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11 | Le goût de mon dessert – Le récit de Julien.
- " Je me suis inscrit dans une boite d'intérim, préférant de prendre le train pour aller bosser plus loin, là où je ne serais pas connu. Et justement, dans ce train, un mec me mate longuement puis il remonte l'allée et se dirige vers les toilettes. Alors moi aussi, je gamberge et nous voilà, ici, tous les deux ..."
Anthony s'est soulevé sur ses coudes et retourné vers moi, souriant.
-" Ça fait du bien, non ?"
J'ai levé mon bras pour caresser son cou, son épaule. Son sourire bravache s'est un peu défait mais j'ai persisté tout en l'enveloppant d'une main chaleureuse.
-" Vider son sac, se reconnaitre gay face à un autre qui en est témoin, se redresser, s'assumer, c'est toujours une épreuve. Tu l'as vaillamment affrontée et tu dois être fier de toi."
Ma main l'a doucement attiré à moi et je lui ai soufflé à l'oreille.
-" Comme nos bavardages t'ont fait râter ton train et que je t'ai offert de te recueillir, nous pourrions fêter ça tous les deux. As-tu faim, gredin ?"
Il s'est dégagé et, dressé sur ses bras tendus pour me surplomber, l'oeil brillant, il répond :
-" Si tu savais ..."
Et il plonge sur ma queue pour la sucer tel un vampire.
Je ris, proteste, arrache ma déjà demi-molle trempée de salive à sa bouche de sangsue, le houspille pour le chasser du lit.
-" Aide-moi à remettre le ring en état pour le prochain round."
Il me décoche un long regard narquois puis s'exécute. Nous tendons le drap, secouons la couette, tapotons les oreillers. Soudain, au passage, il m'entoure de ses bras et tourne autour de moi comme une toupie avant de s'effondrer, le visage de profil sur mon torse, comme un jeune chien fou. Je le soutiens, ému par cette démonstration.
-" Être gay n'est pas une fatalité qui te voue exclusivement au malheur, jeune coq ! Il faut apprendre à profiter de ce que la vie t'offre, t'ouvrir à TOUT ce qu'elle t'offre, savoir le saisir.
A table, maintenant"
Comme me l'a fait entrevoir son récit où j'ai soupçonné quelques raccourcis pudiques, ce garçon n'est ni un empoté ni une princesse, il cherche spontanément à se rendre utile et y parvient fort bien. Il y met une obstination animale ; tout comme moi, il est héritier de mondes anciens transmis par des générations d'ancêtres dont l'attitude bien que muette lui a inculqué que rien ne va de soi, que rien ne tombe tout cuit, que tout est le fruit d'un labeur, d'une fatigue, parfois au prix de dangers, de cruautés, de pénuries et c'est cette science ancrée qui nous préserve de l'effondrement au premier revers de l'existence.
Il a faim. Il met la table selon mes indications, virevoltant dans son peignoir. On peut être gay, on n'en est pas moins une personne ordinaire avec des besoins physiologiques tout ce qu'il y a de commun. Rassurant.
Cependant, il ne perd pas une occasion de se blottir, m'enlaçant au passage, cultivant cette tension érotique, cette curiosité réciproque qui illumine les premières fois.
-" Viens voir ici, s'il te plaît!"
Je l'attrape d'une main à l'épaule, le place devant moi, et nous faisons face au buffet aux provisions, toutes portes ouvertes.
-" Qu'est-ce qui te ferait plaisir dans tout ça?"
Dans le même temps, à deux doigts, je fais glisser le peignoir de son épaule, puis de l'autre ; lorsqu'il s'est écroulé à nos pieds, ma queue bandée se place exactement entre ses fesses dévoilées. Un légère flexion sur mes cuisses la fait coulisser verticalement à la surface de son sillon contraint par ses petites fesses. Il se tait, immobile.
-" Réfléchis à ce qui te fait envie !"
Mes bras se referment sur lui et j'enroule mon cou pour l'embrasser délicatement dans le creux de sa clavicule, à droite. Il casse son rein.
Je bascule pour l'embrasser à gauche en reculant mon bassin et fléchissant sur mes jambes. Je rabats ma queue à l'horizontale et l'introduis sous ses fesses pour qu'elle coulisse entre ses cuisses qu'il entrouvre ; j'avance mon pelvis et mon gland butte à l'arrière ses couilles, il les relève d'une main pour autoriser la fluidité de mes lents aller-retour.
-" Si tu choisis la terrine maison, ta bouche aura le goût de thym ... Et ma queue aussi."
A l'extrémité de mes bras croisés sur son torse, mes doigts en pinces ont réussi à s'emparer de ses deux tétons et les étirent en les roulant. Il a allongé son cou, relevé son menton et respire lentement, bouche ouverte.
