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Chapitre 4 | Douter de soi
Contre l’évidence d’une belle lumière qui entre à flots par la fenêtre, Toni affirme qu’il fait un temps de chien :
- « restons plutôt à la maison, Adrien ».
En peignoir, nous rejoignons la cuisine où chacun s’active pour préparer le petit déjeuner. Faire couler le café, trancher le pain, dresser le couvert sur le comptoir… Nos corps s’esquivent avec souplesse, une main légère se pose sur une épaule ou la taille pour être aussitôt retirée et nous sourions de ces frôlements complices.
Je viens m’asseoir sur un tabouret tandis que Toni reste debout, côté cuisine. Ainsi face à face, on ne se quitte guère des yeux.
Je le détaille avec appétit, mon joli étudiant portugais avec son casque de boucles brunes indisciplinées et ses belles épaules. Il n’est pas aussi svelte qu’un marbre grec, et, peut-être pense-t-il que je ne l’ai pas vu prendre une inspiration profonde pour rentrer son léger bidou quand il me voit l’observer … Mais moi, j’aime le confort de ce fin molleton qui l’enveloppe. Et peu m’importe, car il a pour lui, sous ses épais sourcils, cette pétulance dans sa prunelle de marron grillé où passent aussi, parfois, de lourdes nuées qui me donnent envie de le protéger en le serrant dans mes bras, et ce sourire qui l’illumine soudain et creuse sa joue d’une fossette.
De plus, au quotidien, il est de compagnie agréable, courtois et sans caprice. Il partage les tâches ménagères avec une spontanéité et un naturel qui les soulagent et les transforment en des moments de connivence. Quel bonheur.
Son peignoir d’éponge blanche croisé et fermé d’une ceinture nouée dessine une silhouette athlétique et laisse entrevoir, par de fugaces entrebâillements, une peau mate satinée couverte d’une légère toison d’ourson brun que j’aime caresser jusqu’à le voir renverser sa tête vers l’arrière en se mordillant la lèvre inférieure, narines dilatées, le regard filtré par ses cils sombres de méditerranéen.
Je le vois alterner d’un pied sur l’autre, changeant sans cesse d’appui et, si je m’en amuse intérieurement, je ne laisse rien paraitre car je sais bien ce qui le fait ainsi danser et soupirer. Il a des langueurs dans les paupières et laisse ses doigts s’attarder sur les miens quand je lui tends une tartine beurrée par mes soins. Mais, tout en me montrant prévenant, je m’applique à paraitre hermétique à ses regards languides, à sa moue quémandeuse, à son roulement d’épaules … sans pour autant en perdre une miette ! Je me délecte de le voir ainsi clignoter, tous ses signaux chauffés au rouge pour m’attirer dans ses filets. En vain.
Car je ne lui renvoie que la gentillesse désarmante de mes plus naïves attentions.
Combien de temps va-t-il parvenir à résister ?
Il a reposé son bol un peu sèchement et, tête baissée, en deux pas décidé, entrepris de contourner le comptoir qui nous sépare. A peine a-t-il tourné l’angle que je fais pivoter mon tabouret face à lui.
Les pieds posés croisés sur le repose-pied, mes cuisses ouvertes à l’équerre, ma bite soulève les pans de mon peignoir tel un rostre.
– « douterais-tu de ton pouvoir, Toni ? »
*A l’occasion de la journée du 17 mai 2021, Santé Publique France sort un clip de prévention des discriminations reprenant la chanson « Nous les amoureux » interprétée par Jean-Claude Pascal, Prix de l’Eurovision 1961
Amical72
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