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10 | Outing – Le récit d'Anthony.
Soudain, ses deux mains me retiennent sur sa queue solidement plantée et secouée de spasmes, il se déverse dans ma gorge dans un geignement de bête écrasée.
Ce que j'avale est mon triomphe et, me dégageant de son étreinte dés que je la sens se relâcher, je parade, parachevant ma victoire avec zèle en léchant, têtant, suçant, aspirant, gobant avidement, pour lui soutirer ses derniers soubresauts, ses ultimes crispations sonores.
-"Putain, t'aime ça, toi, t'es une vraie fiotte!"
Quel con ! Parce qu'il aime pas ça, lui, peut-être? Parce qu'il ne bandait pas comme un fou à se faire sucer par un mec qui lui bouffait les couilles ?
Pourtant, à ce moment précis, ce crétin-là qui crachait dans la bonne soupe m'aurait relevé et proposé la botte que j'aurais accepté avec enthousiasme. Car cette fois, j'en étais !
Je venais de sucer ma première bite, au jus, comme un pédé que je suis et je trépignais d'impatience de connaitre l'épreuve qui consacrerait définitivement ma condition, l'initiation qui me permettrait de m'affirmer en adulte sexué.
Mais lui, sans doute ébloui par ce qu'il regarde comme une manoeuvre qui consacre, croit-il, son habileté voir sa rouerie, mâle comblé, peut-être même au delà de ses médiocres espérances, ne voyant étroitement que lui-même, il se gargarise de ce demi-succès et se reculotte précipitamment en ricanant. Je m'en étonne.
-" Quoi ? C'était pas bien ?"
-" Putain, mais t'es VRAIMENT une fiotte, toi !"
Il a quitté la pièce précipitamment, me laissant, à genoux, me dispenser des caresses alimentées par les images que je rameute derrière mes paupières closes, éclaboussant avec le sol, le monde entier de mon foutre, de l'immense fierté de m'être "trouvé", ce sentiment d'être enfin MOI, entier, et que s'ouvre à moi un vaste horizon de possibles.
Cependant, tout à mon euphorie, je l'ai sous-estimé ! J'ai négligé que, pour disculper sa responsabilité impliquée dans nos effusions, pour se dédouaner de tout faux-pas qui l'aurait déjugé, y compris à ses propres yeux sans doute, il se répandrait en commentaires sur nos ébats, éteignant sa propre faiblesse - après tout, il aurait eu bien tort de ne pas "profiter" de ce qui lui était ainsi offert- derrière ma dégradante perversité, popularisant ce surnom de "fiotte" qui désormais me collera à la peau.
Car il est bien connu que les pédés sont des pervers sexuels non seulement insatiables mais également perfides. Or, à l'évidence, je SUIS un pédé. Il a donc trouvé un principe d'explication à son faux pas qui pourrait paraître totalement inexplicable sans celà : j'en suis la cause patente en parfait bouc émissaire, le déchargeant de toute imputation ; le voilà blanchi puisque toute la charge de la faute m'est imputée, je suis seul coupable.
Déversement brutal d'insultes poisseuses, d'injures, de crachats haineux, d'intimidations et de menaces en tous genres ; au mieux, détournements et évitements manifestes ... tant de la part des garçons que de celle des filles, me prennent à la gorge. Condamnation unanime y compris de la part de personnes avec qui je n'avais jamais échangé plus qu'un signe de tête. Jusqu'à mon propre frère, y voit-il une opportunité de détourner le regard d'opprobre qui pèse sur lui en me salissant ? - qui y va de son allusion salace, la claironnant au petit déjeuner devant nos parents et Laura.
L'oeil noir de mon père me transperce avant de se fixer sur lui. Son index se pointe.
-"Toi, tu devrais moucher ton nez crailleux avant de juger les autres."
Sa voix est sèche et sourde, comme celle de ses grandes colères rentrées et, à la suite, seules les mouches osent encore bourdonner. Moi-même, maintenant que je suis démasqué, je redoute le sort qui m'est réservé et que j'ignore, je ne sais soudain que penser, la gorge écrasée.
