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Chapitre 5 | Tout va bien
Le récit de Toni
Adrien s’est échappé de mes bras et, alors qu’il fuit dans la salle de bains, je reste entortillé dans la chaleur des draps et me laisse aller à rêver qu’ensuite, il va me rejoindre, m’envelopper de ses bras et que nous allons cascader progressivement de la tendresse vers la débauche la plus torride où je me perdrai.
Mais basta, il rejoint la cuisine et, peu après, j’entends la porte extérieure se refermer. Zut.
Vite, je file à mon tour à la toilette : me brosser les dents et prendre une douche rapide, me savonnant particulièrement aux endroits où ses doigts, sa langue … humm ! Je le veux et l’espièglerie s’empare de mon esprit.
Vite ! Retourner l’attendre, demi dissimulé dans l’écume des draps, comme s’il débusquait la proie au nid, une proie qui, de surprise, proteste et se débat, puis, débordée, impuissante, se laisse subjuguer par le regard du chasseur qui l’ensevelit sous sa masse. Rassemblant toutes mes forces, je le retourne, découvrant sa dague dressée.
Je l’engloutis !
Et à ce moment, premier bonus ! Je ramène de sous l’oreiller les deux carrés magiques dont je l’équipe tandis que son doigt glisse vers sa cible.
Et là, second bonus ! La voie est interdite par un accessoire dont il m’a lui-même préconisé l’usage, et ce, au plus grand bénéfice de ce qui trotte dans ma petite tête : le chevaucher ! L’emboucher puis me laisser lentement couler, par simple gravité, le long de son mât de cocagne, lui laissant tout le loisir de m’observer, lui que je veux éblouir, tandis que je l’avale souplement, que je le sens progresser en moi lentement, chaud et ferme, ouvrant sa voie au rythme de ma respiration, jusqu’à la garde, écrasant de mes fesses la broussaille sombre de son pubis.
Puis bander mes cuisses et m‘arracher à lui avant de recommencer pour retrouver ce bonheur de le sentir m’ouvrir mais aussi celui de le gainer souplement, de le masser de mes contractions, de le retenir en moi ou de le relâcher. Et recommencer, et encore … Le voilà qui me fait basculer avant de m’installer sur le dos ; attentionné, il me cale les reins avec l’oreiller, et attentif à mon plaisir, c’est lui maintenant qui mène les va et vient. Je le regarde par la fente de mes paupières entrouvertes, avec son sourire qu’alimentent les petites plaintes que je ne parviens pas totalement à étouffer, les spasmes qui me font frissonner, … Il s’immobilise soudain, amorce un retrait ...
NON !
Ouf ! Ce n’était que pour ramener mon attention à lui, pour accorder nos respirations avant d’entamer ces vigoureux balancements en sens contraire qui nous conduisent à une jouissance presque simultanée. Ses mains se referment comme des pinces dans mes chairs tandis qu’il se plante en moi avec le han d’un bucheron abattant l’ultime coup de cognée qui fera tomber l’arbre, soulevé par une série de spasmes électriques soutenus par un sombre grondement rauque. Il me semble qu’il vient de connaitre un orgasme puissant qui me remplit de bonheur et de la fierté d’être parvenu, peut-être, à être ce « bon coup » qu’il appelle de ses vœux, l’amant accompli ... enfin, presque accompli !
Quand il s’écroule à mon côté, je m’empare de sa bite, la décapote, l’embrasse et la suce, dans un élan de reconnaissance pour cet instrument de nos plaisirs. Puis je vide sa semence sur mon torse, la mêlant à la mienne avant de me rouler sur lui pour nous coller, nous mélanger, dans une confusion de plaisir, de tendresse, de gratitude. Je l’embrasse alors et il me semble qu’en retour, sa fougue, sa gloutonnerie témoignent que lui aussi a vécu quelque chose d’intense, un moment d’étroite communion, la note claire d’un accord juste et partagé. Je suis saisi par cette évidence, lumineuse, alors que me revient l’insistance inquiète avec laquelle il m’a demandé si tout va bien pour moi. Il me semble pourtant que les faits parlent d’eux-mêmes :
- « imagines-tu encore que j’aie quelques réserves ou la moindre prévention, Adrien ? »
Et nos jeux joyeux se poursuivent sous la douche, un chahut de potache qui habille nos prévenances, ma furieuse envie de me blottir contre lui, de le caresser partout, de m’imprégner de lui. Il m’enveloppe dans une grande serviette, puis indique qu’il veut prendre soin de moi et rien ne me comble davantage que de m’en remettre à lui en toute confiance. Il me renverse sur son genou et m’enduit l’anus de crème apaisante. Mais ses doigts d’expert jouent de moi et plongent, vifs, ajustés, terriblement efficaces. Ils me tirent des soupirs qu’accompagnent des éclairs illuminant mes prunelles. Et je fonds, j’aime qu’il me tourneboule ainsi, je …
Mais sa voix sonore proclame :
- « j’ai faim ! » et il me regarde reprendre pied, avec une lueur taquine dans les yeux : voilà qu’il ouvre sa main, me dévoilant le plug qu’il y avait dissimulé. Il me le replace, « pour parer à toute éventualité » me dit-il. Mais moi, j’y entends sa promesse de reprendre nos jeux aussitôt que possible. Ou peut-être avant…
Cependant, il y a des mots qui résonnent plus fort que d’autres à nos oreilles et si, par distraction, nous n’y prenons pas garde, leur musique revient nous hanter. « Est-ce que tout va bien pour toi, ici, Toni ? » Et, tandis que nous dressons la table du petit déjeuner, comme un exercice habituel et bien réglé qui nous fait sourire de notre complicité, la question me poursuit : est-ce que tout va bien pour moi, ICI ?
Je vis ma vie d’étudiant sérieux le jour et le soir, chaque soir, je retrouve Adrien, ici, où, désormais, nous cohabitons, harmonieusement, il me semble. Et nous dormons ensemble, peaux, poils et humeurs mêlés, pour traverser le tunnel nocturne. J’ai le bonheur de me réveiller, paisible, dans ses bras que je retrouve au soir, tel un havre. Oui, j’en retire un sentiment profond de sécurité et de plénitude qui transcende toutes les petites tracasseries du quotidien que j’affronte avec un calme et une assurance inédits.
Je le regarde ; il s’est assis face à moi qui ai choisi de rester debout. De petites contractions du périnée autour de l’instrument intime suffisent à me garder dans cette tension que nous avons partagée et que j’imagine prolonger de mes sourires, de mes regards entendus alors que je le vois, courtois et prévenant, retrouver petit à petit cette figure enjôleuse de l’intervenant empathique … mais inaccessible. Je voudrais, ce dimanche, ignorer tout le jour la lumière du soleil et m’étourdir de nos élans charnels, jouir à n’en plus pouvoir, à perdre le haut et le bas pour n’être plus qu’un frisson … Adrien, pourquoi m’abandonnes-tu sur le chemin de la volupté ? J’ai une irrépressible envie de plonger mon nez dans ton odeur, de fermer les yeux sur cet éclat lubrique dans tes yeux, de frotter ma peau à la tienne … Je repose mon bol et, résolu, fais le tour du comptoir.
Il a fait pivoter son tabouret face à moi qui m’arrête, interdit : entre ses cuisses écartées à l’équerre, les pans du peignoir ne peuvent dissimuler son émotion. Son glaive brandi.
- « douterais-tu de ton pouvoir, Toni ? »
Amical72
amical072@gmail.com
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