D'un coup, il s'arrache à mes caresses, se retourne vivement. Sa jolie bite brandie cingle la mienne alors qu'il encadre mon visage à deux mains et me galoche sauvagement.
Une belle nature.
Il décolle ses lèvres des miennes sans relâcher ses paumes qui pressent mes joues et, les yeux exhorbités, comme pris d'une soudaine inquiétude :
-" Et mon cul? Quel goût il a, mon cul?"
Trop facile ! Je jubile.
La pulpe de mon majeur droit vient dessiner ses lèvres qu'il entrouvre, puis, soudain, elles l'aspirent. Il ferme les yeux et suce doucement, sa langue l'entoure, se retourne dans un souple mélange. Je viens délicatement poser mes lèvres sur les siennes et ma langue se mêle à ce lent tourbillon désormais en trio, l'abonde en salive, puis le doigt se retire, abandonnant nos langues qui roulent et s'enroulent cérémonieusement.
Pendant leur ballet, ma main droite a glissé dans le creux de ses reins, majeur soigneusement relevé. Index et annulaire ont écarté ses fesses et le doigt trempé s'est abaissé dans le sillon, posé sur l'oeillet froissé et s'y est lentement enfoncé. Voluptueusement.
Il a soupiré d'aise, gardant les yeux clos et je le contemple, vigilant, épiant chacune de ses mimiques tandis que je joue de cet anneau, y introduisant une deuxième phalange, son sursaut quand je les retire, le mouvement de ses lèvres quand elles se posent sur elles. Il rouvre ses paupières pour plonger ses yeux dans les miens tandis qu'il happe mon doigt, le suce cérémonieusement, lèvres étroitement serrées comme pour en exprimer tous les sucs.
Avec un air de défi et j'en souris.
-" Le goût de mon dessert!"
Encore une fois, il a adopté l'air ingénu d'un enfant qui réclame :
-" Bon, on passe à table parce que j'ai hâte de le déguster ce dessert, moi aussi."
J'ai bien écrasé le peignoir au sol de mon pied mais il se penche, tire, m'oblige à céder et enfile à nouveau le vêtement qui le dissimule.
Je suis allé mettre ce CD, cet extrait de "Orlando Furioso" dans la version qu'en donne ce contre-ténor italien barbu. Il répond à une longue phrase de la flûte traversière. Après une attaque par deux syllabes sourdes "sol da", il fait résonner de telle manière le "te " de "te mio dolce amor", le "toi" qui désigne, qu'un frisson redresse mon poil à chaque fois, comme si son chant m'était destiné, qu'il ne chantait que pour moi.
En revenant, j'intercepte l'oeil goguenard d'Anthony et, à la volée, je l'emprisonne étroitement dans mes bras.
" - Vois-tu, je conduis des tracteurs puissants qui fendent la terre comme du beurre et je pourrais m'étourdir de cette force qui parait dominer le monde, jusqu'à me croire immortel. Or la voix humaine et cette musique de Vivaldi me ramène à ma fragile condition d'être vivant. Donc mortel. J'admire ce mec parce qu'il sait, par son chant qu'une grande maîtrise dépouille d'emphase superflue, exposer une pareille sensibilité avec autant d'aisance et d'évidence.
Ce que nous, les hommes, nous n'apprenons pas à faire.
Parce l'usage veut qu'un garçon ne montre pas ses sentiments, parce qu'un garçon ne pleure pas !
Or, la capacité de dire nos émotions simplement et sans embarras nous confère une grande force lorsque nous en usons avec discernement. Pour, par exemple, toucher au coeur ceux que nous aimons, même un peu, ceux pour qui nous avons une inclination, même passagère."
Pour appuyer ma phrase, le bout de mes doigt l'effleure, et je guette son frisson. Mais il le contient, hoche la tête, affichant un air neutre, sans doute pour masquer son incertitude. Pourtant je parie que je l'ai ébranlé.
Je ne visais pas à le convaincre -car il est probablement trop éloigné de ces démonstrations que, peut-être, il trouve trop "sentimentales", trop proches du procès en caricature de "garçon sensible" que les croquants nous font, à nous, les gays - mais simplement lui donner à voir, à envisager un possible, un "autrement" que celui qu'à travers ses propres parents, la vie lui a proposé. Mais, pour le moment, je l'invite :
-" A table !"
Il s'empare de cette échappatoire bienvenue avec entrain et dans un grand sourire ; j'espère que la graine que j'ai semée trouvera lentement à faire son chemin dans ses pensées.
« sol da te, moi dolce amore, questo core avrà pace, avrà conforto. / De toi seul, mon doux amour, le coeur que voici aura la paix et le réconfort » Filippo Mineccia contre-ténor, Carlotta Ingrid Garcia flûte traversière dans Vivaldi
Amical72
amical072@gmail.com
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