de ton sentiment de culpabilité : avez-vous fait quelque chose de mal, de blessant, d'irrespectueux, avez-vous trahi quiconque ... ou est-ce, simplement, un de ces vestiges de ton éducation dont tu pourrais t'affranchir ?"
Ses yeux sont revenus dans les miens, ils sont tout de miel mordoré.
- " J'aimerais qu'on retrouve la liberté des débuts, Jérôme, notre complicité d'alors ; qu'avec ton VTT tu reprennes le chemin des Chênaies, cette maison t'est toute grande ouverte, tu le sais."
Et moi, à le voir ainsi se rengorger, j'entends que ce sont ses bras qui me sont ouverts et j'en suis ... ému à pleurer. Je ne lis dans ses yeux qu'une offre amicale débarrassée de tout calcul, de tentative d'appropriation, d'exploitation de l'autre ; une proposition d'étayage réciproque, puisque désormais, nous nous sommes déjà tout avoué de nos fragilités, dépouillés de nos pudeurs, nous pouvons, sans manières, conjuguer nos talents pour nous essayer à vivre, pleinement.
Sa seconde main est lentement remontée le long de mon flanc et ses doigts tatonnent dans ma fourrure à la recherche de mon téton tandis qu'à l'aplomb du caramel de ses yeux, ses sourcils se sont froncés dans une supplique de cocker. Je ris, et c'est de joie.
- " Et, bien sûr, le contrat prévoit la possibilité de quelques uns de ces bons coups de bite."
Mais avant que le vide qui se creuse dans mon ventre ne deviennent un gouffre impossible à combler, ma main vient écraser ses doigts qui maintenant, roulent délicatement mon mamelon.
- " Pas maintenant, si tu veux bien Julien. Je dois d'abord faire quelque chose d'important, au boulot ; désormais, je me sens assez fort pour assumer totalement ma liberté."
Amical72
amical072@gmail.com
Le paradis est presque là / sous les étoiles
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