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Premier épisodeÉpisode précédent

Agriculteur | S15 Joris

12 | Les doigts bleus – Le récit de Joris

Après avoir souligné les traces souillant mon jock qui attestent indubitablement du plaisir que j’ai pris à me faire enculer, l’homme a un sourire triomphant et me renverse sur sa cuisse pour me doigter direct.

Sans précaution.

Je ne peux retenir une grimace de douleur qui l’alerte.

- « Aie ! Tu as mal ? Attention ! Il ne faudrait surtout pas abîmer prématurément un trou du cul avec un si grand potentiel, ce serait gâcher. »

Il fronce un sourcil, maintenant attentif et quasi paternel, ce qui ajoute à mon inquiétude.

- « File à la pharmacie toute proche. Tu ne peux pas te tromper, il n’y a qu’un seul homme derrière le comptoir et il comprendra. Dis-lui que tu viens de ma part. »

Je suis un peu effrayé par la brûlure fulgurante que je viens de ressentir brièvement mais, surtout, j’ai soudain froid dans le dos à l’idée des conséquences qu’aurait la mise au grand jour de sa cause ; l’autre face, noire celle-là, de cette carte « éblouissement plaisir » que je viens à peine de retourner. Est-ce déjà la punition ?

Aussi je m’habille à la hâte et, sans plus réfléchir, me précipite à l’officine, une sorte de couloir éclairé de néons avec trois guichets, tous occupés ; celui du centre, par un grand homme en blouse blanche, cheveux gris et ras en couronne autour d’un crâne lisse, portant barbiche taillée et lunettes. Malgré le désordre intérieur qui m’agite, le calme et le sérieux moche de l’endroit m’immobilisent sur le champ. Soudain, une voix féminine m’interpelle :

- « Avancez jusqu’à moi, jeune homme, s’il vous plaît. »

Je suis pétrifié, le souffle me manque, j’envisage comment battre en retraite. Tout en protestant de la main, je désigne le pharmacien du doigt, lequel tourne alors la tête vers moi. A-t-il décelé une lueur de panique dans mon regard ? Le sourire bref mais réconfortant qu’il m’adresse et son visage impassible me retiennent et m’imposent une apparence de patience même si je continue de trépigner intérieurement.

- « Laissez, je vais m’en occuper. » puis, à mon intention : « Je termine avec madame et je suis à vous, jeune homme. »

Un fois libre, il me fait signe et je lui emboîte le pas.

- « Entrez. C’est la salle de soins, nous ne serons pas dérangés. Dites-moi ce qui vous arrive. »

Mais, même une fois la porte censée protéger la confidentialité refermée sur nous, je ne parviens pas à trouver mes mots, la gorge serrée. En fait, je sens monter en moi un vent de panique face à l’opprobre qui sera assurément unanime : j’étais regardé comme un grand adolescent sérieux, encore dans l’innocence de l’enfance et on va découvrir que je m’adonne sans retenue à la luxure la plus licencieuse, celle qu’on juge généralement la plus abjecte et que, de surcroît, j’y prends plaisir.

Alors je ne saurais prononcer les mots, ceux-là même qui vont constituer les attendus de ma propre condamnation publique, de mon désaveu. Je sens monter un flot de désespoir, je relève les yeux dans ceux du pharmacien et découvre qu’il m’observait silencieusement. Il me sourit, compréhensif.

Il hoche la tête, m’indique le siège et s’assoit lui-même à mon côté, nous plaçant à la même hauteur, dans une proximité parallèle, sans contact, qui engage à la confidence. Sa prestance, l’âge que je lui prête et l’expérience bienveillante que j’y associe allument l’espoir qu’il puisse être un recours possible dans l’inquiétude qui me transperce.

- « Il y a des choses qui sont difficiles à formuler, je sais ; alors je vais essayer de vous aider à me mettre sur la voie. Avez-vous mal en ce moment ? »

Je secoue énergiquement la tête en signe de dénégation et, à nouveau, il opine du chef.