Mais dans le brouhaha qui suit la fin de la collation dominicale partagée, quand chacun, prenant sa part, s'active à débarrasser, nettoyer, remettre en ordre, alors que j'agit mécaniquement, le coeur serré, angoissé par l'avenir incertain que ma propre famille me réserve après cet outing, ma mère me happe au passage, ses bras m'entourent, m'enveloppent affectueusement ; elle m'embrasse fugitivement sur le front et souffle.
-" Fais bien attention à toi, mon chéri!"
Ces simples mots, les mots de ceux qui ne savent pas dire, sont de ceux qui m'ont le plus ému. Surtout qu'ils libèrent aussi l'air de la charge électrique qui y flottait, de l'orage dont les grondements bloquaient toute parole. La voix candide de notre soeurette s'élève alors :
-" Tu as un fiancé, Anthony ?"
Le rire qui secoue alors successivement ma mère d'abord puis mon père et, de soulagement nerveux, moi à la suite, fait face à l'air stupéfié de la fillette et exclut mon frère, à l'origine de cette tension qui, dépité, tourne précipitamment les talons ; il forge aussi ma détermination.
Tant que j'ai pu, j'ai cantonné mes attirances dans un vague indéterminé, entretenu en baissant la tête ; maintenant que j'ai mordu dans la tartine, je suis bien décidé à la dévorer.
Jusqu'à la dernière miette.
Et la violence de cet outing ne suffira pas à m'abattre.
En cherchant dans ma petite tête, j'ai choisi d'aller voir celle des CPE du lycée avec qui, étant un élève "sage et raisonnable", j'avais toujours eu des échanges apaisés et que je pensais de confiance. Effectivement, elle m'a écouté avec la plus grande attention ; après avoir consulté les messages que je lui ai montrés, elle a pris les choses en main, convoqué une réunion de projet pour organiser les quelques semaines qui me séparaient de l'examen.
-"Pour une fois," a dit ma mère, "on se déplace pour Anthony".
Au commencement, mon prof principal a pris la parole pour un petit discours sur le respect des différences, bla bla bla. Bof, je n'étais pas convaincu. Pourtant ...
Tu vois, on dit des profs, qu'ils n'écoutent pas les élèves, qu'ils ne s'adaptent pas à leurs besoins ... Ben là, ils m'ont bluffé ! Ils m'ont accompagné avec tant de sérieux, si bien individualisé mes exercices que, du coup, j'ai bossé comme jamais pour décrocher mon bac pro ; j'ai d'ailleurs obtenu une inespérée mention "bien" qui a consolidé mon amour propre en s'ajoutant à mon cv vierge.
J'étais motivé à fond et personne ne s'est plus aventuré à me chercher publiquement des noises, je m'étais d'ailleurs retiré de tous les réseaux ... mais j'avais téléchargé une appli de rencontre gay et j'ai complété mon initiation avec des mecs moins tordus. Ou plus adultes.
Après mon exam, je me suis inscrit dans une boite d'intérim, préférant prendre le train pour aller bosser plus loin, là où je ne serais pas connu. Les pédés à l'usine sont pas toujours bien vus, parce que ça reste l'usine, c'est souvent un travail de merde qui aigrit les gens.
Et donc, les rend méchants.
Et justement, dans ce train, au retour, un mec me mate longuement, un grand mec plutôt pas mal. Puis il remonte l'allée et se dirige vers les toilettes. Alors moi aussi, je gamberge et nous voilà, ici, tous les deux ...
Amical72
amical072@gmail.com
* 6% de enfants d'ouvriers obtiennent le baccalauréat et je me suis dit que je ferais partie de ceux-là. "C'est ta chance / le cadeau de ta naissance / y a tant d'envies, tant de rêves qui naissent d'une vraie souffrance / qui te lance et te soutient / c'est ta chance"
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