- « Avez-vous eu mal ou avez-vous une lésion, une manifestation qui vous inquiète ? »

J’ai fermé convulsivement les paupières et, contractant mon périnée, je ressens à nouveau une douleur, sourde cette fois.

- « Voyons, je ne vous connais pas, est-ce que vous habitez le quartier, comment êtes-vous venu chez moi ? »

Là, voilà ! ça je peux.

- « C’est le patron de la solderie d’à côté qui m’envoie. »

Je ne sais quoi, mais j’ai surpris dans son œil une lueur, une alerte soudaine. Je pense qu’il commence à comprendre sans que je n’aie rien à formuler explicitement. Sa voix reprend, plus grave.

- « Mais y a-t-il eu contrainte, quelque chose que vous ne vouliez pas ? »

Je secoue encore négativement la tête, sans le quitter des yeux ; cette fois, je fais face.

- « Non, c’est moi qui suis revenu, dans la réserve. Mais c’est « après » que j’ai eu mal. »

- « Et maintenant avez-vous encore mal ? Avez-vous saigné ? »

Mais je n’en sais rien si j’ai saigné ! Peut-être, après tout, mais pas à flots en tous cas. La question me prend au dépourvu et ravive mon alarme. Mais il fait une moue rassurante.

- « Bon, si vous n’avez rien vu, c’est probablement bénin. Si vous voulez bien, nous allons jeter un œil à cela ; défaites-vous. »

Je me remets sur pieds et dégrafe mon pantalon sans qu’il me quitte des yeux. Il sourit pour soutenir ma confiance tout en enfilant des gants en latex bleu qu’il a tiré d’une boite placée derrière lui. En même temps que mon pantalon tombait sur mes chevilles, j’ai prestement pivoté sur moi-même afin de lui présenter mes fesses sanglées par les élastiques et d’escamoter les traces qui maculent probablement l’avant du jock-strap que je n’ai pris le temps de retirer dans ma précipitation.

Il s’est relevé et débarrasse rapidement la tablette entre nos sièges.

- « Tenez, penchez-vous vers l’avant en prenant appui ici pour que je vous examine, si vous voulez bien. »

Il approche et oriente une lampe au bras articulé, se place parallèlement à moi, incliné sur mon postérieur et écarte mes fesses du bout des doigts avec une précaution qui me paraît toute de compétence. Il me palpe délicatement, déplaçant ses contacts à plusieurs reprises mais moi, par-dessus un léger échauffement, je ne parviens pas à chasser certaines images lubriques sur le canapé, qui s’interposent.

- « Ne bougez pas, s’il vous plaît. »

Il s’est écarté de quelques pas.

- « Il faut modérer vos élans de générosité, jeune homme, c’est fragile ces choses-là, il faut en user avec mesure, surtout quand on débute, si c’est bien votre cas. »

Il s’écarte, ouvre un tiroir puis un autre, revient avec une boite allongée en carton.

- « C’est une simple pommade apaisante et cicatrisante à appliquer localement. Comme je le pensais, il n’y a qu’un peu d’échauffement, rien de préoccupant. »

Il a, de nouveau, écarté mes fesses et il applique l’onguent bienfaisant par de petites touches lentes de la pulpe du doigt.

- « Dites-moi si je vous fais mal. »

Il poursuit mais, par petites pressions, je sens maintenant son doigt s’introduire souplement en moi. A-t-il eu un mouvement plus intrusif ? Soudain, je me crispe et me rétracte. Il suspend son geste mais je réalise en respirant que ce n’était qu’un réflexe lié à mon appréhension. Je m’apaise et c’est moi qui, tout en me détendant, l’invite à poursuivre.

Ses applications silencieuses et méthodiques m’apaisent et me restaurent, dissipant mes derniers scrupules. Je suis soulagé de ne pas être blessé mais également utilement instruit par l’amère expérience de notre vulnérabilité.

- « Il faudra renouveler l’application régulièrement, et abondamment. »

Il fait claquer l’air de sa langue contre son palais.

- « Tsss ! Il suffirait de prendre le temps de vous expliquer quelques petites choses pour éviter ce genre d’inflammation désagréable. »

- « Je peux revenir à un moment où vous êtes disponible ! »

D’où m’est venu ce culot pour l’entreprendre de la sorte ? Il doit en être médusé, d’ailleurs il suspend un court instant son doigtage que, probablement, il n’envisageait qu’en exercice absolument professionnel.

Mais moi, ce grand type mûr et serein, avec ses larges épaules, sa compétence rassurante, auréolé du prestige de la blouse médicale portant caducée, j’ai soudain très envie qu’il me fourre le cul autrement qu’avec son index.

Et je suis bien persuadé qu’il saura le faire avec toute l’expérience et la maîtrise requise pour qu’enfin, l’exercice cesse d’être un saut dans le vide sans même l’assurance d’une ligne de vie. Le frisson sans l’appréhension. Après tout, le patron de la solderie ne m’a-t-il pas recommandé de m’adresser à lui parce qu’il saurait être « compréhensif » ?

Effrontément, je me retourne et lui fais face. Son visage est resté impénétrable, son regard éteint, il garde ses mains toujours gantées de bleu, doigts repliés, suspendues en l’air comme des crabes retournés. Je lui souris, soudain modeste, et dans ses yeux sombres insondables, je plonge les miens que je voudrais convaincants d’une évidente honnêteté.

- « Je ne demande que ça : apprendre avec quelqu’un de confiance … plutôt que dans le noir du labyrinthe du Capharnaüm ou sur un divan dégueulasse de la réserve de la solderie.

Un ange passe et, un instant, je redoute de me faire jeter sans autre forme de procès.

Mais non. Il n’a pas même cillé.

Bon, il ne s’est pas précipité sur ma proposition, non plus.

Il s’est tourné de côté pour ôter posément ses gants qu’il a laissé tomber dans une corbeille et ainsi vrillé, il s’immobilise pour rétorquer :

- « Vous savez, je suis toujours TRÈS occupé, la pharmacie est ouverte tous les jours. » Il a un geste du bras qu’il envoie vers un vague lointain et reprend « sauf le lundi matin et ... » il relève l’index, « même ce jour-là, je croule sous les obligations ... »

Puis il s’est tourné vers moi, souriant, soudain, avec plus de naturel :

- «Je vous l’offre, ce tube de pommade. Prenez bien soin de vous. »

Il a repris le contrôle sur lui-même et il pense sans doute m’avoir désarmé.

Je reprends le chemin de la maison avec en tête, mille nouveautés qui se bousculent. Si je m’arrête, les yeux fermés, si j’inspire profondément en relevant le menton, à mesure, je sens cette chose chaude qui m’éperonne et me remplit, de gros doigts velus retenant ma taille, son poil, ses odeurs. Et je frémis de braver avec lui cet interdit lubrique, en mauvais garçon enfin libre.

Mais si je serre mon cul, je ressens une légère gène qui me rappelle nettement à l’ordre de la tempérance.

Puis, soudain, les mains sont gantées de bleu. Une voix plus grave, posée, rassurante me murmure « modérez vos élans de générosité » et alors, à l’agitation désordonnée succède une houle, calme, venue de loin, ample, puissante … et je rouvre les yeux, les joues empourprées, secouant la tête en tous sens pour revenir à moi.

Ma main plonge dans la poche de mon pantalon et, au travers de la fine cotonnade, ma paume s’applique sur la légère dépression qui marque la sangle du suspensoir sur ma hanche. Ce jock imprégné de mon sperme, il faut que je le lave et le fasse sécher discrètement, à l’insu de l’œil de ma mère qui veille à tout. Et là, dans le secret de ma sacoche portée en bandoulière se cachent mon boxer d'ado sage, roulé en boule et l'étui cartonné de la pommade bienfaisante que des doigts bleus ...

Une exultation euphorisante porte mon pas devenu allègre. J'ai surmonté les épreuves et la vie s'ouvre devant moi.

Amical72

amical072@gmail.com

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